Fantasme de tout constructeur, la série F? Et comment! Plusieurs centaines de milliers de consommateurs nord-américains se sont procuré un exemplaire de cette camionnette l'année dernière. Pour faire encore tinter le tiroir-caisse de l'entreprise de Dearborn, les concepteurs du F-150 nous présentent cette année le Raptor, une variante pas piquée des vers.

Ouvrons immédiatement une parenthèse pour indiquer que ce nouveau monstre a été conçu par les «joyeux délinquants» du groupe SVT (Special Vehicle Team), antenne sportive et délurée de Ford.

Sans renier complètement ses origines «utilitaires», le SVT Raptor est plus endiablé, plus rapide et plus raffiné techniquement que le F-150. Et plus cher aussi. Le prix de détail suggéré est fixé à 48 299$ (modèle 2010) et la direction de Ford n'est pas sans savoir qu'elle n'en vendra pas des tonnes. D'ailleurs, cette camionnette ne sera visible que dans certains concessionnaires Ford.

On aura compris que la benne du F-150 SVT Raptor ne sera probablement jamais affectée au transport de madriers, de bottes de foin ou encore de boîtes à outils. À quoi alors? Peut-être bien au transport des meubles que vous vous êtes procurés à une boutique d'antiquités la semaine dernière? Cela dit, selon une étude américaine récente, 80% des propriétaires de camionnettes accordent peu ou pas d'importance à ladite benne (aussi affectueusement appelée la «boîte»). Autre statistique intéressante, à peine 5% d'entre eux, selon cette même étude, conduisent leur camionnette hors des routes asphaltées. Et c'est sans l'ombre d'un doute à l'usage de cette poignée d'acheteurs que cette camionnette est destinée. En tenant compte de ces deux paramètres (l'usage minimal que nous faisons de la benne et le terrain sur lequel la camionnette va évoluer), on comprend alors mieux la raison d'être du F-150 SVT Raptor qui se décline également en version R (pour Racing).

Uniquement offerte en version cabine double (deux portes antagonistes à l'arrière) et benne régulière, cette Ford est nettement plus simple à commander qu'une F-150 «régulière» dont la liste d'accessoires et de configurations doit bien faire un kilomètre de long.

Esthétiquement, cette camionnette se reconnaît notamment à sa calandre noire embossée du nom F-O-R-D, ses carénages avant et arrière distinctifs, ses ailes et son capot éventés d'extracteurs fonctionnels, ses amortisseurs Fox Racing (très visibles) et son soubassement plaqué de métal. À cela s'ajoutent des marchepieds alvéolés.

Comme il en est fait mention un peu plus haut, le F-150 SVT Raptor adopte des portes meurtrières ou suicide, c'est selon, qui ne peuvent se déployer que si les portières du conducteur et du passager avant sont ouvertes. Agaçant.

Les portières s'ouvrent sur un environnement sportif et clinquant. Les baquets avant se tapissent d'un cuir chaleureux (la banquette est recouverte de vinyle) strié d'une bande orange. À l'avant, le revêtement fini carbone (et orange toujours) habille la partie centrale du tableau de bord avec, à ses pieds, une série de commutateurs précâblés (donc inactifs) pour faciliter le travail de personnalisation des consommateurs. En revanche, les boutons permettant d'activer ou de désactiver le contrôle de descente en pente ou le mode tout-terrain, lequel permet de verrouiller ou non le différentiel pour une meilleure motricité sont fonctionnels.

Sous nos yeux défilent une série de cadrans blancs sur lesquels patinent des aiguilles rouges. Pour ajouter au confort, on peut même se faire chauffer là où le dos perd son nom et profiter aussi de nombreux autres accessoires pour ajouter au plaisir de la vie à bord. Petites observations cueillies dans le carnet de notes: les glaces ne remontent pas par impulsion, comme c'est le cas d'une Fiesta, par exemple, et aucun capteur d'angles morts n'est offert. En revanche, une caméra de recul est offerte, mais en option. En raison de la position dominante qu'il occupe sur la route, cette camionnette offre une excellente visibilité.

Beaucoup de dégagement à l'intérieur pour prendre nos aises, quoique le dossier de la banquette arrière est planté un peu trop à la verticale pour rendre la randonnée confortable sur une longue distance.

Photo: Éric LeFrançois collaboration spéciale

Une camionnette, ça?

Avant de prendre la route au volant d'un SVT Raptor, mieux vaut laisser ses préjugés (et sa gêne) au vestiaire. Contrairement aux autres camionnettes, celle-ci a été mise au point de manière à procurer ce qu'il est convenu d'appeler de l'agrément de conduite. Suspension sautillante, perte de motricité, tenue de cap aléatoire, bref tout ce qui fait le comportement caractéristique d'une camionnette a été brillamment gommé, ou presque.

D'abord, il convient de rappeler que le SVT Raptor a été conçu pour exceller sur le sable, le gravier et la terre. Un peu d'asphalte avec cela? Bien sûr.

