Exaspérée par les pratiques «délinquantes» de certaines entreprises, la Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ) a demandé récemment au gouvernement de faire le ménage dans cette industrie. Que se passe-t-il dans les ateliers de carrosserie? Pourquoi tirer la sonnette d'alarme? Explications en six temps.

LE PROBLÈME

Michel Bourbeau prend souvent pour exemple cet automobiliste qui a vu un jour sur l'autoroute son pare-chocs avant se décrocher et l'un de ses phares tomber sur la chaussée après avoir récupéré sa voiture chez un carrossier. Le président exécutif de la CCPQ est parti en croisade contre les ateliers qui ne possèdent pas l'expertise requise, négligent les lois environnementales, alimentent le marché noir et abusent des consommateurs. Dans cette industrie, il n'existe aucun standard de qualité officiel, aucun permis d'exercer, aucun encadrement pour protéger les consommateurs. «N'importe qui peut s'improviser carrossier», dit la CCPQ qui ajoute qu'il n'y a pas de règles pour créer une telle entreprise. On imagine les conséquences possibles. «Qu'est-ce qui me garantit que ma voiture, ou celle de mon voisin, a été bien réparée et est sécuritaire?», résume Michel Bourbeau.

QUI SONT LES FAUTIFS?

Qui sont ces fautifs et combien sont-ils? La CCPQ elle-même est incapable de préciser le nombre d'entreprises de carrosserie «délinquantes». Dans la province, on en compterait des centaines. Celles-ci ont une courte durée de vie. D'où la difficulté à les dénombrer. «Ce sont souvent des petits ateliers qui ouvrent et ferment trois mois après et rouvrent sous un autre numéro d'entreprise», dit Michel Bourbeau.

Comment faire alors la distinction entre un bon et un mauvais carrossier? «Les bons sont ceux qui font la promotion de standards de performance», répond le président de la CCPQ. C'est-à-dire des membres de la corporation, des carrossiers travaillant sous une enseigne et des indépendants. En somme, un peu tout le monde.

CE QUE VEUT LA CCPQ

Face à cette situation anarchique à certains égards, la CCPQ a demandé au gouvernement du Québec de légiférer. La corporation réclame essentiellement qu'un permis d'exploitation soit nécessaire pour exercer et que chaque atelier verse au préalable une caution pour les règlements de litiges éventuels. Litiges qui seraient gérés par l'Office de la protection du consommateur. Si la corporation a bénéficié d'une oreille attentive au ministère des Transports, aucun changement législatif n'est cependant à venir. Un comité de travail doit d'abord analyser la situation.

UN MÉTIER QUI ÉVOLUE

Alors que n'importe qui en théorie peut ouvrir un atelier, on ne s'improvise pourtant pas carrossier du jour au lendemain. D'autant plus que le métier a considérablement évolué ces 10 dernières années, sous l'impulsion des changements apportés aux voitures par les constructeurs automobiles.

«Les matériaux de carrosserie sont plus légers et plus résistants, explique Patrice Marcil. On utilise l'aluminium et la fibre de carbone. Il faut donc changer d'équipement et acquérir des connaissances en analyse et en réparation de matériaux composites. Il n'y a plus beaucoup de soudage, mais il y a plus de collage et de rivetage.»

Le directeur de la formation et du service à la clientèle chez Axalta Canada ajoute que l'électronique à bord des autos a également un impact sur le travail. «Il est important de remettre correctement les capteurs sur un pare-chocs lors de la réparation d'une carrosserie», fait-il remarquer.

Sans compter que les pigments, teintes, nacrés et finis ont demandé de nouveaux procédés de peinture, à des coûts supplémentaires, nécessitant des compétences particulières.

LES ASSURANCES NE SUFFISENT PAS

Un des meilleurs moyens d'éviter des surprises est de passer par son assureur. En cas d'accrochage ou d'accident, les compagnies d'assurances recommandent habituellement à leurs clients automobilistes un atelier de carrosserie qu'elles ont choisi. Cette référence est normalement un gage de travail effectué comme il se doit. La recommandation des assureurs est néanmoins «un filtre insuffisant», estime la CCPQ. Pour la simple et bonne raison qu'un automobiliste peut toujours aller chez le carrossier de son choix. À la recherche de la facture la plus basse, «beaucoup de consommateurs magasinent leur carrossier», dit son président Michel Bourbeau.

DEUX DÉCISIONS À ÉVITER

Deux comportements sont alors le plus souvent observés. Celui de l'automobiliste qui ne déclare pas à son assureur le sinistre et qui négocie un prix de réparation avec un carrossier. Et l'exemple du consommateur qui impose à son assureur son choix de carrossier avec qui il a négocié un prix déduction faite de sa franchise d'assurance. Dans les deux cas de figure, l'automobiliste s'expose à de possibles mauvaises surprises après la réparation, avertit la CCPQ.