Le fabricant américain de pneus agricoles et industriels Titan International vient de faire une grosse crevaison au niveau de son image de marque.

Sa tentative de percer le marché des pneus format géant vient d'échouer quand les premiers pneus livrés à des clients, en Alberta, se sont usés à une vitesse folle : ils ont crevé après seulement 1 % de la durabilité prévue. Titan a donc suspendu la production des pneus de 4 mètres de diamètre afin de régler le problème. C'est ce qu'a rapporté l'agence de presse Bloomberg, citant le président de Titan, Maurice Taylor. Quatre pneus ont rendu l'âme après seulement 100 heures d'utilisation sous des camions à benne pouvant transporter 400 tonnes. La durée minimale attendue par les clients était 10 000 heures...

 

Ces camions géants transportent des sables bitumineux dans un gisement albertain de la vallée de l'Athabasca, à Muskeg River, exploité par la pétrolière néerlandaise Shell.

 

Comme ces pneus coûtent 42 000 $ chacun, Titan est mieux de trouver le bobo au plus vite. Avec une durabilité de 100 heures, leur utilisation revient à 2520 $ l'heure, compte tenu qu'un 797B roule sur six pneus.

 

Titan a de l'expertise dans les pneus surdimensionnés, mais surtout dans le secteur des tracteurs de ferme et de la grosse machinerie agricole. Devant la baisse des revenus observée dans son marché naturel, Titan a décidé en mars de tenter sa chance en lançant la production d'un pneu pour les gros camions utilisés dans les mines et les gisements de sables bitumineux. L'entreprise espérait ainsi voir ses revenus passer d'un à 3 milliard de dollars par année. 

Évidemment, les concurrents ne sont pas restés assis à se tourner les pouces après que Titan eut annoncé son intention de venir jouer dans leurs plates-bandes : avant même que le premier pneu géant de Titan sorte de son usine de l'Ohio, le français Michelin et le japonais Bridgestone ont saturé le marché du pneu de 4 mètres en haussant leurs productions respectives. Le prix moyen de ce pneu énorme est passé de 42 000 $ à environ 34 000 $ l'unité, ce qui n'aide pas vraiment Titan à rentabiliser son incursion dans le secteur minier. 

C'est la faute aux vilains détaillants albertains

 

Le président de Titan, Maurice Taylor, a blâmé certains détaillants albertains pour la fragilité des premiers pneus Titan livrés à Shell et à d'autres clients en Alberta. Il accuse les détaillants d'avoir délibérément sous-pressurisé les pneus Titan à l'installation, ce qui a pour effet de hausser leur température interne et de fracturer leur ceinture d'acier. « Les détaillants de pneus, là-haut, ont exigé un bakchich de 7 % à 10 %, mais j'ai refusé de payer. Si vous ne leur donnez pas d'argent, ils dégonflent un peu les pneus et personne ne s'en rend compte. » Il n'a pas identifié les cupides détaillants.

 

Cependant, Titan avait déjà stoppé la production de son usine de Bryan, en Ohio, au début d'août, afin de tester de nouvelles formes de rainures devant réduire la surchauffe des pneus.

 

L'entreprise a aussi développé une solution pour régler les problèmes de pression interne en installant dans chaque pneu une jauge électronique intégrée de 2700 $ US, qui permettra la lecture de la pression interne en temps réel. Si ça marche, tant mieux pour Titan. Mais si les pneus continuent de s'user trop vite, M. Taylor ne pourra plus blâmer les détaillants-installateurs albertains.

 

M. Taylor affirme toutefois que ses nouveaux clients des ressources naturelles ont des attentes irréalistes : les 10 000 km espérés n'ont pas de sens, dit-il, puisque la durée moyenne réelle de ces pneus est d'environ la moitié.

 

Quelques p'tites frettes et un BBQ en l'honneur d'un pneu

M. Taylor a droit à son opinion, mais pas plus tard que ce mois-ci, des conducteurs de camions de Shell ont organisé un barbecue pour célébrer les 10 600 heures d'utilisation qu'ils ont tiré d'un pneu d'une marque établie, rapporte l'agence Bloomberg, qui cite le chef d'équipe d'une des carrières de la mine de Muskeg River, John Goodman, interviewé le 19 août.

La dépêche de Bloomberg ne dit pas si les gars de Shell ont fait monter le vénérable et fiable pneu sur un socle ou s'ils l'ont fait empailler. Mais on sait qu'il est impossible de recycler les pneus de 13 pieds parce qu'ils sont tout simplement trop énormes pour l'équipement de rechapage ou de recyclage existant.

M. Taylor veut casser l'hégémonie de Michelin et de Bridgestone sur le marché des pneumatiques destinés au secteur des mines et des hydrocarbures. Il a fait multiplier par 10 la capacité de production de Titan pour se tailler une place dans les créneaux des sables bitumineux, de l'or, du cuivre et de l'aluminium.

Source : Agence Bloomberg; Caterpillar International Inc.



Photo Caterpillar

Le camion géant Caterpillar 797B roule sur des pneus de 4 mètres de diamètre, capables de supporter une charge de plus de 400 tonnes.