Deux chiffres pour fixer le décor: 5,48 et 5,03. Il s'agit du rapport poids/puissance de l'Impreza WRX STi et de la Lancer Evo GSR. Faites le calcul avec votre propre voiture (prenez le poids en ordre de marche, puis divisez-le par le nombre de chevaux-vapeur) et vous mesurerez l'exploit signé - avec seulement quatre cylindres - par les motoristes de Subaru et de Mitsubishi. Une prouesse issue du savoir-faire technologique que ces deux constructeurs accumulent en compétition et qu'ils appliquent - en partie - à leurs voitures de série. Si la proposition de les offrir à monsieur et madame Tout-le-Monde peut sembler déraisonnable, on ne peut tout de même condamner ces deux constructeurs de maximiser leurs retombées de la course. Après tout, n'est-ce pas ce que Ferrari, Mercedes et Aston Martin font depuis des décennies? Vrai que Subaru et Mitsubishi n'ont pas la même aura, mais doivent-ils pour autant se priver de le faire?

Peut-être sont-ce leurs appendices aérodynamiques (trop) nombreux et parfois tapageurs qui dérangent le plus. Contrairement aux marques citées au paragraphe précédent, les deux constructeurs japonais klaxonnent bruyamment leurs gènes hérités de la compétition. Il faut dire que l'une comme l'autre se parent d'attributs incontournables, mais dont on pourrait parfois se passer... Comme ces bas de caisse évasés, cet aileron qui rivalise en altitude avec la croix du mont Royal et ces prises d'air additionnelles (et fonctionnelles) pour avaler l'air frais (et les moustiques) nécessaire à la ventilation de la mécanique: tout y est pour vous donner l'envie de porter votre casque et de vous aligner dans le premier rallye venu.

Les deux véhicules réunis dans le cadre de ce match représentent, en raison de leurs performances routières, des vitrines pour leur constructeur. De plus, la convoitise dont ils font l'objet rejaillit sur l'ensemble de la gamme. En gros, il s'agit avant tout d'engins spécialisés qui suscitent la fascination de tout amateur de technologies avancées qui voient en eux des instruments de précision et de vitesse. À cela s'ajoute bien entendu le plaisir de les piloter sportivement, mais seulement dans un environnement sécuritaire et contrôlé, c'est-à-dire sur circuit fermé. Et au Québec, cela est possible en s'inscrivant aux différentes séances d'entraînement (lapping) que proposent les propriétaires de plusieurs circuits routiers.

Pour tout dire, aux vitesses autorisées sur les voies publiques, ces deux véhicules offrent une conduite presque insipide. Le raffinement poussé dont ils sont l'objet pourrait aisément passer pour un luxe superflu en cette période de répression routière. Mais à la réflexion, ce commentaire ne s'applique-t-il pas à l'ensemble de la production automobile?

De la route à la piste

Sur piste, la Mitsubishi ne tarde pas à faire étalage de son efficacité, ce qui, la confiance venant, nous incite à varier les trajectoires afin d'observer les réactions du châssis. Sous ce rapport, la Mitsubishi se montre joueuse et communicative. Peut-être même un peu trop, surtout lorsque le «groupe maniabilité» (une option facturée 3000$) est de la partie. Ce groupe comprend notamment des combinés ressorts-amortisseurs spécifiques qui tendent à rendre le châssis plutôt cassant (pour nos vertèbres, s'entend). À basse vitesse surtout. Il devient plus prévenant ensuite, mais sans rien laisser échapper en matière de contrôle d'amortissement. Agile comme une contorsionniste, mais soudée au sol comme un éléphant, l'Evo est clairement la plus sauvage et la plus pointue à conduire. Le danger ici est de croire que la présence d'une transmission intégrale, aussi sophistiquée soit-elle, puisse briser son élan. Archifaux. Sa direction répond beaucoup plus vite que celle de la Subaru et, surtout, tout mouvement imprimé au volant de manière un peu sèche déclenche un changement de cap non seulement plus instantané, mais plus accusé. De fait, si le comportement de l'Evo se montre plutôt plaisant et facile à appréhender sur un bon revêtement, il se désunit rapidement à mesure que le profil de route se dégrade par la faute d'un amortissement insuffisant.

Le 2-litres de l'Evo n'est pas mélodieux, mais son ardeur force le respect, alors que la boîte ne compte que cinq rapports. Parfait pour enfiler les courbes sinueuses du circuit Mécaglisse de Notre-Dame-de-la-Merci, mais plutôt lassant sur un parcours autoroutier où le cinquième rapport culmine déjà à plus de 3000 tours/minute. Contrairement à Subaru qui n'offre aucune solution de rechange à sa boîte manuelle, Mitsubishi en propose une - semi-automatique à double embrayage - à la condition toutefois de s'offrir la plus huppée et la plus coûteuse des Evo, la MR.

