N'eût été la piètre performance de Chrysler et GM l'année dernière, les utilitaires de poche auraient sans doute enregistré de nouveau une hausse appréciable de leurs ventes. Partie remise pour 2010? C'est tout le mal qu'on souhaite aux constructeurs qui multiplient, encore cette année, le nombre de nouveaux modèles.

L'industrie a compris que la position de conduite surélevée et l'apparence de «je vais partout» importent plus aux consommateurs que de réelles aptitudes hors route. D'ailleurs, tous les véhicules inscrits dans cette catégorie ne comptent au départ que deux roues motrices, doublées d'un système antipatinage. Et lorsqu'ils en dénombrent quatre, très rarement fonctionnent-elles en permanence. Seulement en cas de besoin.

 

Du traditionnel châssis en échelle, les utilitaires compacts adoptent aujourd'hui les mêmes «dessous» que les automobiles. Ils procurent la même sécurité, tant active que passive. Et n'eût été leur poids plus appréciable et leur aérodynamisme moins soigné, ils consommeraient et pollueraient guère plus que les automobiles compactes, comme en font foi les consommations enregistrées dans le cadre de ce match.

 

Pour juger le dernier venu dans la catégorie, le Tucson de Hyundai, nous avons eu l'idée de le confronter au Rogue de Nissan. Avec ses formes qui lui donnent l'allure d'un Murano miniature en raison de ses ailes renflées et de sa troisième glace latérale arquée, le Rogue repose sur une architecture similaire à celle étrennée par la Sentra.

 

Donc, en gros, le Rogue est une compacte habillée comme un utilitaire ou, pour reprendre une expression à la mode, un multisegment. Idem pour le nouveau Tucson, qui reprend la base mécanique de la future Elantra, dévoilée la semaine dernière en avant-première mondiale au salon de Busan, en Corée. Ce faisant, cette seconde génération de Tucson permet non seulement à son constructeur de rentabiliser ses investissements, mais aussi d'engranger plus de bénéfices en commercialisant une compacte qui, à l'image de bon nombre de ses rivales, s'affranchit délibérément des codes un peu stricts imposés depuis des lustres au sein de l'industrie.

 

Physiquement, nos deux protagonistes occupent sensiblement le même espace dans la rue. Plus long ("245 mm), plus haut ("4 mm), le Rogue se révèle pourtant, sur papier, moins habitable que le Hyundai avec un volume intérieur de 2761 litres (-124 litres). En revanche, au chapitre du volume du coffre, le japonais reprend l'ascendant sur son rival sud-coréen.

 

Pour l'heure, le Rogue se décline en deux versions, S et SL. Une troisième version plus luxueuse - Kron - est attendue pour 2011. D'ici là, les S et SL font appel à un moteur quatre cylindres de 2,5 litres. Ce moteur de 170 chevaux et 175 lb/pi de couple est associé exclusivement à une transmission à variation continue (CVT). L'acheteur aura seulement à choisir le groupe motopropulseur: deux ou quatre roues motrices. Tout un dilemme?

 

Le Tucson offre un plus grand éventail aux consommateurs puisque son catalogue compte trois versions (GL, GLS, Limited). Aussi, ce Hyundai soulève son capot à une seule mécanique: un quatre-cylindres de 2,4 litres. Plus puissant que celui du Rogue, ce moteur s'avère cependant un peu moins «coupleux» (168 lb/pi). Il s'arrime de série à une boîte manuelle à six rapports (uniquement offerte sur les versions à roues avant motrices). La version à «quatre roues motrices» a droit uniquement à une boîte automatique comptant, elle aussi, six rapports.

 

Traction ou «intégrale» ? Pour y voir plus clair, sachez que le système à quatre roues motrices entraîne un débours additionnel de 2000$ pour ces deux modèles. C'est beaucoup d'argent compte tenu du fait que les versions à traction avant bénéficient, sans frais, des mêmes aides à la conduite (correcteur de stabilité électronique, antipatinage) et que le dispositif à quatre roues motrices offert est du type «vraie fausse intégrale»; cela signifie que dans des conditions normales, sur route sèche, seules les roues avant sont sollicitées et que l'essieu arrière ne devient moteur que lorsque les conditions l'exigent, le transfert du couple étant assuré par un embrayage commandé électroniquement.

 

Vie à bord

 

Ouvrons les portières de nos deux concurrents. La présentation intérieure du Rogue ne dépaysera personne. La première impression est bonne, malgré l'abondance de plastiques. Rien à redire si ce n'est que les rangements sont peu nombreux et peu pratiques. À l'arrière, la banquette accueille sans problème deux adultes, mais le dégagement est moindre qu'à bord du Tucson, qui offre plus de dégagement au niveau des hanches et des épaules. En revanche, le volume du coffre du japonais surpasse celui du sud-coréen.

