Le marché canadien des multisegments compacts ne manque pas de tonus. Chaque année, l'industrie y présente un traîneau de nouveautés. Avec plus de 200 000 unités vendues l'an dernier au pays, près du tiers du marché des «camions», cette catégorie n'est pas la plus stratégique en matière de volumes et encore moins en ce qui concerne les profits des constructeurs, extrêmement réduits sur ces modèles. Cependant, Nissan lui accorde une importance particulière, car il vise un marché de premiers acheteurs, ce qui explique pourquoi le Juke se positionne si offensivement sous la barre des 20 000$. Le prix demandé pour le Mitsubishi RVR n'est guère plus élevé.

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La bataille dans ce créneau redouble à l'approche de l'hiver et ces deux candidats sérieux ne manqueront pas de détourner les regards. D'abord, le Juke pour ses formes extérieures inusitées - on dirait un Dune Buggy - et sa console intérieure de couleur assortie qui n'est pas sans rappeler le réservoir d'essence d'une moto de performances. Ensuite, de façon plus classique, le RVR pour sa teinte extérieure (Martin-Pêcheur) et ses guirlandes lumineuses qui tapissent le toit.

On voyage ou pas?

On serait tenté d'écrire que ces deux véhicules ne boxent pas dans la même catégorie tant les mensurations diffèrent. Un point de vue que ne partagent pas les deux constructeurs qui, à l'occasion du lancement de leur produit, n'ont pas manqué de cibler «l'autre» sur leur tableau de chasse. L'un, le Nissan, invite passagers et bagages à voyager plus serrés que l'autre, mais tous deux ne peuvent vraiment revendiquer - comme ils le font bêtement - d'être de véritables cinq-places. Cela dit, le RVR remporte haut la main cette manche en offrant l'équivalent de 2761 litres de volume intérieur (contre 2418 pour le Juke) et un volume utilitaire (614 litres contre 297) nettement supérieur. Même en rabattant complètement les dossiers des banquettes, le RVR domine encore largement son rival (1402 litres contre 1017).

Il n'y a pas que l'espace. Pour accéder aux places arrière du Juke, il faut également retenir son souffle, tant les portières sont étroites. Et il y a la tête aussi. Attention de ne pas la cogner, le toit amorce ici sa descente vers la lunette. De jeunes enfants ne trouveront rien à redire, mais les autres...

Les occupants des places avant se sentiront, eux aussi, moins à l'étroit à bord du RVR. Il y a un peu plus d'espace, c'est vrai, mais la position de conduite un brin plus haute à bord de la Mitsubishi crée aussi l'illusion d'être à bord d'un véhicule à la carrure plus dominante. En revanche, le tableau de bord qui s'allonge sous nos yeux à des airs de déjà-vu. Peut-être pour mieux se concentrer sur la route? Les commandes se trouvent intuitivement posées, à l'exception sans doute des touches servant à allumer l'élément chauffant des baquets. La qualité des matériaux se classe dans la bonne moyenne, mais l'assemblage manque de rigueur par endroits.

La présentation intérieure du Juke ne manque pas d'originalité. Il y a bien sûr la console de couleur assortie (mais pourquoi seulement deux couleurs: gris ou rouge?) empruntée à l'univers de la moto. Et ce petit écran grâce auquel on peut naviguer sur une interface permettant de jongler entre les modes éco, normal ou sport - sur lesquels nous reviendrons plus tard - ou la climatisation. En revanche, on se désole d'une décoration aussi triste (on ne voit que du noir) et d'une colonne de direction rigide. Malgré ses dimensions très compactes, le Juke se dote d'une pratique caméra de recul dans sa version SL pour faciliter les manoeuvres. Mitsubishi offre un système similaire en option sur la GT. Les SL (Juke) et GT (RVR) occupent le sommet de la gamme. Il y a des versions plus abordables des deux côtés.

Le coeur a ses raisons

À ce stade-ci, le RVR détient une légère avance sur son compétiteur, mais dans la deuxième partie de ce match, tout va basculer. Si l'agrément de conduite occupe une place de choix dans vos critères de sélection, le Juke prend ici sa revanche.