De son côté, la STi s'est beaucoup assagie depuis sa refonte. Malgré une sensible augmentation de sa puissance et l'élargissement de ses voies, la STi n'exprime plus sa rage avec la même ferveur qu'autrefois. Plus souple et moins exigeante qu'alors, la Subaru apparaît plutôt comme une force tranquille, capable à tout moment d'exploser. Même si, dans le cadre de cette confrontation, elle a trouvé en l'Evo une rivale plus nerveuse, la Subaru fait globalement preuve d'une plus grande homogénéité. Même si elle se fait coller quelques dixièmes de seconde en accélération ou en reprises, la STi ne masque en aucun cas une qualité remarquable, celle d'un confort préservé malgré la grande efficacité de son châssis. Prévenante, se plaçant au freinage naturellement avec juste l'agilité attendue du train arrière, la STi parvient presque à nous faire oublier cette direction assistée qui manque en certaines occasions de consistance et filtre encore un peu trop les impressions. Beaucoup plus stable que l'Evo, la Subaru exige moins d'attention de son conducteur dans la plupart des cas.

Le couple titanesque de son moteur à plat de 2,5 litres nous impressionne tout autant que la réserve de puissance qui se trouve sous le pied droit. Les accélérations et les reprises demeurent aussi remarquables, mais gagneraient encore si la commande de la boîte à six rapports était plus vive et plus agréable.

En somme, et cela pourra paraître paradoxal, le comportement de ces deux véhicules est tout à fait opposé. Celui de l'Evo, nerveux, avec une grande sensibilité aux transferts de masse, nous incite à la vigilance. On sent qu'il faut se tenir prêt à réagir à tout moment. Celui de la STi, placide jusqu'à une certaine limite, exige beaucoup moins de concentration et, sans doute, d'habileté. Dès lors, choisir entre ces deux automobiles, en ce domaine, est donc plus une question de préférences subjectives que de références objectives.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

La STi adopte certains éléments très course, comme la dimension accrue du compte-tours par rapport à l'indicateur de vitesse.

Machines à piloter

Abordable et gratifiante à conduire grâce à une mécanique dotée d'un caractère en accord avec sa vocation, l'Evo de Mitsubishi présente les deux principales qualités qu'on attend d'une petite berline sportive. Pas de quoi faire oublier, cependant, une finition très perfectible (plusieurs garnitures de notre véhicule d'essai étaient mal ajustées), une consommation parfois excessive, un volume de coffre étonnamment réduit par la présence de la batterie et du réservoir de lave-glace. Et la liste pourrait encore se poursuivre, avec l'impossibilité de déplacer la colonne de direction sur deux axes ou encore l'exiguïté des baquets avant qui forcera certainement des acheteurs à conduire les fesses bien serrées.

Encore une fois, la STi s'avère plus agréable à vivre au quotidien. Quoique à peine différente des Impreza ordinaires, cette STi adopte certains éléments très course, comme la dimension accrue du compte-tours par rapport à l'indicateur de vitesse, pour accentuer la différence. Le reste, en revanche, demeure on ne peut plus discret et de belle facture de surcroît. Étant donné le prix exigé, c'est bien la moindre des choses. La Subaru s'avère également plus fonctionnelle. Hormis le fait qu'une autre carrosserie - cinq portes - est offerte, la berline présentée ici, et qui porte cette année le sceau de la nouveauté, est dotée d'un coffre aux dimensions acceptables et modulables en cas de besoin.

Donc?

C'est le moment de redescendre sur terre. Au risque de se répéter, ces deux véhicules se destinent à une clientèle de passionnés, seuls à même d'apprécier des qualités qui n'apparaissent que dans le cadre d'une conduite très sportive. Sur le plan strictement éthique, on peut sans doute taxer les deux marques japonaises de désinvolture, sinon d'irresponsabilité, d'inscrire de telle voiture à leur catalogue et de vendre sans discrimination un produit potentiellement dangereux pour un conducteur non initié qui chercherait à l'exploiter à fond. C'est sans doute pourquoi nos deux protagonistes invitent ceux et celles qui ne se sentent pas à la hauteur ou qui aspirent à davantage de souplesse côté suspension de jeter plutôt leur dévolu sur les Raliart et WRX, plus dociles.

Cela dit, l'Impreza WRX STi remporte ce match devant l'Evo GSR. Néanmoins, celui ou celle qui donne priorité au brio n'hésitera pas à se procurer la Mitsubishi. Mais au fil des kilomètres accumulés sur la route, il ou elle pourrait regretter ce choix. À défaut d'être aussi expressive, la Subaru est devenue au fil des ans plus raffinée et elle présente une homogénéité que sa rivale doit encore acquérir dans le cadre d'un usage quotidien.

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L'auteur tient à remercier toute l'équipe de Mécaglisse de Notre-Dame-de-la-Merci de sa collaboration à la réalisation de ce match.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Impossible de déplacer la colonne de direction de l'Evo sur deux axes.