Le vieillissement de la population commence à paraître dans les statistiques de la Société de l'assurance automobile du Québec, qui doit de plus en plus souvent «aider» les personnes âgées à prendre une décision difficile: renoncer à l'auto ou l'utiliser dans des conditions restreintes.

Depuis cinq ans, les suspensions de permis sont en hausse de 59%, passant de 605 en 2005 à 964 en 2009. Et on voit aussi une augmentation de 250% du nombre de permis accordés avec conditions chez les 75 ans et plus: ces permis restreints ont plus que triplé, de 17 366 à 60 785. La hausse des permis sans condition est de seulement 54%.

 

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L'année 2009 est une année charnière à ce sujet: les permis avec conditions ont pour la première fois dépassé en nombre absolu les permis sans conditions pour les 75 ans et plus.

 

Cela étant dit, les statistiques de 2008 et de 2009 à ce sujet ne sont pas complètement représentatives, prévient la SAAQ. Oui, il y a une augmentation des suspensions et des permis conditionnels au Québec, mais pas aussi spectaculaire que ce que les chiffres laisseraient croire.

 

Du retard s'est accumulé en 2008 dans le traitement des dossiers, avec les nombreuses retraites à la SAAQ, explique Audrey Chaput, de la Société. Si bien qu'une bonne partie de la hausse qui apparaît dans les statistiques de 2009 vient du travail fait par du nouveau personnel pour résorber le retard.

 

«Les statistiques sont certainement à la hausse, mais on pense que c'est proportionnel au vieillissement de la population. Ce n'est pas parce que la SAAQ est plus sévère qu'avant, nos critères sont inchangés.»

Même en comparant l'année 2005 à la moyenne de 2008 et de 2009, on constate quand même une augmentation de 37% des suspensions de permis et de 147% des permis autorisés avec conditions.

Les suspensions de classes (des permis de véhicules plus gros que les voitures, de certains gros véhicules récréatifs ou des camions) ont également bondi en 2009, mais on parle d'un petit nombre de personnes. Et la perte d'un permis pour un véhicule spécial ne signifie pas nécessairement la perte du permis d'auto.

Dans plusieurs pays occidentaux où la population vieillit, on envisage d'obliger les conducteurs d'un certain âge à passer un examen de conduite.

Cette mesure n'est pas envisagée au Québec, dit Audrey Chaput, de la SAAQ. «Ce qui arrive ici, c'est qu'à 75 ans, tout détenteur de permis de conduire reçoit une lettre l'avisant qu'il doit subir un examen médical. Sa condition physique doit être évaluée et sa vue, examinée. Le même examen médical doit être fait à 80 ans, puis, par la suite, à tous les deux ans.»

Le médecin peut faire une recommandation dans un sens ou dans l'autre. C'est la SAAQ qui prend la décision de maintenir, de restreindre ou de retirer le permis de conduire, dit Mme Chaput.

La SAAQ peut décider de restreindre le permis de conduire. Il existe diverses conditions. Par exemple, le conducteur peut être confiné à l'intérieur d'un certain rayon d'action (par exemple, 30 km autour de son domicile), ou il peut se faire interdire de conduire durant la nuit.

Examens sur route plus souvent exigés

Au Québec, la SAAQ se fie à l'examen médical, mais elle peut «demander une évaluation des compétences dans certains cas où l'évaluation médicale soulève un problème, dit la porte-parole Audrey Chaput. La réévaluation des compétences est essentiellement un examen sur route qui permet de valider les habilités d'un conducteur.»

Et la SAAQ en exige de plus en plus: elle en a fait 1909 en 2004 et cinq fois plus en 2009, soit 9844. Mme Chaput note toutefois que toutes ces évaluations routières ne visaient pas des conducteurs de 75 ans ou plus. Les statistiques de la SAAQ ne permettaient pas, la semaine dernière, d'isoler seulement les conducteurs âgés parmi ces 9844 cas.

Au Québec, bon an, mal an, environ 5000 conducteurs décident eux-mêmes de renoncer à leur permis. De toute façon, l'examen obligatoire de dizaines de milliers de conducteurs par année entraînerait beaucoup de coûts et de bureaucratie.

Une étude anglaise récente montre que les conducteurs âgés, dans la plupart des cas, ajustent leur comportement au volant quand ils constatent que leurs réflexes, leur confiance et leurs habilités au volant s'amenuisent. Ainsi, ils évitent les situations qui posent problème et conduisent plus prudemment. C'est probablement pourquoi on recense moins d'accidents graves impliquant des septuagénaires que de quinquagénaires dans les pointes de circulation, à la noirceur, sur une surface mouillée et en ville.

Mais il y a des limites et il est clair que vieillesse et vitesse sont un mauvais mélange sur la route.

Ainsi, aux intersections, sur des routes anglaises limitées à 50 km/h ou moins, les conducteurs âgés sont à peu près aussi sûrs que les quinquagénaires. Mais sur les routes où la vitesse permise est plus haute, la performance des conducteurs âgés est beaucoup plus mauvaise.

Mais le mélange vitesse-vieillesse est probablement moins grave que le mélange vitesse-jeunesse.