Le problème avec le créneau des multisegments, c'est que ce type de véhicule cherche à réunir les principaux attributs d'un utilitaire pure laine (motricité, position de conduite surélevée et apparente robustesse) et les qualités d'une berline (sécurité, tenue de route et confort) et parfois même ceux d'une fourgonnette (modularité, espaces de rangement). Avec des atouts très différents, ils représentent le nouvel art de vivre sur roues. Avoir la sensation de pouvoir tout faire avec son véhicule, rouler comme bon nous semble, l'esprit tranquille quelles que soient les conditions climatiques, c'est un peu ça, aujourd'hui, la vraie liberté automobile.

Bien avant de les placer devant l'objectif de notre photographe Martin Chamberland, le doute s'était installé dans le groupe d'essayeurs. Avait-on, comme certains constructeurs, mêlé les genres une fois de trop? Aux côtés du Journey et de l'Outlander, le CX-7 paraît si stylisé! Avec ses ailes avant renflées à la manière de celles de la RX-8, sa ceinture de caisse ascendante qui révèle l'arrondi de ses ailes arrière et ses pneus de 19 pouces, le CX-7 occupe autant d'espace que les deux autres sur la route. En fait, ce Mazda n'est ni le plus haut, ni le plus long, mais bien le plus large des trois.

 

> Consultez les tableaux comparatifs du match en cliquant ici.

 

Sur le plan visuel, le CX-7 est non seulement athlétique, mais aussi très efficace, comme en fait foi son Cx (coefficient de traînée aérodynamique) de 0,34, le moins élevé des trois concurrents de ce match.

 

Ses formes fluides contrastent avec celles des deux autres, dont les traits sont autrement plus vigoureux. Le Journey surtout, dont la carrosserie semble avoir été taillée à la serpe. L'Outlander, pour sa part, bénéficie cette année d'une mise à niveau importante. L'avant, dont le dessin n'est pas sans rappeler celui des Lancer et autres Evo, est de loin la partie la plus visible des retouches apportées par ses concepteurs.

 

Avant d'ouvrir les portières ou de soulever les hayons, soulignons que seuls les Journey et Outlander offrent une troisième rangée de sièges. Un autre truc de marketing puisque ni le Dodge ni le Mitsubishi ne peuvent prétendre être de véritables sept-places. Les deux places «du fond» sont pratiques à l'occasion, comme lorsqu'on veut emmener tous les (petits) enfants du voisinage à la maternelle, mais trop étroites et fermes pour envisager autre chose que de courts trajets. Aussi, conséquence inhérente à ce type de configuration, le volume de chargement se révèle chiche lorsque toutes les places à bord sont occupées.

 

Enfin, précisons que nous avons opté pour les livrées les plus riches du Journey (R/T AWD) et de l'Outlander (XLS) afin de demeurer dans la même fourchette de prix que le CX-7 dans sa livrée GT, des trois le plus coûteux.

 

Surprise, surprise!

 

Même s'il ne fait pas preuve d'un grand modernisme, comme en témoignent le graphisme et le rétro-éclairage vert de son bloc d'instrumentation ainsi que l'ergonomie de certaines commandes (il aurait été préférable d'inverser l'emplacement de la climatisation et de la sono), le Journey s'avère le plus futé, le plus convivial de ce match. Le plus astucieux aussi, avec sa boîte à gants réfrigérée, ses porte-gobelets illuminés, son rehausseur pour siège d'enfant, ses deux cavités dans le plancher (dans lesquelles il est par exemple possible de remiser 24 canettes de boisson gazeuse) et une cachette secrète sous le coussin du siège du passager avant.

 

Photo Martin Chamberland, La Presse

Le Mitsubishi Outlander.

De conception pourtant plus récente, les deux japonais ne parviennent pas à faire mieux. À bord du CX-7, on se réjouit bien sûr de pouvoir glisser un ordinateur portable dans la console centrale, mais comment expliquer qu'il n'y ait qu'un rangement à l'arrière, une pochette au dos d'un siège? C'est trop peu! La double casquette qui surmonte le tableau de bord est bien jolie, mais le souci du détail, si apparent à bord des créations de la marque d'Hiroshima, paraît moindre ici. De plus, les appliqués «noir piano» flattent les sens, sans doute, mais pour préserver leur éclat, il est impératif de sortir souvent le plumeau et le torchon. Qu'à cela ne tienne, le CX-7 demeure cependant le mieux assemblé du groupe.

 

À bord de l'Outlander, pas de fioritures. À l'exception des immenses palettes permettant de sélectionner manuellement les rapports au volant et de la molette permettant d'adapter le dispositif à quatre roues motrices aux conditions de la chaussée, le tableau de bord ne cherche pas à imiter celui d'un vaisseau spatial. La disposition des principales commandes ne prête pas flanc à la critique, pas plus que le confort des sièges.

 

Sans être aussi triste que ceux du Journey, les plastiques employés par Mitsubishi pour décorer l'intérieur de l'Outlander valorisent peu son propriétaire, tout comme la qualité de la finition, qui demeure toujours aussi perfectible. Par contre, l'Outlander est le seul à proposer un battant inférieur sur lequel il est possible de s'asseoir ou de déposer un lourd objet; idéal pour reprendre son souffle. Son volume est un poil inférieur à celui du Journey, mais c'est mieux que le CX-7, qui nous oblige à laisser quelques valises et sacs sur le trottoir.

