Les touristes adorent regarder défiler les vieilles voitures à Cuba. Cela fait partie des charmes du voyage. Mais comment les Cubains font-ils pour entretenir ces véhicules qui ont parfois plus de 60 ans? C'est une entreprise de plus en plus difficile, croit le fondateur des Voitures anciennes du Québec, un habitué des routes cubaines.

Quiconque s'intéresse à la voiture ancienne au Québec connaît Gilbert Bureau. C'est lui qui a créé, en mars 1974, le club des Voitures anciennes du Québec (VAQ).

Le VAQ est devenu, avec le temps, le plus important club de voitures anciennes du Canada et il est le seul qui publie un magazine mensuel en français sur les vieilles voitures en Amérique du Nord, le magazine L'auto ancienne.

Gilbert Bureau a fait carrière dans l'enseignement jusqu'à sa retraite, il y a une dizaine d'années. Depuis, il peut consacrer plus de temps à sa passion pour l'automobile. Il agit même à l'occasion à titre d'évaluateur de voitures privées. Lui-même possède une Cadillac 1926.

Toutefois, M. Bureau a un petit problème: il déteste l'hiver. Il a bien essayé la Floride, mais il n'a pas aimé. Il a plutôt opté pour Cuba, plus précisément La Havane. Il y passe trois mois par année depuis plus de 10 ans. Si vous connaissez un peu le monde de l'automobile, vous direz alors que son choix ne pouvait être meilleur puisqu'il baigne dans un parc de belles américaines des années 50...

Pas nécessairement.

Un trésor en perdition...

Rapidement, le Montréalais s'est intéressé au parc automobile cubain. Il a même donné des conférences sur la similitude entre le Québec et le Cuba des années 50, surtout sur le plan des autos. Mais il s'est aussi aperçu que la situation se détériorait rapidement.

«La situation est difficile à La Havane, dit-il. La plupart des vieilles autos qui roulent toujours sont modifiées, surtout sur le plan de la mécanique. Les Cubains sont des inventivos, des gens débrouillards. Ce sont des mécanos inventifs qui n'hésiteront pas à installer des pistons d'une marque dans les blocs-cylindres d'une autre marque afin de faire fonctionner leur vieille américaine.»

Selon le spécialiste, il y a là-bas quelques collections privées de voitures anciennes, mais elles sont peu visibles. L'essence coûte très cher et il n'y a pas d'assurance possible à Cuba. Toutefois, il dit avoir remarqué beaucoup de Cadillac décapotables des années 1954-1955 et plusieurs Chevrolet des années 1950 à 1953 dans les rues de la capitale. «Un concessionnaire de ces marques a dû y avoir du succès dans le passé», dit-il, sourire en coin.

Cuba demeure, selon l'ex-président de VAQ, un musée vivant. Un musée qu'il faut préserver.

Les Cubains ont beau aimer leurs vieilles américaines, ils commencent à ne plus avoir les moyens de les faire rouler. Les modèles les plus récents datent de 1960, les dernières importées à Cuba avant les embargos. Présentement, le problème le plus important pour les propriétaires de ces véhicules est de mettre la main sur des roues et des pneus, quoique certains arrivent à Cuba par le Mexique et le Canada... Si les Cubains peuvent se les payer!

Même si Gilbert Bureau commence à être un peu blasé de toujours voir les mêmes autos à La Havane, il y trouve certains autres trésors, dont les «orphelins» des années 50 comme les Packard, les Hudson et sa toute dernière trouvaille, une Kaiser 1951. Combien de temps conservera-t-il son appartement à La Havane? «Jusqu'à ce que les Américains y reviennent, dit-il. Le paysage changera alors et je ne suis pas certain que je m'y ferai.» Et si les Américains décidaient d'y restaurer les autos anciennes?

De nouvelles voitures à Cuba

Depuis l'automne, les Cubains peuvent acheter ou vendre des voitures, selon des critères déterminés par leur ministère des Transports. C'est l'une des mesures des réformes de Raúl Castro. Les conditions de vente étant très strictes, on ne s'attend pas à voir débarquer les constructeurs étrangers à La Havane prochainement. Les observateurs s'entendent toutefois pour dire que cela devrait favoriser l'arrivée de véhicules neufs sur les routes cubaines, entre les vieilles américaines!