Ford a lancé lundi son nouveau Ford Explorer et s'est aussitôt attiré les foudres des purs et durs du véritable et viril VUS. Les amateurs de plein air extrême et de chemins défoncés accusent l'Ovale bleu d'avoir abâtardi un iconique 4X4 V8 à l'épreuve du gros ouvrage en forêt profonde, pour en faire une voiture de «maman de soccer» de banlieue.

Mais d'autres voix estiment que le nouvel Explorer dégriffé -construit sur une plateforme de Taurus et de Volvo CX90- est la seule évolution possible, puisque la version antérieure était un dinosaure automobile désadapté et condamné à disparaître.

Ford a commencé à dévoiler le nouvel Explorer sur Facebook lundi matin dès minuit. La présentation matérielle de la voiture a eu lieu simultanément à New York et dans huit autres villes d'Amérique du Nord. Le président de Ford, Alan Mulally, a participé au lancement de New York. Mais la présentation la plus soignée par les spécialistes de l'image de Ford a sans doute été celle de Dearborn, la banlieue de Detroit où se trouve le siège social du No 2 américain de l'auto.

À Dearborn, l'Explorer 2011 a fait son apparition en roulant sur un tas de terre haut de 30 pieds, fait pour ressembler à un mauvais chemin de montagne. Cette image est conforme à l'identité tout-terrain de la marque, mais Ford ne cache pas que le nouveau modèle n'est plus un véhicule assemblé sur un châssis de camionnette. Ford dit vouloir redéfinir le véhicule utilitaire sport en gardant les qualités qui plaisent à sa clientèle (l'espace intérieur, le sentiment de sécurité, la force de touage et la capacité hors-route), tout en éliminant ses irritants (la consommation d'essence excessive et le roulement dur et inconfortable).

Fini le gros V8

C'est un message nouveau et radical pour une marque qui était devenue synonyme d'inefficacité énergétique : «Notre tâche est de casser un mythe», a déclaré en conférence de presse Jim Farley, vice-président mondial au marketing de Ford. «Nous devons propager la nouvelle de ce qu'est devenu l'Explorer.»

Outre sa plateforme d'automobile de construction monocoque, l'Explorer est désormais mû par un moteur à quatre cylindres, au lieu de l'énergivore V8 d'antan (ou un V6 en option pour ceux qui veulent pouvoir remorquer 2270 kg). Ce n'est plus un authentique 4X4, mais une traction intégrale sophistiquée, plutôt faite pour la ville et le chalet, et dotée d'un «système de gestion du terrain» permettant au conducteur de choisir le type de traction optimal selon les conditions routières (neige, boue, sable et route normale) et météo. Comme par le passé, il y a une version à deux roues motrices. Un système de contrôle des descentes permet de contrôler la vitesse dans les côtes à pic (même en marche arrière) sans freiner, lors des manoeuvres délicates en conduite hors-route. Et il y a les systèmes de communication Sync chers à Ford, plus des coussins gonflables tous autour et dans les ceintures de sécurité, ainsi qu'un appel 911 envoyé automatiquement après qu'un réseau de senseurs eût détecté un impact violent.

Des puristes ont déploré ce matin la fin d'une époque où le conducteur d'un Explorer avait un 4X4 robuste fiable dans le bois, correct en ville, et, surtout, requérant du savoir-faire au volant.

Les purs et durs outrés : une «trahison»

«Construit sur la même plateforme que la Taurus et le Flex, c'est une voiture et elle ne mérite pas le nom d'Explorer», écrit le magazine Jalopnik, qui ajoute que «ça n'est pas l'Explorer de nos pères».

Le magazine accuse Ford d'avoir «trahi» l'héritage de l'Explorer et d'avoir recyclé son nom d'une façon «anti-historique». Il tourne en dérision le message publicitaire de Ford, qui prétend avoir réinventé le VUS pour le XXIe siècle : «En clair, ça veut dire réinventer le VUS pour les mamans de soccer qui veulent conduire perchées sur une haute voiture, qui veulent être protégées par une grosse auto et qui n'ont pas la moindre %»& ?* d'idée de ce qu'est un bon VUS»

Chez Left Lane News, on adopte un point de vue différent : on note que les puristes déplorent la fin d'un mythe qui, dans les faits, n'a jamais vraiment existé : on note que la majorité des acheteurs traditionnels d'Explorer «se fichaient complètement que ce soit une vraie camionnette sous la carrosserie» et qu'en fait, bon nombre d'entre eux étaient «agacés par le roulement, le bruit, le poids et la consommation d'essence». En fait, l'Explorer était une familiale construite sur une camionnette pour profiter des passe-droits réglementaires qui permettaient aux VUS d'échapper aux limites fédérales américaines de consommation d'essence et aux exigences de sécurité, affirme Left Lane News. Le magazine conclut que le nouvel Explorer fait simplement prendre acte de la réalité et qu'il est probablement l'idéal «pour 99% des acheteurs potentiels».

La Presse Auto/MonVolant portera son propre jugement sur tout cela après qu'un de nos experts l'ait essayé.

Ford : le VUS «redéfini pour le XXIe siècle»

Chez Ford, l'argument massue est le marché : on affirme que le marché potentiel annuel (le nombre d'acheteurs qui considèrent acheter un Explorer) du véhicule est de 140 000 unités en Amérique du Nord ; or seulement 52 190 Explorer mouture traditionnelle ont trouvé preneurs l'an dernier. La différence entre les deux nombres donne probablement le nombre de clients qui voulaient une voiture moins gourmande à la pompe, a indiqué le vice-président au marketing Jim Farley.

L'Explorer quatre-cylindres 2011 consommera 30% de moins que le plus économique Explorer 2010 (la version V6 à deux roues motrices). Le nouveau V6 fera 20% mieux que l'ancien.

L'Explorer est désormais bâti sur une plateforme derivée de la D3, qu'on trouvait sur la Volvo 1999 S80 et que Ford (qui avait acheté Volvo) a modernisé et utilisé sur des Ford à partir de 2004. Cette plateforme (qui a beaucoup évolué depuis) sert aujourd'hui à la Flex, la Taurus, la Lincoln MKS et la Volvo XC90.

L'Explorer 2011 sera assemblé à l'usine Ford de Chicago et devrait arriver chez les concessionaires vers la fin de 2010. Le prix du modèle de base devrait être autour de 30 000 dollars canadiens, s'il faut se fier au prix américain annoncé hier (28 995 $ US).

Sources : Ford ; Jalopnik ; Left Lane News.