Est-ce vrai que, pour payer son auto neuve moins cher, il faut magasiner à la fin du mois? Les concessionnaires accordent-ils vraiment de gros rabais pour atteindre les objectifs mensuels et encaisser les primes au volume? Ou est-ce du folklore, une relique qui traîne comme une vieille auto qui rouille, abandonnée dans un fossé?

Ça dépend du constructeur et de l'époque. Et c'est un sujet de controverse et de chicane sans fin entre concessionnaires, entre vendeurs et entre dirigeants de constructeurs, comme on l'a vu au congrès annuel de la National Automobile Dealers Association, la semaine dernière, à San Francisco.

Alors que Fiat-Chrysler venait de renouveler sa foi dans les primes mensuelles au volume, le président du groupe de concessionnaires Auto Nation a dit qu'il en avait «royalement plein le derrière» de ces primes incitatives aussi détestables et «inévitables que la mort et les taxes», a ironisé Mike Jackson. «Et après toutes ces années dans le métier, je ne sais pas laquelle des trois est la pire!»

Les cibles mensuelles et les mesures incitatives mises de l'avant par les constructeurs transforment chaque marché local en «loterie» à chaque fin de mois et «minent la loyauté entre clients et concessionnaires», a dit ajouté.

Des échos au Québec

Son discours, retransmis sur internet par Automotive News, a trouvé des échos au Québec.

«Les primes mensuelles sont dommageables pour les métiers de concessionnaire et de vendeur d'autos. Ça déséquilibre les prix et ça renforce dans le public l'idée que les vendeurs et les concessionnaires disent n'importe quoi», a dit à La Presse le directeur des ventes d'un grand concessionnaire québécois, qui a demandé de ne pas être nommé parce que ses propos nuiraient à sa carrière.

«Supposons qu'un client sérieux vient magasiner au milieu du mois. Le vendeur va lui brosser un portrait assez précis du prix coûtant, de la marge de profit, etc., et lui indiquer jusqu'où il peut aller. Mais si le client continue à magasiner la même auto ailleurs et que son timing est bon, il peut tomber sur un concessionnaire à qui il manque une ou deux ventes pour atteindre une cible mensuelle, qui va baisser le prix de 1000 $ ou 2000 $ parce que la prime versée par le constructeur est bien supérieure au rabais. Ce client va penser quoi? Que mon vendeur lui a menti. Et si cet acheteur est un client loyal dont on s'est bien occupé et qui venait acheter sa troisième auto ici, on vient de le perdre pour toujours parce que le lien de confiance est rompu.»

Prix en escalier

Ces mesures incitatives sont appelées stairsteps en Amérique du Nord, et elles sont effectivement comme les marches d'un escalier. Il y en a de toutes sortes selon les constructeurs et la taille des concessions. «L'argent n'arrive pas seulement à 100% de la cible de vente mensuelle, les primes peuvent être de 500 $ par véhicule à 100%, mais monter à 600 $ à 105%, 700 $ à 110% et ainsi de suite», explique le cadre québécois.

Le revers de la médaille, c'est la nature humaine: les vendeurs touchent une partie de ces primes au prorata de leurs ventes personnelles, admet-il. C'est une motivation tangible très puissante. «Mais c'est à courte vue, je pense que c'est nuisible à long terme.»

Plusieurs constructeurs d'automobiles ont éliminé les primes mensuelles. «J'en ai fait en masse dans le temps», a dit au congrès de la NADA le patron des ventes de Toyota USA, Bob Carter, qui a été concessionnaire jadis. «On n'en fait pas et on n'en refera pas.»