À moins d'être un ermite qui vit reclus dans une cabane au fond des bois, il apparaît impossible que votre regard n'ait pas encore croisé celui de cette berline compacte de Chevrolet, tant le battage publicitaire entourant sa venue est considérable. La marque au noeud papillon souhaite bien évidemment en récolter les dividendes en s'imposant dans un segment extrêmement important (au Québec, il représente près du tiers du marché) et largement dominé par les constructeurs asiatiques.

Chose certaine, la Cruze n'aura aucune peine à faire oublier la Cobalt, à laquelle elle succède cet automne. Mais avant d'atteindre la même altitude que les Honda Civic, Mazda3 et Toyota Corolla, principaux ténors de la catégorie, la Cruze devra d'abord s'imposer face à des concurrentes (Volkswagen Jetta, Hyundai Elantra et Ford Focus) aussi fraîches qu'elle. Pour reprendre le titre d'un film de Paul Thomas Anderson, il y aura du sang.

D'ici à ce que tous ces nouveaux «pions» se mettent en place sur l'échiquier, Chevrolet fonce et offre pas moins de sept déclinaisons de sa compacte qui, pour l'heure, se présente uniquement sous les traits d'une berline «conventionnelle». Une autre carrosserie, à laquelle on a greffé un hayon, a été présentée à l'occasion du Mondial de l'auto à Paris, mais rien n'indique si elle fera carrière en Amérique du Nord.

Passons sous silence la version de base vendue 14 995$ qui ne satisfera vraisemblablement (encore faudra-t-il la repérer chez les concessionnaires) que le livreur de la pizzeria du coin avec ses nombreuses carences sur le plan des accessoires. Il faut ajouter 1755$ pour retenir les services du climatiseur et la radio XM, 1450$ pour la boîte automatique et 745$ pour le système de connectivité, lequel inclut la technologie Bluetooth. Pas de régulateur de vitesse, pas de miroirs de courtoisie sous les pare-soleil ou de glaces électriques. En gros, le prix d'entrée vise essentiellement à vous hameçonner.

Il importe de préciser cependant que peu importe la version retenue, toutes les Cruze bénéficient, de série, de plusieurs éléments de sécurité aussi bien actifs que passifs. Ainsi, pas moins de 10 coussins gonflables tapissent l'habitacle de cette compacte alors que les freins se doublent d'un dispositif antiblocage (ABS). L'antipatinage ainsi que le correcteur de stabilité électronique (désormais obligatoire) figurent également parmi les caractéristiques offertes sans supplément.





Physionomie

Avant de prendre place à bord, un mot sur la physionomie de cette compacte qui mime à peu de choses près le gabarit de la nouvelle Jetta de Volkswagen. Celle-ci ne la distance qu'au chapitre de la longueur hors tout. Dans tous les autres domaines, l'américaine occupe plus d'espace sur le plan de la hauteur et de la largeur. Ces dimensions extérieures accrues trouvent - par chance - écho dans l'habitacle, qui figure parmi les plus spacieux de la catégorie, notamment aux places arrière.

Sur papier glacé, la présentation intérieure de la Cruze enchante avec son traitement bicolore et la forme ondulée du tableau de bord. On déchante en regardant de plus près: que des plastiques durs. On a beau ausculter partout, toujours le même son vide. Et l'ennui: aucun moyen d'y remédier, même en optant pour les versions les plus chères. Celles-ci offrent seulement de gainer de cuir le polyuréthane qui recouvre le volant et le pommeau du levier de vitesses.

Les baquets avant offrent un soutien convenable et un confort acceptable. On regrettera cependant le manque d'ergonomie de la tirette chargée de modifier l'angle du dossier. Pour parfaire votre position de conduite, la Cruze permet à la colonne de direction de s'ajuster aussi bien en profondeur qu'en hauteur.

Au chapitre des espaces de rangement, on note un bel effort. Ils sont nombreux mais peu pratiques en raison de leur très faible contenance. En revanche, le volume du coffre est étonnant. Pour peu, il s'avère presque aussi grand que celui d'une Jetta avec l'équivalent de 425 litres. Outre sa large échancrure, on retient l'absence de pratiques tirettes destinées à nous permettre de rabattre en tout ou en partie les dossiers de la banquette.





Photo: Éric Lefrançois, collaboration spéciale

Saveur internationale

Plusieurs des bureaux d'ingénierie de la General Motors se sont penchés sur le berceau de la Cruze pour en faire une automobile mondiale susceptible, sans trop de transformations, de faire carrière partout où la marque a pignon sur rue, c'est-à-dire dans 130 pays. Dans sa forme nord-américaine, elle partage 80% de ses composants avec les autres Cruze vendues ailleurs. La différence majeure entre la version américaine et les autres: la suspension arrière.

