Les problèmes de Toyota avec ses pédales d'accélération mettent en relief un défaut de coordination du constructeur automobile avec ses fournisseurs étrangers, sur lesquels le groupe japonais a renforcé la pression pour réduire ses coûts, estiment les analystes.

Le premier constructeur mondial est en pleine crise depuis qu'il a dû rappeler 2,3 millions de véhicules aux Etats-Unis et des dizaines de milliers au Canada et en Chine à cause d'un défaut de conception de la pédale d'accélération, qui peut rester coincée en position enfoncée.

 

Ses soucis se sont aggravés jeudi lorsqu'il a dû rappeler plus d'un million de véhicules supplémentaires aux États-Unis en raison d'un autre défaut, un problème dans le tapis susceptible de bloquer l'accélérateur. Un vice qui l'avait déjà obligé à rappeler 4,2 millions de voitures à l'automne dernier dans le même pays.

 

Confronté à une concurrence internationale de plus en plus féroce, Toyota a comme les autres réduit ses unités de recherche et développement, aiguisant sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs pour la mise au point des composantes, l'assemblage et les tests. Un véhicule de la marque résulte désormais de l'association de pièces détachées d'un nombre de fournisseurs extérieurs «indénombrables», reconnaît un responsable de Toyota.

 

Zenjiro Imaoka, auteur d'ouvrages sur la gestion «juste à temps» emblème de Toyota, souligne que le groupe est «obsédé par la réduction des coûts». «Cela met une pression sur les fournisseurs, qui peut porter atteinte au contrôle qualité», estime-t-il. Toyota était pourtant reconnue pour sa proximité avec ses approvisionneurs, principalement au Japon, notamment au moyen de participations dans leur capital. Ces liens conféraient aux ingénieurs des deux parties une compréhension mutuelle des obstacles à la conception d'un modèle.

 

Le groupe Toyota comprend, outre Toyota Motor proprement dit, des dizaines d'entreprises du secteur automobile, comme le fabriquant de pièces Denso, mais aussi d'autres domaines industriels, comme la sidérurgie ou la mécanique de précision. Mais ces liens se sont quelque peu distendus lorsque Toyota s'est lancé dans une croissance effrénée pour conquérir la place de numéro un mondial. Et surtout, le groupe a échoué à tisser de telles relations à l'étranger.

 

«Au Japon, la gestion de l'approvisionnement était maintenue au sein même du groupe. Mais aux États-Unis, les rapports sont limités aux termes du contrat et il y a des carences de communication, un manque de travail commun sur le terrain, juge M. Imaoka. Les États-Unis constituent un marché tellement lucratif que Toyota y a abandonné sa stratégie dans le seul but d'augmenter sa part de marché.»

 

Selon les analystes, le défaut de la pédale pourrait résulter davantage d'un problème à l'assemblage que d'un vice de conception de la pièce elle-même.

 

Shigeru Matsumura, spécialiste de l'automobile à SMBC Friend Research, explique qu'«une pièce défectueuse n'équivaut pas forcément à une voiture non fiable. Le problème a pu se produire lorsque la pièce a été en contact, par exemple, avec une partie trop chaude» de la voiture, ajoute-t-il, se demandant pourquoi les inspecteurs qualité n'ont pas décelé la déficience.

 

Le fabricant américain des pédales d'accélérateur incriminées, CTS, a rejeté la faute sur Toyota, expliquant qu'il s'agissait d'«un problème mécanique, un design Toyota unique, une pédale conçue selon leurs spécifications».