Melkus, une dynastie de constructeurs de voitures de course fondée dans les années 1950 en ex-RDA communiste, veut ressusciter en lançant cette année un nouveau modèle, après une longue traversée du désert.

"20 ans après la chute du mur de Berlin, nous voulions que le rêve de mon grand-père se réalise", déclare Sepp Melkus, le jeune patron de Melkus Sportwagen en marge du salon de l'automobile de Francfort.

 

En 1968, Heinz Melkus, un célèbre pilote de course automobile et ingénieur de la République démocratique allemande (RDA), décide de produire un coupé de course qui serait également homologué pour la route: la RS1000. Carrosserie en fibre de verre et aluminium, portes papillon, 200 km/heure en vitesse de pointe: la RS1000 est un ovni au pays des brinquebalantes Trabant.

"Mon grand-père a utilisé le prétexte du vingtième anniversaire du régime (fondé en 1948) pour obtenir son autorisation", explique Sepp Melkus. Le feu vert pour produire en série une voiture de course vitrine de la RDA est cependant sévèrement encadré: Melkus ne bénéficie d'aucune aide publique et sa RS1000 est destinée à être vendue aux pilotes de course du pays, avec interdiction formelle de l'exporter.

 

Au total, 101 RS1000, surnommée la "Ferrari de l'Est", seront fabriquées dans une manufacture de Dresde, avec des moyens matériels et financiers spartiates. Les pénuries de certaines pièces, exclusivement produites en RDA, sont monnaie courante. "Parfois il fallait utiliser un cadre de lampe à vélo pour un rétroviseur, ou bien une chaîne de bouchon de baignoire en guise de vérin lève-capot", raconte Sepp Melkus.

 

La production s'arrête en 1980, faute de pièces. Après la chute du Mur de Berlin et la réunification allemande en 1990, Melkus devient concessionnaire de BMW puis de Lotus dans les nouveaux Länder de l'Est. Mort en 2005, Heinz Melkus n'avait pas réalisé son rêve de donner une héritière à la RS1000, devenue entre-temps une vedette des rassemblements de collectionneurs de voiture.

 

De son aînée la RS2000 a gardé les portes papillon et le caractère fait main. Elle a aussi conservé l'aspect d'une voiture de course avec son châssis très bas, son aérodynanisme et sa légèreté (950 kg). En revanche ses nouveaux accessoires -- climatisation, coffre ou installation hi-fi -- la destine plutôt vers la conduite sur route et les collectionneurs. 

Melkus compte en produire 25 par an, au prix d'environ 100 000 euros par unité. Plusieurs acheteurs potentiels se seraient déjà manifestés, notamment en Allemagne, selon Peter Melkus, le père de Sepp, qui assiste son fils aux commandes de la firme familiale.

 

Le constructeur de Dresde pourrait aussi profiter de la vague de nostalgie (surnommée "Ostalgie" en Allemagne) pour les produits de la RDA comme la Trabant, dont la production s'est arrêtée en 1991, mais qui renaît aussi au salon de Francfort sous la forme d'un prototype électrique. Peter Melkus ne veut toutefois pas entendre parler d'"Ostalgie". "Ce régime ne mérite pas que l'on s'en souvienne", lâche-t-il.

 

Il regrette que le gouvernement est-allemand n'ait jamais songé à exporter les Melkus: "Les communistes auraient pu se faire de l'argent avec nous, mais ils étaient tellement idiots". La bureaucratie du régime était sans pitié pour des franc-tireurs comme Heinz Melkus, rappelle-t-il. "Cela dit, la bureaucratie actuelle pour le secteur automobile est tout aussi tatillonne...", estime-t-il.

Photo AFP

De son aînée (que l'on voit ici en réplique), la RS2000 a gardé les portes papillon et le caractère fait main. Elle a aussi conservé l'aspect d'une voiture de course avec son châssis très bas, son aérodynanisme et sa légèreté.