Le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, rêve d'avoir au Québec une chaîne de production de voitures électriques.

Quand on y regarde de plus près, on constate que le Québec dispose déjà d'une certaine expertise, d'une capacité d'innovation et de lieux de production dans des domaines bien précis de l'industrie automobile. Il existe des entreprises, petites ou grandes, qui, réunies, composeraient presque à elles seules une voiture.

 

Une voiture «made in Québec». Elles ne sont certes pas bien nombreuses, mais elles conçoivent et fabriquent des pièces essentielles.

L'Auto présente ici ce que l'on fait dans la Belle Province sur une automobile type. Voici quels sont les acteurs majeurs de cette industrie. Ceux qui innovent, ceux qui fabriquent. On n'oublie pas pour autant les noms de Ressorts Liberté, Sotrec, Waterville TG, Mark IV ou encore IPL pour les ressorts, joints d'étanchéité, réflecteurs, sangles et autres collecteurs d'air. Il y a encore bel et bien une industrie de l'automobile au Québec.

1 Industries Spectra Premium

Réservoirs d'essence

Créée en 1989, Industries Spectra Premium travaille beaucoup pour le marché des pièces de rechange, qui représente 80% de ses activités. Pour le reste, cette entreprise de Boucherville s'est taillé une place fort enviable dans un secteur bien particulier, celui des réservoirs d'essence. Pour ses principaux clients, Ford et Chrysler, elle assure tout au complet, de la production à l'assemblage.

Il y a plus d'un an, Spectra Premium a décroché un contrat un peu particulier. Celui de la Volt, de GM. «On est en train de breveter un procédé pour avoir un réservoir le plus léger possible, destiné à la Volt», explique son président et chef de la direction, Jacques Mombleau.

«On acquiert une expertise dans les modèles hybrides», ajoute-t-il.

2 Outil et Matrice Harrington

Axe de transmission, colonne de direction

Outil et Matrice Harrington est une entreprise presque centenaire qui a pour clients directs GM et Delphi. Sa production? Des composants de colonne de direction et d'axe de transmission, «des pièces complexes d'une infinie précision», affirme son président, Théodore Zaharia.

Mais ce n'est pas tant dans le produit que dans le service que réside l'originalité de cette entreprise dorénavant installée à Brossard. «La technologie utilisée pour la réalisation de ces composants est mise au point par nous-mêmes. À la demande de nos clients, on vend des lignes de production. C'est à dire que la machinerie spécifique à cette production est vendue dans le monde à ceux qui font des axes de transmission et des colonnes de direction», explique M. Zaharia. L'un des derniers exemples en date est l'assembleur japonais NSK, à qui Harrington a vendu des équipements.

3 CVT Corp

Transmission à variation continue

Concevoir et fabriquer des transmissions à variation continue (CVT), ce n'est pas nouveau. Mais concevoir et fabriquer des CVT sans courroie, de grande puissance, pour des moteurs V8 et plus, c'est beaucoup plus rare.

Fondée en 2001, CVT Corp a mis au point cette technologie introduite depuis dans l'industrie, pour les machines agricoles et pour les véhicules lourds. Elle est en théorie applicable à l'automobile. «Pour une auto, l'avantage est que l'on dispose d'une infinité de vitesses. On optimise le moteur en fonction de l'utilisation que l'on veut en faire. En accélération comme en vitesse de croisière, la transmission va trouver à quelle vitesse le moteur doit tourner. C'est un énorme avantage», explique Daniel Gérard, PDG de CVT Corp.

Dans la pratique, ce n'est pas demain que l'on verra ce genre de CVT sur une voiture. «Cela ne va pas remplacer les CVT d'aujourd'hui, mais ce sera adaptable à des puissances supérieures», précise Daniel Gérard.

4 CVTECH-IBC

Transmission à variation continue

CVTECH-IBC et sa société mère Groupe CVTECH se disent «parmi les meilleurs au monde dans le domaine des transmissions à variation continue (CVT) avec courroie sèche conventionnelle en composite». Un genre de CVT faite sur mesure, relativement petite, peu dommageable pour l'environnement, qui équipe les petites voitures.

CVTECH-IBC a d'ailleurs créé deux modèles de CVT pour la Nano. L'entente avec Tata Motors n'est pas encore finalisée, mais les premières livraisons de CVT sont prévues pour novembre 2010.

Fondé en 1969, Groupe CVTECH a une expertise dans le quatre-roues et s'est progressivement dirigé vers ce genre de CVT. «On pense qu'il y a plus de potentiel dans les petites autos que dans les grandes», dit son PDG, André Laramée, selon qui des concurrents de Tata ont déjà sollicité son entreprise.

Groupe CVTECH a donc un avenir dans l'automobile. «Sûrement! Les petites autos, ce n'est pas un accident de parcours. Et Tata, ce n'est pas un phénomène local, en Inde», croit M. Laramée.

5 Raufoss Automotive Components Canada

Bras de suspension avant et arrière

Raufoss Technology a choisi le Québec pour y établir en 2001 sa filiale Raufoss Automotive Components Canada. Deux ans plus tard, son usine de Boisbriand produisait ses premiers bras de suspension avant et arrière en aluminium. Ceux-ci équipaient alors les Malibu, Pontiac G6 et Saturn Aura.

