Un match opposant des fourgonnettes, en voilà une surprise. Cette catégorie autrefois louangée, n'est-elle pas en voie de s'éteindre? Si l'on prête foi aux chiffres des ventes, oui. Il faut préciser que le nombre d'inscrits a, lui aussi, dramatiquement chuté dans les dernières années. Ford, GM, Hyundai et Nissan ont tous déserté ce segment qui s'apparente de plus en plus à un segment de niche.

En soulevant le voile sur sa troisième génération de Sienna lors du salon automobile de Los Angeles, l'automne dernier, la direction de Toyota a donné le signal de départ à la relance de ce segment, toujours dirigé par Chrysler et ses «Autobeaucoup». Quelques mois plus tard, à Chicago, Honda a révélé son intention de réinvestir dans le segment avec une nouvelle Odyssey (attendue tard, à l'automne) et Nissan a profité de son passage au salon de New York pour distribuer un cliché de la future Quest qui prendra la pose dans les salles d'exposition au cours de l'hiver 2011. Et ce n'est pas tout. Même Kia promet de ne pas laisser la Sedona sans descendance.

Il est vrai, au Canada à tout le moins, que le taux de natalité a augmenté dans les dernières années, mais là n'est pas l'explication derrière cet intérêt renouvelé de l'industrie (votre tour viendra) à l'égard des fourgonnettes. Vous n'allez pas aimer ce qui suit, mais existe-t-il un autre véhicule de taille humaine capable d'offrir, à ce prix, un volume intérieur aussi géant sans mettre à sec une station-service tous les 500 kilomètres? Des noms s'il vous plaît!

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La Sienna

Tout en conservant les charmes de la génération antérieure, la nouvelle Sienna ajoute une autre dimension à l'art de vivre la fourgonnette: l'agrément de conduite... Une denrée plutôt rare dans ce créneau, vous en conviendrez. Mais le numéro un mondial ne semble pas très convaincu que le plaisir au volant soit une solution pour ramener les familles à bord. Pour preuve, seule la version SE a droit à des suspensions surbaissées et au jeu de pneumatiques de 19 pouces, deux améliorations censées faire sourire papa ou maman, selon qui se trouve au volant.

Moins massive qu'elle n'y paraît et plus aérodynamique (Cx: 0,30), la nouvelle recrue de Toyota fait le pari de rester la référence en matière de qualité et de fiabilité. Elle profite donc de sa troisième refonte en carrière pour faire le plein de nouvelles technologies. Dans ce domaine, on note la présence d'une caméra de recul dotée d'une lentille panoramique, d'un régulateur de vitesse intelligent assisté d'un radar et d'un écran de système de divertissement qui permet aux usagers de diviser l'écran pour écouter un film ou jouer à un jeu vidéo.

Cette fourgonnette est toujours offerte en deux configurations (sept ou huit places) et reste, pour l'heure, la seule de sa catégorie à offrir un rouage à quatre roues motrices en option. Sur le plan mécanique, deux moteurs sont offerts. En entrée de gamme, on trouve un quatre-cylindres de 2,7 litres (187 chevaux), alors que les modèles les plus cossus retiennent les services d'un V6 de 3,5 litres (266 chevaux). Ces deux motorisations se partagent la même boîte de vitesses, une automatique à six rapports. Le châssis adopte une suspension avant de type McPherson et, pour la première fois, une direction à assistance électrique.

Photo Robert Skinner, La Presse

Moins massive qu'elle n'y paraît et plus aérodynamique, la nouvelle recrue de Toyota fait le pari de rester la référence en matière de qualité et de fiabilité.

La Grand Caravan

De son côté, la Grand Caravan n'a plus besoin de présentation. Grandement rénovée il y a trois ans, la reine de la modularité (et des ventes) domine cette catégorie depuis son lancement en novembre 1983. Plusieurs de ses caractéristiques récentes demeurent encore inégalées. C'est le cas par exemple du Swivel N GO, un dispositif qui permet non seulement la rotation à 180 degrés des sièges ancrés dans la section médiane du véhicule, mais aussi de dresser une table. Chrysler propose également le Stow N Go, qui permet de placer la deuxième rangée de sièges sous le plancher. Deux innovations dont est privée la Sienna.

