En Amérique du Nord, la familiale ne fait plus recette. Quoi qu'il en soit, une poignée de constructeurs européens ont encore de bonnes raisons de croire en l'avenir de cette carrosserie. Audi et Volvo sont de ceux-là. Avec les Allroad et Cross Country, ces deux marques démontrent qu'il est possible d'allier élégance et contenance, même en prenant une pause dans un champ... Oui, comme un 4 x 4! Enfin, presque.

Travestir une familiale en tout-terrain? L'idée n'est pas nouvelle, mais n'est pas facile à mettre en oeuvre. Cela suppose une maîtrise du rouage à quatre roues motrices. AMC a été la première à proposer cette «solution de rechange aux 4 x 4 traditionnels». Le concept a ensuite été repris - avec succès - une quinzaine d'années plus tard par Subaru (Outback), à qui l'on attribue faussement la pérennité de cette formule qui consiste à mêler les attributs de différentes catégories de véhicules.

Les véhicules évoluent en fonction des nouvelles attentes de la population qui, avec l'évolution de la vie et la part croissante consacrée aux loisirs, prône toujours plus de polyvalence. Bien loin des déménageurs d'antan, sans aucun charisme, ces familiales «nouveau genre» doivent, elles aussi, répondre à cette conjoncture. S'il demeure le critère essentiel dans ce type d'achat, le volume de chargement n'est désormais plus considéré comme une quête ultime.

Soucieuse de combler toutes les niches du marché, les marques de prestige s'intéressent depuis un bon moment déjà à cette sous-catégorie qui permet à la familiale de reprendre quelques couleurs et de susciter l'intérêt d'une clientèle qui souhaite allier la polyvalence d'une familiale et la dynamique de conduite d'une auto à - certains - attributs d'un «tout-terrain». Pour combler ces attentes, Audi propose l'A4 Allroad Quattro, tandis que Volvo nous invite depuis peu à découvrir la V60 Cross Country.

Ces deux modèles tentent de doubler leurs qualités naturelles de chargement, d'autres attributs plus proches d'une berline et d'un utilitaire, qu'il s'agisse d'une esthétique plus recherchée ou d'un agrément de conduite raffiné. Jusqu'à devenir une possible solution de rechange à ces deux segments diamétralement opposés.

Ça déménage?

Les temps changent, les familiales aussi! Finies les simples déménageuses, l'heure est à la polyvalence. Spécialistes en la matière, Audi et Volvo l'ont bien compris avec l'A4 Allroad et le V60 Cross Country, aussi plaisantes à conduire que les berlines (A4 et S60) dont elles sont issues. Mais avant de prendre la route, un tour du propriétaire s'impose.

Sans doute à la recherche d'une meilleure efficacité sur le plan aérodynamique, l'amateur de familiale est aujourd'hui contraint de choisir entre élégance et contenance. Même Volvo y est contraint. Cross Country ou pas, la V60 rompt avec l'héritage de ses aînées (rappelez-vous les anciennes 240). Visuellement audacieuse, sa carrosserie s'adapte aux canons esthétiques actuels, suivant ainsi le modèle des Audi A4 Allroad et autres BMW Série 3 Touring. Mais fatalement, son volume utile s'en ressent - il est tout juste moyen, avec seulement 1241 litres, banquette abaissée. Contre toute attente, sa rivale allemande fait légèrement mieux avec 1430 litres. À titre de comparaison, le Buick Encore, long de 4,28 mètres, est en mesure d'embarquer l'équivalent de 1371 litres...

Reste que chacun a des qualités et des défauts qui, en fonction de vos besoins et de votre sensibilité, feront certainement la différence. Ainsi, le dossier de la banquette de la Volvo se fractionne en trois sections, contre deux pour l'Audi. Cette dernière propose, en contrepartie, une trappe qui permet d'y glisser les skis que vous sortirez très prochainement...