Presque aussi lourd que le RVR, le Juke a toutefois, sous son capot, un moteur plus tonique. D'ailleurs, il suffit de consulter notre tableau technique pour s'en convaincre: le rapport poids/puissance qu'avance Nissan se traduit par une accélération et des reprises plus fougueuses. Les mesures réalisées à l'aide de notre accéléromètre électronique le confirment. Le RVR met près de quatre secondes de plus que le Juke pour atteindre la vitesse légale permise sur nos routes et presque tout autant pour s'élancer de 80 à 120 km/h. Mieux encore, le Juke consomme moins d'essence.

Le secret du Nissan réside dans ce quatre-cylindres 1,6 litre suralimenté par turbocompresseur. Enjoué et dynamique, ce moteur est doté d'un dispositif d'injection directe. Hélas, tout comme le RVR d'ailleurs, cette mécanique est forcée d'épouser une boîte à variation continue (CVT). Nos essayeurs ont préféré celle du Juke sans doute d'une façon un peu arbitraire. En effet, la CVT de Nissan donne l'impression d'être plus vive parce que le 1,6-litre a plus de «pédale». Cette impression se confirme en modifiant les commandes de l'écran du bas du tableau de bord. D'un simple geste, les lois d'assistance de direction, de la réponse à l'accélérateur (et éventuellement de la boîte de vitesses automatique) s'adaptent à l'envie du conducteur. Ajouter à cela l'utilisation de carburant super (l'ordinaire est recommandé) et le Juke décolle.

À bord du RVR, rien à faire. On a beau mettre tout son poids sur la pédale d'accélération, il n'y a que le niveau sonore qui augmente. À en juger par l'espace libre sous le capot, Mitsubishi a sans doute un plan pour permettre au RVR de s'arracher moins péniblement de sa position statique. D'ici là, il faut composer avec ce quatre-cylindres 2 litres asthmatique.

Une fois la vitesse de croisière atteinte, les critiques s'atténuent à l'égard du RVR. On lui reconnaît un diamètre de braquage - étonnamment - plus court que celui du Juke et un confort de roulement appréciable sur de longs parcours. Le Juke, en revanche, vous secoue beaucoup plus, surtout lorsqu'il manque «des petits bouts» de chaussée. Par contre, quelle agilité! Pour se faire plaisir, il n'y a que la Mini qui vous arrache un pareil sourire. Précis et joueur, le Juke offre un agrément de conduite franchement amusant. Et le RVR? Plus tristounet, mais efficace tout de même. Tout comme le Juke, il vire pratiquement à plat et son train avant combat avec efficacité le sous-virage (tendance à tirer tout droit) dans les courbes négociées avec trop de hardiesse.

Roulement de tambour...

Le Juke prend les commandes du classement général au terme des deux premières rondes, mais rien n'est encore joué. Au chapitre du budget, le Juke accroît son avance en raison de ses prix plus compétitifs encore et l'index plus étoffé de sa gamme. Il a à son avantage la consommation (et les émissions) en raison de sa plus grande frugalité à la pompe, mais perd pied au chapitre de la valeur de revente, moins élevée que celle du RVR. Ce dernier grignote des dixièmes supplémentaires en ce qui a trait à la garantie par rapport à son opposant, mais son réseau demeure moins équilibré (service après-vente), selon les commentaires reçus de nos lecteurs.

Au final, le Juke l'emporte, mais de peu. Ses formes en rebuteront plusieurs et son format «de poche» risque aussi d'inciter les familles à se tourner vers le RVR, plus classique sans doute, mais homogène à plusieurs égards.

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay pour son aide à la réalisation de ce match.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le secret du Nissan réside dans ce quatre-cylindres 1,6 litre suralimenté par turbocompresseur. Enjoué et dynamique, ce moteur est doté d'un dispositif d'injection directe.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

À bord du RVR, rien à faire. On a beau mettre tout son poids sur la pédale d'accélération, il n'y a que le niveau sonore qui augmente. À en juger par l'espace libre sous le capot, Mitsubishi a sans doute un plan pour permettre au RVR de s'arracher moins péniblement de sa position statique.