Contre toute attente, les dimensions extérieures plus imposantes de la Grand Caravan ne lui procurent pas davantage d'espace intérieur que la Sienna, légèrement plus petite, sauf en hauteur. Le dégagement aux places arrière (deuxième rangée) s'avère plus généreux à bord de la Toyota. La banquette tout au fond se révèle cependant plus exiguë que celle de la Dodge, sauf au niveau des hanches. Néanmoins, dans un cas comme dans l'autre, ces places sont à réserver à des enfants en bas âge.

À l'avant, les occupants du premier rang de la fourgonnette américaine sont en comparaison choyés, et ce, quel que soit leur gabarit. Malgré cela, les places à bord de la Sienna se révèlent toutes plus confortables. Surtout si vous optez pour les versions les plus cossues qui, dans la rangée médiane, font coulisser des baquets - pardon, de véritables fauteuils - offrant la possibilité de surélever les jambes, comme le La-Z-Boy de votre salon.

Utile à savoir, la Grand Caravan bénéficiera à compter de l'automne prochain d'un habitacle totalement revu et d'une présentation plus soignée. D'ici là, il faut composer avec un tableau de bord intégrant des cadrans cerclés à fond clair et le levier de vitesse. D'un point de vue ergonomique, la surélévation du levier de vitesse est appréciée et la centralisation des commandes se révèle rationnelle, mais la qualité des matériaux désole. On craint légitimement qu'elle soit à l'origine de bien des craquements insolites au terme de quelques milliers de kilomètres d'utilisation.

En contrepartie, la Sienna affiche, à l'oeil, une qualité supérieure, mais pas exceptionnelle pour autant au toucher. Beaucoup de plastiques durs qui sonnent creux. Le tableau de bord ondulé et sans aspérité dissimule plusieurs rangements, dont deux coffres à gant. D'apparence sobre et épurée, ce tableau de bord regroupe une instrumentation complète et facile à consulter. La Toyota prend, comme la Dodge, grand soin de l'ergonomie. La différence majeure entre les deux: la douceur des commandes de la japonaise. La colonne de direction de la Sienna est réglable dans les deux axes et permet de se mitonner une position de conduite agréable, toujours à bonne distance des principales commandes. Et le levier de vitesse plaqué contre la paroi de la console tombe (au sens figuré) mieux sous la main que celui de sa rivale américaine.

Mais, question modularité, la Grand Caravan est reine avec une dépose facile des banquettes laissant apparaître un vaste plancher plat. Néanmoins, profitant de sa hauteur plus élevée de quelque 60 millimètres, la Sienna revendique un volume utilitaire équivalent à 2470 litres, 100 de mieux que sa rivale d'un jour.

Les multiples petites attentions de ces deux fourgonnettes feront toutefois le bonheur des amateurs de gadgets. Citons les portes arrière coulissant électriquement, la commande du hayon à distance ou encore le système de divertissement. Il y a aussi, à bord de la Dodge, la console centrale amovible au profit, par exemple, de multiples rangements, porte-lunettes ou gobelets et accoudoirs. S'ajoutent aussi - moyennant supplément toujours - des rangements ancrés dans le plafond très pratique, même si leur ouverture limite leur usage à des objets plats et relativement légers, comme des cartes ou des livres.

Beaucoup d'accessoires pour séduire, mais très peu offerts de série sur ces deux modèles. L'avantage revient à la Dodge qui permet de les choisir «à la carte», alors que Toyota vous invite à opter pour une version supérieure.

Photo Robert Skinner, La Presse

La Dodge Grand Caravan domine la catégorie des minifourgonnettes depuis son lancement en novembre 1983.