 

Des comportements singuliers

 

Mettons-nous d'accord: contrairement sans doute à l'Outlander, qui jouit d'un rouage intégral plus raffiné et d'une protection adéquate de son moteur, ni le Dodge ni le Mazda n'ont de réelles aptitudes pour quitter les routes asphaltées.

 

Cela dit, rappelons tout de même que nos trois protagonistes se déclinent tous en deux roues motrices. Pour ce match, ils étaient équipés d'un rouage à quatre roues motrices. Un vrai? Oui et non. Pour plus d'explications, nous vous invitons à visionner notre vidéo.

 

Photo Martin Chamberland, La Presse

Le Mazda CX-7.

Pour résumer, mentionnons que le seul vrai «intégral» de ce match est le Mitsubishi, qui reprend cette année les principaux ingrédients du système étrenné par les plus raffinés de ses Lancer (Evo et Raliart). Ce dispositif, baptisé S-AWC (Super-All Wheel Control), supervise une foule d'autres aides à la conduite en plus de réduire l'effet de lacet d'une voiture dont la répartition de couple est à la base de 50/50 entre les trains.

 

Le différentiel central ACD répartit électroniquement le couple aussi en fonction des accélérations longitudinales et transversales, de la position de l'accélérateur, de l'angle du volant. Une commande permet de sélectionner trois lois de passage selon que l'on roule sur l'asphalte, sur le gravier ou sur la neige.

 

Rien de tout cela ne se trouve dans le Mazda ou le Dodge. Le rouage à quatre roues motrices ne fonctionne qu'au besoin. Ainsi, dès qu'un microprocesseur détecte une perte d'adhérence des roues avant, il redistribue une partie de la puissance aux roues arrière. Ce dispositif à prise temporaire est suffisamment performant pour vaincre toutes les embûches que nous réserve la blanche saison.

 

Avec son moteur suralimenté par turbocompresseur prompt à réagir, le CX-7 enchante l'amateur de conduite. Vif et incroyablement agile, le Mazda maîtrise admirablement bien les mouvements de sa caisse. Neutre et prenant peu de roulis, ce Mazda met rapidement en confiance, tout comme le Mitsubishi, d'ailleurs. Toutefois, la direction de l'Outlander se révèle plus lourde et son châssis fait preuve d'une certaine mollesse dans les changements de cap. Sa mécanique ne paraît pas aussi enjouée que celle de la Mazda. En revanche, son rapport poids-puissance avantageux, combiné à une boîte semi-automatique qui se pilote du bout des doigts, permet au Mitsubishi le meilleur temps d'accélération de ce match, devant le Mazda (2e) et le Dodge (3e). En revanche, au chapitre des reprises, le CX-7 se révèle le plus véloce devant l'Outlander (2e) et le Journey (3e).

 

La conduite du Journey contraste avec celle des deux autres. Facile à prendre en main, certes, il se laisse conduire comme une grosse intermédiaire. La direction gagnerait sans doute à se montrer plus rapide et à virer plus court. Par contre, la suspension ne manque pas de souplesse pour se jouer des imperfections de la chaussée, ce qui assure au véhicule un confort de roulement fort appréciable. Le poids élevé du Journey invite à une conduite plus coulée que les deux autres, mais rassurez-vous, cela ne veut pas dire pour autant qu'il tangue exagérément dans les virages.

 

Au chapitre des performances pures, le Dodge parvient à chauffer l'Outlander en accélération, mais non dans les reprises. Quant au freinage, l'américain ferme la marche en raison sans doute de son poids, mais aussi de la sensibilité exagérée de son - bruyant - dispositif antiblocage (ABS).

 





Photo Martin Chamberland, La Presse

Le Dodge Journey.

3, 2, 1...

 

À la lecture de notre tableau de pointage, force est de reconnaître que la compétition a été serrée. Au cumulatif, c'est l'Outlander qui l'emporte, mais de peu. Tous les essayeurs ont unanimement salué sa polyvalence, son habitabilité, son comportement routier rassurant et la qualité de son rouage intégral. Toutefois, aussi attrayant soit-il, on hésite tout de même à lui donner une note parfaite en raison de sa qualité d'assemblage un peu boiteuse.

 

N'eussent été le volume de son coffre moindre par rapport aux deux autres, son côté pratique déficient et son prix élevé (livrée GT), le CX-7 aurait sans doute remporté la victoire. D'autant plus que sa mécanique, qui désormais accepte de l'essence ordinaire, s'est avérée la plus sobre lors de nos tests.

 

Dodge termine troisième. Malgré d'indéniables qualités (capacité de remorquage, polyvalence de l'habitacle et bas prix), le Journey donne l'impression d'être un (beau) projet inachevé. Le prix n'excuse pas tout, et un peu plus de raffinement serait apprécié, estime notre jury. Voilà, le verdict est tombé.

 

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay, François Viau et l'équipe de la station de ski Mont-Saint-Bruno

 

Photo Martin Chamberland, La Presse

Au cumulatif, c'est l'Outlander (à droite) qui l'emporte, mais de peu. Tous les essayeurs ont unanimement salué sa polyvalence, son habitabilité, son comportement routier rassurant et la qualité de son rouage intégral.