S'il est une automobile qui mérite l'appellation de «voiture d'exception», c'est bien la magistrale McLaren Mercedes SLR, récemment mise à la retraite après une brillante carrière de sept ans qui lui vaudra une place de choix dans la passionnante histoire de l'automobile et dans les musées qui lui sont consacrés.

Deux fois plus chère qu'une Ferrari et coiffée d'une puissance de 626 ch., elle est carrément dans une ligue à part, celle des voitures de toute petite série que les milliardaires de ce monde doivent absolument ajouter à leur collection d'automobiles de légende ou, selon le jargon du milieu, de supercars. Le robinet ayant été fermé après une production de 2000 unités, la SLR (ne pas confondre avec la récente SLS) risque même de voir sa valeur d'acquisition de 507 000$US s'apprécier au fil des ans.

 

Cette voiture, baptisée «La flèche d'argent du XXIe siècle», aura connu trois variantes pendant ces sept ans d'existence: la version initiale, la 722 gonflée à 650 chevaux et, enfin, le roadster que j'ai eu le privilège de conduire pour cet essai exclusif.

 

Il s'agissait pour moi de retrouvailles puisque j'avais conduit la toute nouvelle SLR sur près de 1000 km lors de son dévoilement en Afrique du Sud en 2002. Ce fut alors une révélation de prendre le volant d'une Mercedes aussi peu sage et ne ressemblant à rien de ce que nous avions connu d'un constructeur sérieux, soucieux avant tout de sécurité. En reprendre les commandes sept ans plus tard sur les routes du Québec m'a permis de constater que la SLR n'a rien perdu de son mordant, un trait de personnalité ponctué par la configuration roadster qui rehausse d'un cran l'expérience auditive et sensorielle. Le son rauque de son V8 de 5,5 litres à compresseur implanté à l'avant défie toute insonorisation et vous secoue jusqu'aux tripes.

 

 

L'héritage de la Formule 1

 

Certains diront que sa puissance est aujourd'hui peu spectaculaire face aux 1000 chevaux et plus d'une Bugatti Veyron. Le chiffre impressionne sûrement mais, sur le terrain, les 350 chevaux supplémentaires sont difficilement exploitables et deviennent un symbole, rien de plus. Les autres coordonnées de la SLR tiennent du grand art automobile et le nom de McLaren qui s'y rattache n'est pas un simple pendentif. Si le moteur est l'oeuvre de la compagnie AMG, tout le reste est issu de l'ancien partenaire de Mercedes en Formule 1. Cela comprend un châssis et une carrosserie en fibre de carbone, des freins en céramique, un aileron sensible à la vitesse, un fond plat avec extracteurs d'air et une boîte de vitesses séquentielle. Et tout cet arsenal était assemblé dans les ateliers britanniques de McLaren à Woking en Angleterre.

 

Trêve de présentation! Voyons plutôt ce que révèle un tour de l'île dont je préfère taire le nom, mais où la SLR ne se sentait pas en terre ennemie. On fait pivoter la petite pastille qui coiffe le levier de vitesse et il ne reste qu'à appuyer sur le bouton qui s'y cache pour enflammer la chambre de combustion. Le moteur émet une sorte de feulement qui ne laisse aucun doute sur ses capacités. Évidemment, je me fie à Mercedes pour certifier que la voiture est capable d'atteindre les 340 km/h, mais un sprint improvisé m'a permis de confirmer que le 0-100 km/h se règle en 3,6 secondes en dépit de la longueur des cinq rapports de la boîte de vitesses séquentielle. D'un coin de rue (déserte) à l'autre, l'aiguille de l'indicateur de vitesse a déjà rejoint les 160 km/h. Les freins en céramique exigent une pression ferme à froid, mais ils ne se fatiguent jamais au cours d'arrêts répétés et ne grincent surtout pas comme dans les modèles 2004. Ils sont d'ailleurs secondés par cet aérofrein en forme d'aileron qui se déploie à un angle variant de 10 à 65 degrés afin de créer un appui aérodynamique pouvant aller jusqu'à 167 kg. Il crée aussi, malheureusement, une sérieuse obstruction à la visibilité arrière. Une bonne surprise est le diamètre de braquage, identique à celui de n'importe quelle Mercedes, c'est-à-dire très court. Voilà qui donne une certaine agilité à une voiture qui n'a pas les dimensions d'une Miata, loin de là. Les chemins raboteux de mon île anonyme ne transforment pas la suspension en instrument de torture et cela en dépit du fait que, au chapitre de la tenue de route, la SLR paraît ligotée au bitume.

 

J'en déduis que Mercedes a fait des progrès à ce chapitre par rapport aux premières versions testées en Afrique du Sud, tout comme on a su éliminer les bruits répercutés par la route.

 

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

La SLR n'a rien perdu de son mordant, un trait de personnalité ponctué par la configuration roadster qui rehausse d'un cran l'expérience auditive et sensorielle.

Le lien manquant

 

À l'exception d'un volant particulièrement hideux semblant provenir d'une Classe kC d'avant-dernière génération, l'habitacle, tout de rouge dans ma voiture d'essai, est invitant. On a l'impression que les sièges ont été moulés exprès pour soi et la position de conduite est impeccable. En raison de son âge, la SLR échappe à cette gerbe de gadgets électroniques que je trouve plus importuns qu'utiles, ce qui a aussi d'heureuses répercussions sur l'ergonomie nécessaire à la conduite haute performance. La voiture a suffisamment à offrir par elle-même sans avoir à faire appel à tous ces bibelots.

 

Sur le roadster, Mercedes a conservé les portes en ailes de mouette du coupé, qui font toujours leur petit effet et qui ont l'avantage dans ce cas d'être moins lourdes et difficiles à refermer que dans les SLR «indécoiffables». Le toit souple du roadster bénéficie d'une telle étanchéité que j'ai mis une bonne demi-heure à vraiment me rendre comte que je roulais dans une décapotable.

 

Au-delà d'une profusion de chiffres spectaculaires, la McLaren Mercedes SLR est un monument de technologie et de savoir-faire qui a tissé le lien manquant entre les succès de la marque en Formule 1 et la production en grande série de véhicules majoritairement haut de gamme. Ayant joué magnifiquement ce rôle, la SLR cède désormais sa place à une SLS moins extravagante, moins distinctive, mais par contre plus abordable.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Un intérieur rouge vif qui ne laisse pas indifférent.