À Pékin, le Pangu 7 Star Hotel côtoie le stade olympique. Monumental, il est presque aussi imposant que le célèbre Nid d'oiseau. Comme si cette exubérance ne suffisait pas, son propriétaire possède pas moins de 14 supervoitures exotiques dans son garage. Et comme si ce n'était pas assez, monsieur conduit lorsque cela lui tente une Bugatti Vitesse, dernière-née de la marque d'exception du Groupe Volkswagen, qui lui a coûté la modique somme de 2,3 millions. Bienvenue en Chine!

L'industrie automobile brasse des affaires dans l'empire du Milieu. Beaucoup d'affaires. Particulièrement dans l'industrie du luxe et du haut de gamme. Ce marché s'est élevé l'an dernier à 12,4 milliards US, tous produits de consommation confondus. Et il ne s'essouffle pas. Le marché chinois de «l'hyper luxe» a un taux de croissance annuel de plus de 20%.

Chez les concessionnaires automobiles, on se frotte les mains. L'an dernier, 1518 voitures de luxe représentant 21 modèles ont été vendues. Un record.

Chez Lamborghini, qui détient à lui seul 22,5% de parts du marché chinois, le constat est simple. «Ce marché n'augmente pas, il explose!» commente Christian Mastro, directeur général de Lamborghini Asie-Pacifique.

Même observation et même tendance chez Bentley. Alors que le premier trimestre 2012 a vu les ventes de véhicules légèrement baisser pour la première fois (-0,3%), la marque britannique a écoulé dans le même laps de temps plus de 500 exemplaires. Plus qu'aux États-Unis.

Le phénomène étonne. Pourquoi cette ruée des con-sommateurs chinois vers les produits de luxe?

«Pour la reconnaissance, pour montrer qu'ils sont riches, explique Christian Mastro. Hier, ils mangeaient du riz. Aujourd'hui, ils dépensent leur argent. Ils voyagent, font des affaires, s'informent. Et ils savent ce qu'ils achètent, ils comprennent ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Quelle marque est bonne, quelle marque ne l'est pas. Après, c'est la réaction en chaîne. Il y a une émulation dans des proportions beaucoup plus importantes que n'importe où ailleurs.»

Une explication à connotation politique

Il y a une autre explication à cet attrait pour les produits haut de gamme et les berlines. Une explication à connotation politique, comme le fait remarquer Kimiyasu Nakamura. «Les gens riches ont suivi les élites gouvernementales qui ont acheté des berlines il y a quelques années», dit le PDG de Dongfeng Motor, coentreprise du Japonais Nissan et du Chinois Dongfeng Group.

Les Chinois ont accédé brutalement à l'automobile. Celle-ci est devenue rapidement un symbole de prestige, une icône du luxe, la reconnaissance d'un statut social.

Dans un pays qui compte plus d'un million de millionnaires (en dollars) et dont la richesse moyenne par personne a plus que triplé en 10 ans, passant de 6000$ seulement à 21 000$ en 2011 - Le Crédit Suisse prévoit même que cette moyenne devrait atteindre 70 000$ en 2016 -, le rythme de consommation de ces produits particuliers n'est pas prêt de ralentir.

Numéro un dans le haut de gamme depuis 2007, Audi a vendu plus de 310 000 voitures l'an dernier et ambitionne de doubler ses ventes d'ici à 2015.

«Les gens sont riches dans ce pays», dit M. Nakamura. Et ils sont jeunes. Les clients de Lamborghini sont âgés de 20 à 45 ans. Ils habitent Pékin ou Shanghai pour la plupart. Leur moyenne d'âge est exceptionnelle et effarante: 28 ans! On imagine la marge de progression de l'industrie dans cette catégorie de véhicules.

Les constructeurs en sont plus que conscients. Au dernier salon automobile de Pékin, ils ont été nombreux à dévoiler des éditions spéciales de modèles phares. Aston Martin, Range Rover ou encore Jeep ont conçu par exemple une version «dragon» exclusive au marché chinois.

«Dans le domaine du luxe, toutes les éditions spéciales sont en rupture de stock. Les Chinois adorent les éditions spéciales», observe Tycho de Feyter, rédacteur en chef de CarNewsChina.com.

Ce goût pour le luxe évolue néanmoins, si l'on en croit Kimiyasu Nakamura. «Cette logique est en train de changer. Les gens se rendent compte que des modèles à hayon sont pertinents dans leur quotidien pour leurs besoins et leurs déplacements.»

Mais de là à troquer leur Aston Martin pour une Elantra Touring... Il n'y a qu'un pas que bien des consommateurs riches ne franchiront pas dans l'immédiat.

Le haut de gamme a occupé 8% du marché automobile chinois en 2011.

Source: AutoForesight