En voiture

Donner du tonus et procurer à la Sienna un agrément de conduite supérieur à celui d'un autobus scolaire figurait en tête du cahier des charges de la nouvelle génération. Une tâche complexe étant donné les contraintes liées à la structure de ce véhicule. Les ingénieurs sont parvenus tout de même à bonifier certains éléments, sans véritablement causer de très grandes surprises toutefois. Des voies plus larges, des suspensions à la géométrie retouchée, une direction plus sensible, voilà les principales voies qu'a explorées Toyota.

En raison de son diamètre de braquage un brin plus court, la Sienna s'avère plus agile que l'américaine. Un qualificatif qui s'applique également une fois sorti des méandres de la ville, la Sienna ayant un comportement qui s'apparente le plus à celui d'une berline, avec juste un peu plus de roulis et une suspension arrière un brin sautillante à vide. Assise sur des suspensions un peu plus fermes, la Grand Caravan serait une routière aussi agréable, mais son insonorisation moins poussée et les nombreux craquements et bruits de caisse entendus à bord du véhicule essayé ont rendu nos déplacements moins paisibles. Par contre, sa direction plus incisive que celle de la Toyota permet de l'inscrire dans les virages avec plus de précision. En revanche, sur le plan du freinage, la japonaise prend un net ascendant sur sa rivale américaine en s'immobilisant sur des distances plus courtes.

De tous les moteurs proposés pour mouvoir ces deux fourgonnettes, nous avons étrenné les plus représentatifs. Le 4-litres de la Chrysler (offert en option) est un peu rugueux, signe des performances raisonnables au prix d'une consommation plus élevée en hydrocarbures. Inutile, la sélection manuelle de sa boîte automatique à 6 rapports ne change rien à son comportement. Le 3,5-litres de la Toyota se révèle plus souple, plus sobre. Sa boîte de vitesses souffre parfois d'étourderie, au moment des relances notamment, mais la plupart des utilisateurs n'y verront que du feu. Soulignons également l'offre d'un moteur quatre cylindres à bord de la Sienna et d'une brochette de V6 pour la Grand Caravan. Si votre premier souci est de tracter une roulotte, évitez le 4-cylindres de la Sienna, laquelle, même avec le V6, ne parvient pas à égaler les performances de la Grand Caravan dans ce domaine.

En fait, inutile de brusquer ces deux véhicules: ce serait une faute de goût pour un véhicule conçu pour la famille. Avec lui, il vaut mieux demander au disque dur de concocter un grand décompte de vos chansons préférées, glisser un DVD dans le lecteur pour les enfants et laisser défiler les kilomètres sans autre inquiétude que celui du ravitaillement en boissons gazeuses et croustilles. Elles seront de parfaits serviteurs si on n'a pas trop de routes sinueuses à pratiquer.

Tout le monde descend

Au classement général, la Toyota remporte ce match en raison de sa plus grande homogénéité d'ensemble. Cette deuxième génération de Sienna est aussi plus plaisante à conduire, affiche une valeur de revente plus solide et une qualité de construction (à ne pas confondre avec les matériaux) irréprochable.

En revanche, si vous voulez vous gâter un peu, la version de base montre rapidement ses limites et vous oblige à regarder les versions plus chères. Et c'est ici que la Grand Caravan tire le mieux son épingle du jeu. Les nombreuses promotions associées à ce modèle ces jours-ci en font une occasion à saisir. Plus ingénieuse que la japonaise, la Grand Caravan permet plus de latitude à l'acheteur et à meilleur prix quand vient le temps de lui greffer des options qui rendent parfois la vie à bord d'une fourgonnette plus agréable.

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay de sa participation à la réalisation de ce match.

Photo Robert Skinner, La Presse

la Sienna affiche, à l'oeil, une qualité supérieure à celle de la Grand Caravan, mais pas exceptionnelle pour autant au toucher. Beaucoup de plastiques durs qui sonnent creux.

Photo Robert Skinner, La Presse

La qualité des matériaux de la Grand Caravan désole. On craint légitimement qu'elle soit à l'origine de bien des craquements insolites au terme de quelques milliers de kilomètres d'utilisation.