La Cruze qui nous est destinée propose une suspension moins sophistiquée baptisée Z-link. Celle-ci, de type semi-indépendant, présente aux yeux des ingénieurs américains plusieurs avantages dont une plus grande compacité et un abaissement du centre de gravité. Des arguments qui se défendent, mais la vérité est que GM souhaite réserver la suspension indépendante d'origine pour la greffer à la compacte que Buick commercialisera d'ici deux ans, histoire de mieux différencier ces deux modèles.

Agrafée sous la carrosserie de cette compacte se trouve une évolution de l'architecture Delta mise au point par la filiale allemande du groupe, Opel.

Pour mouvoir ses roues avant motrices, la Cruze propose deux mécaniques, mais l'une est promise à une plus grande diffusion que l'autre. En effet, le quatre-cylindres 1,8 litre trouve une place seulement sous le capot de la version LS. Toutes les autres ont droit au quatre-cylindres 1,4 litre suralimenté par turbocompresseur. C'est celle-ci que nous avons eue à bord de notre véhicule d'essai. D'une belle souplesse, ce moteur fait sentir le souffle de son turbocompresseur dès que l'aiguille du compte-tours franchit le cap des 2 500 tours-minute. L'important à retenir: turbo ici n'est pas synonyme de vitesse. Il s'agit plutôt d'un «élément d'appoint» pour assurer des accélérations et des reprises décentes, sans plus. Pour retrancher quelques dixièmes à vos temps, nous vous suggérons de faire le plein de super, mais l'ordinaire demeure le type d'essence recommandé par le constructeur. Pour sa part, la boîte semi-automatique qui l'accompagne file le parfait bonheur avec cette mécanique, même si l'étagement des rapports favorise l'économie de carburant. À ce sujet, la Cruze place la barre très haut face à ses concurrentes avec une moyenne d'un peu plus de 8 litres aux 100 kilomètres.

Cela dit, ce 1,4-litre ferait sans doute preuve de plus de vigueur et d'une plus grande sobriété encore à la pompe à bord d'un véhicule plus léger que la Cruze. À ce sujet, cette Chevrolet accuse près de 200 kilogrammes de plus qu'une Jetta au physique presque aussi imposant.

Sur la route, la Cruze s'avère une routière agréable et prévisible. Elle prend peu de roulis et le châssis fait preuve d'une belle rigidité. La direction paraît surassistée et mollasse, mais la faute incombe en grande partie à la qualité très moyenne des pneus d'hiver montés sur notre véhicule d'essai. Dommage! Le confort général est bon, seuls les amortisseurs apparaissent trop souples (et, conséquemment, les ressorts trop rigides) lorsque le véhicule circule à faible allure sur une chaussée mal revêtue.

Au final, la Cruze nous étonne plus qu'elle ne nous déçoit et si la machine de guerre de GM est aussi huilée qu'autrefois, elle pourrait très bien causer la surprise dans ce segment. Pour cela, il lui faudra du temps, beaucoup de temps pour effacer les errances du passé. Sa seule excuse: elle vient d'ailleurs.



Photo: Éric Lefrançois, collaboration spéciale

NOUS AIMONS

Le volume habitable et utilitaire

La rigidité du châssis

Le confort et le silence de roulement

NOUS AIMONS MOINS

La piètre qualité des plastiques

La direction engourdie (voir texte)

Le poids important

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix : 14 995 à 24 980$

Frais de transport : 1450$

Version essayée : LT Turbo

Prix de la version essayée : 21 140

Garantie de base : 36 mois/60 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai : 8,1 L/100 km

Dans les concessions : maintenant

SURVOL TECHNIQUE

Moteur thermique : L4 DACT 1,4 litre turbo

Puissance : 138 ch à 4900 tr/min

Couple : 148 lb-pi à 1850 tr/min

Poids : 1427

Rapport poids/puissance : 10,3 kg/ch

Mode : traction (roues avant motrices)

Transmission de sériemanuelle : 6rapports

Autres : transmission semi-automatique 6 rapports

Direction - diamètre de braquage : crémaillère - 10,8 mètres

Freins/ABS : disques/de série (LT Turbo)

Pneus (de série) : 205/50R16

Capacité du réservoir/essence recommandée : 57 litres/ordinaire

Photo: Éric Lefrançois, collaboration spéciale