La présentation intérieure de la Volvo séduit instantanément. Les garnitures moussées et de cuir sont de grande qualité; les baquets, impeccables. Ni trop durs, ni trop mous. Juste parfaits. La suédoise est non seulement la plus conviviale et la plus agréable à vivre, mais aussi la mieux équipée des deux - ou, à tout le moins, elle offre certains accessoires à la fine pointe du progrès en matière de sécurité active. On pense notamment à son dispositif de «détection de piéton». Ce dispositif, qui permet de détecter un piéton, d'alerter et d'assurer un freinage automatique pour l'éviter, se compose d'un radar, d'une caméra et d'une unité centrale. Le radar a pour fonction de détecter tout objet dans le champ du véhicule et d'en mesurer la distance relative. La caméra détermine la nature de l'objet. Le système est programmé pour prendre en compte les véhicules, à l'arrêt ou circulant à contresens. Le système détecte aussi les enfants, et demeure actif jusqu'à une vitesse maximale de 35 km/h. Puisque le sujet importe à de nombreux acheteurs, les dispositifs de connectivité des deux véhicules font jeu égal; toutefois, dans les deux cas, nous aurions souhaité un écran de navigation plus imposant.

Audi cultive de son côté une certaine austérité. Le sérieux de la construction ne fait aucun doute, mais un zeste de fantaisie n'aurait déplu à personne. Tout comme des rangements plus nombreux. La prochaine génération de ce modèle, attendue à la fin de l'année 2016, corrigera cette lacune.

Bon, la V60 Cross Country offre, à l'avant comme à l'arrière, des assises plus confortables, mais un dégagement moindre qu'à bord de l'A4 Allroad, pourtant loin d'être une référence dans ce domaine.

Comportements typés

Apparue cette année, la V60 Cross Country étrenne étonnamment une mécanique dont les jours sont comptés: un cinq-cylindres. En effet, le constructeur scandinave entend ranger cette motorisation au vestiaire au profit du nouveau quatre-cylindres qu'il vient de mettre au point.

Sur le plan des performances pures, le cinq-cylindres de la Volvo s'est révélé, sans surprise, le plus vif. Mais aussi le plus gourmand. Si cette mécanique a du coeur, il lui manque une âme, une voix plus mélodieuse et un estomac plus grand pour lui assurer une meilleure autonomie.

Le moteur suralimenté de la Volvo s'arrime uniquement à une transmission semi-automatique à six rapports qui, elle aussi, vit ses derniers jours. Dans le cadre d'une utilisation normale, celle-ci se révèle exquise et file le parfait bonheur avec le moteur qui l'accompagne. Cependant, dès que le conducteur sort le fouet, elle s'affole. Elle manque alors de vivacité et tire mollement sur ses rapports.

Malgré sa cylindrée moindre (2 litres), le quatre-cylindres suralimenté de l'Allroad se tire bien d'affaire, notamment en raison de sa rondeur, de sa plage d'utilisation plus grande et d'une consommation nettement moindre. Solide et coupleux, ce moteur ne s'alimente, comme la Volvo d'ailleurs, que d'essence super. Audi retient pour sa part les services d'une boîte semi-automatique à huit rapports pour entraîner ses roues motrices. Elle est parfaitement étagée. De série, elle se marie bien à la courbe de puissance du moteur suralimenté.

Sur la route, la V60 Cross Country devance sa rivale au chapitre du confort. Cependant, dès le premier virage, la Volvo suinte à grosses gouttes en cherchant à suivre le rythme de l'Audi sur un parcours tourmenté. La faute incombe notamment à une répartition de poids moins équitable entre les essieux et à une direction - au demeurant d'une belle précision - qui manque de linéarité et qui est un poil trop légère.

Personne, sans doute, n'aura l'idée d'amener ces deux véhicules hors route. Mais si cette - mauvaise - idée vous venait, allez-y avec la Volvo. Cette dernière offre une meilleure garde au sol et dispose en prime d'un contrôle de descente en pente, absent de l'Audi. Quant à la performance du rouage intégral, celui de l'allemande se révèle supérieur (prise constante) en raison d'une gestion électronique très progressive qui autorise une plus grande latitude au volant. Le rouage intégral de la suédoise est du genre «à ne prendre aucun risque». La moindre dérive est immédiatement corrigée. Si vous aimez conduire, ce système vous paraîtra (beaucoup) trop contraignant. En revanche, si la conduite hivernale vous donne des boutons, alors là, vous apprécierez son empressement à se mettre en action.

Un dernier mot, enfin, sur la capacité de remorquage. L'avantage va cette fois à Volvo, capable de tracter plus du double de la charge permise par Audi.

Et la gagnante est?

Si la Volvo se montre performante et peut-être plus généreuse en sensations, il faut bien reconnaître que la confrontation tourne à l'avantage de l'Audi. L'homogénéité de l'allemande, son efficacité et son agrément de conduite font oublier son prix, supérieur à celui de son homologue suédoise.