La grande particularité de ce modèle à tirage limité repose sur les éléments suspenseurs. Profitant de voies plus larges - pour une plus grande stabilité - et d'amortisseurs souples - autorisant une course plus longue -, le F-150 SVT Raptor «plane» littéralement sur les obstacles qui se dressent devant lui. Pour éviter cependant que le véhicule ne s'écrase en posant ses roues à terre, ses concepteurs l'ont doté d'un système d'amortisseurs à dérivation, une première pour une camionnette destinée à un usage routier. Et ça marche, comme nous avons eu le loisir de l'expérimenter. La motricité est tout simplement phénoménale et la conduite des plus amusantes, à la condition bien sûr de trouver un terrain adéquat pour se livrer à pareils exercices. Chose certaine, les trois heures consacrées à «débarbouiller» le camion après ma randonnée n'ont pas diminué, loin de là, mon enthousiasme.

Sur l'asphalte, le plaisir n'est pas le même. La suspension maîtrise bien les mouvements de caisse tant longitudinaux que latéraux. Cette camionnette vire presque plat et ne donne pas l'impression d'être juchée aussi haut dans les airs. Une sensation qui contribue généralement à nous faire douter de l'équilibre du véhicule dans les virages négociés rapidement. Attention, cependant, il ne s'agit pas d'une bête de circuit et étant donné son centre de gravité élevé, prière de ne pas transgresser les lois élémentaires de la physique. Les imperfections de la chaussée se font davantage sentir à l'arrière avec quelques trépidations, mais pas au point d'être inconfortables, cependant. Les énormes pneus de 17 pouces que chausse cette Ford ont des semelles taillées idéalement pour un usage hors route et n'offrent par conséquent pas une adhérence formidable, surtout sur une chaussée (asphaltée) détrempée. La direction, à pignon et crémaillère, transmet un peu mollement les informations au conducteur sur l'état de la chaussée et l'emplacement des roues directrices, mais elle est précise au centre et correctement démultipliée. En revanche, le diamètre de braquage conjugué à l'encombrement élevé de la caisse rend la conduite particulièrement pénible en ville.

Derrière les jantes, nous trouvons des disques aux quatre roues, doublés d'un antiblocage et d'un répartiteur électronique de freinage qui participent tous à immobiliser ce camion efficacement, mais sur des distances plus longues que normales.

Maintenant, la pièce de résistance: les moteurs. Un énorme V8 de 6,2 litres (400 chevaux et 434 livres-pied de couple) s'offre pour remuer la bête, mais seulement si vous consentez à un déboursé additionnel (plus ou moins 3500$). De série, on trouve le V8 5,4 litres (320 chevaux et 390 livres-pied de couple). On rêve bien sûr du 6,2-litres, mais aux fins de cet essai, c'est le 5,4-litres qui officiait sous le capot. En toute franchise, on attendait à mieux que les accélérations enregistrées. Le SVT Raptor met en effet un peu plus de huit secondes pour s'arracher de sa position stationnaire et atteindre les 100 km/h et ses reprises manquent de muscle. Dès lors, étant donné que ce moteur avale déjà plus de 18 litres d'essence aux 100 km, pourquoi ne pas retenir les services du 6,2-litres, à peine plus glouton et offrant un rapport poids/puissance plus avantageux?

Dans un cas comme dans l'autre, la puissance est relayée aux roues motrices, cette camionnette peut notamment compter sur une excellente transmission automatique à six rapports dotée de la fonction «Tow/Haul», laquelle, lorsqu'on l'active, peut retarder le passage des rapports pour faciliter les accélérations en situation de remorquage.

Même si sa diffusion sera discrète, le F-150 SVT Raptor prouve de belle manière qu'une camionnette peut non seulement être pratique, mais être aussi sportive, amusante et étonnamment agréable à vivre à condition de mettre la ville dans les rétroviseurs.

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Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

ON AIME

> Nous faire voir à son volant

> Ses aptitudes en tout-terrain

> Sa conception sérieuse

ON AIME MOINS

> Sa consommation

> Son moteur peu expressif

> Son encombrement au quotidien

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CE QU'IL FAUT RETENIR

Prix : 48 299$

Prix du modèle essayé : 55 249$

Frais de transport : 1400$

Garantie de base : 36 mois/60 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai : 18,9 L/100 km

Pour en savoir plus : www.ford.ca

Moteur : V8 SACT 5,4 litres

Puissance : 320 ch à 5200 tr/min

Couple : 390 lb-pi à 3500 tr/min

Poids : 2680 kg

Rapport poids/puissance : 8,3 kg/ch

Accélération (0-100 km/h) : 8,6 secondes

Mode : 4x4 (avec boîte de transfert)

Transmissionde série: Automatique 6 rapports

Autres transmissions : Aucune

Direction/diamètre de braquage : Crémaillère/13,5 mètres

Freins/ABS : Disque/de série

Pneus (de série) : LT315/70R17

Capacité du réservoir/essence recommandée : 98 litres/ordinaire