Toyota prévoit vendre 8,3 millions de véhicules dans le monde en 2010, 6% de plus qu'en 2009. Mais contrairement à l'usage, le No 1 mondial de l'automobile a fait l'annonce en catimini, quelques heures avant d'annoncer la suspension des ventes et de la production de huit modèles fabriquées en Amérique du Nord.

Ce pronostic montre que Toyota s'attend à une embellie après avoir souffert de la récession mondiale en 2009. Mais le géant japonais, aux prises avec des problèmes de sécurité et d'image inédits, a adopté un profil bas pour annoncer ses objectifs annuels.

 

Plusieurs observateurs ont noté que Toyota, cette année, a annoncé avec une retenue inhabituelle ses pronostics en diffusant sur son site internet un communiqué de presse consistant en un simple tableau; depuis longtemps, à chaque début d'année, le président de Toyota convoque une conférence de presse et annonce en personne l'objectif annuel. Ça aurait été la première présentation des pronostics annuels de Toyota par son nouveau président, Akio Toyoda (le petit-fils du fondateur), qui a pris les commandes il y a quelques mois.

 

Annonce discrète... entre deux mauvaises nouvelles

 

Mais la période de questions - qui suit une annonce de vive voix à des journalistes - est toujours imprévisible et il est certain qu'il y aurait eu des questions pointues. On ne sait pas comment la fictive agence de relations publiques Mirador (de la télésérie du même nom) aurait géré cet enjeu. Mais l'opportunité de faire ou non une conférence de presse a sûrement été discutée par les responsables des communications de Toyota.

 

D'autant plus qu'on sait maintenant que Toyota a rendu publics ses pronostics quelques heures avant d'annoncer la suspension des ventes de huit modèles nord-américains à cause de problèmes à la pédale d'accélérateur. Deux usines de montage de Toyota en Ontario vont aussi interrompre indéfiniment la production des modèles concernés, de même que quatre autres usines situées aux Etats-Unis, le temps de procéder aux réparations des véhicules en stock.

 

Par ailleurs, rappelons que l'annonce de mardi suivait de seulement quatre jours le rappel par Toyota de 2,3 millions de véhicules aux États-Unis et de 270 000 au Canada. En novembre dernier, Toyota avait eu maille à partir avec les autorités routières américaines et avait fini par rappeler 4,2 millions de véhicules (des deux côtés de la frontière) munis de pédales d'accélérateur dont la conception pose problème. La pédale peut rester «collée», causant une accélération subite. Ce problème de conception a contribué à plusieurs accidents sous enquête aux États-Unis; certains de ces accidents ont causé des morts.

 

Au total, 4,8 millions de véhicules individuels sont visés par les deux rappels (environ 1,7 millions de véhicules sont visés par les deux rappels).

 

Des autos qui ont le mors-au-dents, mais des robots qui jouent de la trompette

 

Les gens de marketing de Toyota ont quand même profité de la journée de mardi pour présenter au public le nouveau créneau commercial de la compagnie. Toyota fait comme son rival Honda et s'intéresse à la fabrication de trois «robots-partenaires» humanoïdes pouvant agir comme aides-domestiques.

 

Certains médias de ce côté-ci du Pacifique ont traité cette annonce comme une tentative de faire diversion. Leur réaction montre que les gourous des communications de Toyota ont peut-être agi avec sagesse en ne claironnant pas trop fort leurs prévisions de vente: «Ayant échoué dans la construction automobile, Toyota se lance dans la robotique», titre le magazine Auto Evolution. L'article est satirique, rigolo et sans aucune prétention de sérieux ni de bonne foi, mais il donne le ton et montre que l'extraordinaire capital de bonne volonté de Toyota dans les médias américains a déjà commencé à s'éroder.

«Que faites-vous si vous commencer à être pourri dans un domaine où vous avez excellé durant des décennies ? Vous abandonnez, bien sûr!», ironise le magazine. Auto Evolution note avec dérision que le seul robot non-domestique présenté mardi par Toyota (un robot-ouvrier pour ses usines d'assemblages)... peut jouer de la trompette!

Le nouveau patron veut donner un coup de barre

 

Mais les problèmes actuels de Toyota ne doivent pas être exagérés. Le constructeur japonais demeure une force formidable. De plus, s'il y a eu du déni chez Toyota, il semble que ce soit fini: le nouveau président de Toyota, Aiko Toyoda, a montré depuis son entrée en fonction qu'il n'est pas un adepte de la «pensée positive».

Depuis son arrivée, Toyota a cessé de faire miroiter ses ambitions de croissance. Et il a fait des déclarations publiques très sévères, mettant en garde l'entreprise qu'elle risquait de «glisser doucement vers l'insignifiance» à moins de se consacrer corps et âme au recentrage qu'il prône. Il s'est engagé à ramener Toyota vers ses valeurs originales de qualité, afin de produire des voitures fiables, jolies et agréables à conduire.

 

Les prédécesseurs de M. Toyoda avaient lancé Toyota dans la production de camionnettes et de VUS en Amérique du Nord. Ces véhicules sont plus rentables que les voitures compactes et intermédiaires qui ont toujours été le domaine d'excellence de Toyota.

 

Comme le fait remarquer le Detroit News, le rival japonais de Toyota, Honda, a quant à lui décidé de s'en tenir aux petits véhicules, évitant ainsi les pertes financières qu'a subies Toyota durant les deux dernières années.

 

Par ailleurs, les pronostics de ventes fait mardi par Toyota confirment que la croissance du marché automobile mondial se trouve en Orient, pas en Occident. En 2010, Toyota prévoit vendre au moins 800 000 véhicules en Chine (13 % de plus que l'an dernier) et plus de 60 000 en Inde (+ 12 %). Ces ventes seraient des sommets jamais égalés.

 

Toyota s'attend aussi à vendre 11 % plus d'autos en Amérique du Nord (2,2 millions d'unités), mais il s'agirait d'un rattrapage partiel du recul de l'an dernier.

 

Sources: Toyota; Auto Evolution; Associated Press; The Detroit News.

Photo AP

La nouveau président de Toyota, Akio Toyoda, veut ramener le constructeur vers ses valeurs originales de qualité.