General Motors est encore à ce jour le seul client important de Raufoss Canada. Une dépendance qui n'affecte pas l'entreprise malgré les temps difficiles. Elle est «dans le bon créneau», selon les termes de Laurent Haviernick, directeur de l'ingénierie. Deux nouveaux programmes de production ont été lancés pour les Buick LaCrosse et Cadillac SRX. En 2008, Raufoss Canada a fourni à GM deux millions de bras de suspension.

Pour un bras, Raufoss Canada fait tout elle-même, du design à l'assemblage en passant par la fabrication et la validation.

6 Phostech

Batterie au phosphate de fer et de lithium

Actuellement, trois composants différents alimentent les piles ou batteries au lithium destinées aux automobiles. Tous posent des problèmes de coûts et de sécurité. Pour les résoudre, Phostech propose du phosphate de fer et de lithium, un composant abondant, plus stable et plus efficace, selon son président, Michel Gauthier.

Dorénavant propriété de l'allemande Süd-Chemie, Phostech produit 300 tonnes de ce composé par année. Ses acheteurs? Les fabricants de batteries. Breveté et commercialisé, il intéresserait deux groupes européens en vue d'alimenter deux futures voitures électriques.

«À l'avenir, il y a de fortes chances qu'il y ait du phosphate de fer et de lithium dans les batteries des voitures électriques et hybrides», assure Michel Gauthier.

7 G.I.T. Produits de sécurité

Systèmes antivol et à télécommande

G.I.T. Produits de sécurité, PME âgée de presque 20 ans, est la seule entreprise indépendante au Québec à concevoir et à fabriquer des systèmes antivol et à télécommande. Démarreurs, alarmes et autres antivols actionnés à distance n'ont pas de secrets pour elle.

G.I.T. Produits de sécurité approvisionne les concessionnaires automobiles, surtout ceux qui vendent des produits japonais. L'entreprise montréalaise a la particularité de faire de la recherche et du développement pour son propre compte. Une obligation. «Plus ça va, plus les automobiles et leur électronique deviennent complexes», souligne Nathalie Tran, responsable des achats et des finances. G.I.T. offre même la formation aux concessionnaires.

 

8 SKL Aluminium Technologie

Radiateurs

SKL Aluminium Technologie affirme être la seule entreprise au Québec à fabriquer des radiateurs sur mesure, en aluminium. «Les avantages de l'aluminium sont sa durabilité et un échange de chaleur plus efficace», commente son président, Steeve Larouche. Dans le domaine automobile, SKL fait une quinzaine de radiateurs par année. «On est le dernier recours pour quelqu'un qui cherche un radiateur», explique François Guy, responsable des ventes.

Même si sa spécialité est d'intervenir sur des modèles qui ne sont plus sur le marché, cette jeune PME du Saguenay cherche à mettre au point un radiateur «plus léger, plus adaptable aux automobiles».

«On ne cherche pas à équiper toutes les voitures conventionnelles. Les Chinois ont envahi le marché du radiateur automobile, on ne serait pas concurrentiels», note cependant François Guy.

9 TM4

Moteur

La filiale d'Hydro-Québec est surtout connue pour son moteur électrique. La toute dernière génération, la série TM4 Motive, a été retenue par Miljo Innovasjon, branche européenne de Tata Motors, pour propulser une version tout électrique de la nouvelle Indica Vista. Ce système de propulsion est actuellement testé en Norvège.

Le Motive est au stade de prototype avancé, en chemin vers l'industrialisation, souligne le président de TM4, Claude Dumas: «On va installer un atelier de fabrication de prototypes de 800 systèmes par année, de façon à faire le pont entre le concept et le prototype, avant de se lancer dans la production industrielle.»

TM4 a beau avoir Tata comme principal client, le moteur reste fabriqué au Québec. L'entreprise de Boucherville est ambitieuse. «On vise le marché mondial. Jamais on se contentera du marché nord-américain», affirme son président, Claude Dumas.

10 Deutschman Design

Design extérieur

Dans le petit monde automobile québécois, Paul Deutschman est connu de tous. «Je suis le Québécois qui a dessiné le plus de véhicules», dit-il. On lui doit des modèles qui ne sont jamais passés inaperçus: la Callaway C-7, la «trilogie» Callaway C-16 (composée du coupé, du cabrio et du Speedster), ou encore la Porsche Spexter.

Paul Deutschman ne fait pas que des voitures sport. Il a été de l'aventure du T-Rex, qui est sans contredit le véhicule le plus original qu'il ait dessiné. De son crayon est également né le Nemo, ce petit camion à propulsion électrique. Dans son atelier de Montréal, Paul Deutschman a également fait une autre pige pour Bombardier Produits Récréatifs avec son Traxter.

Formé en Grande-Bretagne, passé par Rover, Paul Deutschman est «le seul au pays qui gagne totalement sa vie dans le design automobile». «Je suis une référence par défaut», dit l'intéressé.