 

La présentation intérieure du Tucson s'avère plus valorisante et confirme les progrès réalisés par son constructeur. Il faut dire que dans sa version Limited, ce Hyundai est habillé comme un prince. Rien ne manque, pas même l'immense toit vitré panoramique, source, hélas, de nombreux craquements. À proscrire de votre liste d'achat. Toutes les commandes, à l'exception des quelques-unes qui sont masquées dans la partie gauche du tableau de bord, se regroupent dans l'environnement immédiat du conducteur et sont faciles d'utilisation. À ce chapitre, le Rogue fait mieux. C'est simple et bien pensé sur le plan ergonomique.

 

La position de conduite à bord du Tucson est agréable et facile à trouver, mais on reprochera aux baquets de manquer de soutien. À ce chapitre, nos essayeurs ont préféré le Rogue. En revanche, la visibilité, à l'arrière surtout, fait regretter l'absence d'une caméra de recul. Regret également noté sur la feuille de pointage du Tucson.

 

Sur la route

 

Bien qu'ils aient la même architecture, le Rogue se révèle, sur le plan dynamique, beaucoup plus convaincant que la Sentra. L'explication tient sans doute à la suspension arrière à bras multiples qui assure au Rogue un comportement routier plus vif, plus agile. Voilà de quoi nous faire oublier l'ennui ressenti au volant de la Sentra. Il est encore trop tôt pour dire si ce commentaire s'appliquera aussi au Tucson, le jour où nous découvrirons la future Elantra.

 

Malgré sa hauteur, le Rogue maîtrise correctement le roulis de sa caisse dans les virages et se montre imperturbable même lorsque le vent souffle ou que le coefficient d'adhérence de la chaussée est faible. Malgré ses qualités dynamiques, le Rogue ne parvient cependant pas à soigner le confort de ses passagers avec autant de douceur que le Tucson. Sur la route, le Hyundai se révèle nettement plus confortable. Plus silencieux aussi. Il n'y a en effet que sur les petites déformations, à basse vitesse, que la suspension arrière se trémousse un peu plus qu'à l'habitude.

 

Court et doté d'une direction précise, le Rogue se montre également à son aise dans la circulation urbaine. Le toucher de route est agréable et la stabilité directionnelle tout autant, mais en ligne droite seulement. En effet, dès le premier virage, la direction se révèle lourde et étrangement dosée: dans les virages négociés à faible et à moyenne vitesse, on a la nette impression qu'un immense ressort cherche à faire contrepoids sur la trajectoire désirée pour ramener le volant à sa position centrale. En revanche, cette particularité disparaît presque totalement sur les voies rapides.

 

Pour animer le Rogue, Nissan glisse sous son capot le quatre-cylindres de 2,5 litres. Robuste et volontaire, ce moteur manque hélas de caractère et de souplesse. Certes, les temps d'accélération et de reprise sont probants, mais son mariage obligé avec la transmission à variation continue (CVT) ne nous est pas apparu des plus heureux. Excessivement bruyant à l'accélération, ce duo ne s'assagit qu'une fois la vitesse de croisière atteinte. Les concepteurs du Rogue soutiennent que ce mariage permet des économies d'essence. Sans doute, mais nous avons l'impression que la boîte CVT sert plutôt à masquer le rendement plutôt moyen du 2,5-litres.

 

Le rendement du 2,4-litres sud-coréen nous est apparu plus convaincant. Non seulement consomme-t-il un peu moins (voir tableau), mais aussi donne-t-il l'impression d'être plus véloce. Il ne s'agit que d'une impression puisque le Rogue s'avère le plus rapide, et ce, aussi bien au chapitre des accélérations que des reprises. L'explication tient sans doute à la paresse de la boîte automatique à six rapports de Hyundai. Celle-ci semble favoriser, de par son étagement, davantage la consommation que les performances. Dans le contexte actuel, doit-on s'en plaindre? Le gain en consommation vaut bien quelques dixièmes de seconde perdus.

 

Budget

 

Au final, le Rogue, malgré sa victoire, a du souci à se faire. Sa présentation intérieure commence à faire sentir son âge et son volume intérieur aussi. En revanche, il reste offert à des prix très concurrentiels et à des taux d'intérêt très compétitifs à l'heure actuelle. De plus, sa valeur résiduelle plus élevée, le volume de son coffre et son agrément de conduite restent ses meilleurs atouts.

 

N'eût été sa boîte un peu lente, ses nombreux bruits de caisse et son prix (dans sa version Limited), le Tucson aurait assurément terminé sur la plus haute marche de notre podium.

 

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay de sa participation à la réalisation de ce match.