Maintenant que le contrat de vente de Chrysler à Fiat est signé, les espoirs du plus petit des trois constructeurs de Detroit  reposent sur l'expertise automobile des ingénieurs italiens. Mais il y a deux problèmes notent plusieurs observateurs.

Un, la qualité des véhicules Fiat est parmi les moins bonnes d'Europe.

 

Deux, même si les enfants de Fiat et Chrysler n'ont que les qualités de leurs parents (et aucun de leurs défauts), c'est loin d'être sûr que le consommateur américain va vouloir des petites voitures qui sont la spécialité de Fiat.

 

L'histoire montre que les Américains n'aiment pas les petites voitures, note l'analyste canadien Dennis DesRosiers, de Desrosiers Automotive Reports.

 

Miser sur la mécanique de Fiat est tout un pari, surtout que Chrysler a ses propres problèmes de qualité, un fait que les consommateurs américains ne risquent pas d'oublier juste parce que Chrysler vient de se restructurer après sa faillite.

 

Et certains Américains assez vieux pour avoir conduit des Fiat quand les Italiennes étaient distribuées en Amérique du Nord, se souviennent du vieux gag selon lequel Fiat était l'acronyme de  Fix It Again, Tony (Répare-la encore, Tony). Fiat a bien changé depuis ce temps, mais il y aura des sceptiques à convaincre.

 

Quoi qu'il en soit, le plan sommairement dressé par Fiat est de concevoir une demi-douzaine de nouveaux modèles Chrysler  - des compactes et des intermédiaires - inspirés de plateformes de modèles Fiat, avec des moteurs et des transmissions Fiat. Un vice-président de Fiat a précisé cette semaine que ces voitures seraient faites en collaboration avec les ingénieurs de Chrysler et que le fruit du travail conjoint serait « des voitures américaines conçues aux États-Unis pour le marché américain ».

 

Seule la Fiat 500 serait vendue sous la marque Fiat, dès la fin de 2011, ajouté en hypothèse le porte-parole de Fiat. Les autres seront des Chrysler et pourraient être en vente d'ici 18 ou 24 mois, ce qui est très rapide, dans l'industrie automobile.

 

L'analyste du secteur automobile Jim Hall, de 2953 Analytics, au Michigan, pense que les dirigeants de Fiat pourraient même décider de commercialiser la Fiat 500 simplement comme la "500", sans nom de famille, ni Chrysler ni Fiat. 

 

 

Fiat 20e sur 25 au palmarès de la fiabilité

 

 

Le problème, c'est que les Fiat ont obtenu des notes basses lors des sondages sur la qualité faits en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne par la firme JD Power et associés en 2008. Dans son Classement général selon l'indice de satisfaction-client pour les marques dans leur ensemble, Fiat est arrivé au 20e rang d'un peloton de 25 marques. Les consommateurs français lui ont donné une note de seulement 791 sur 1000, soit 26 points de moins que la moyenne de l'industrie et 41 points de moins que le meilleur, BMW.

 

 

La méthode de JD Power est d'envoyer des questionnaires aux propriétaires de voitures achetées il y a deux ou trois ans (selon les pays) et de calculer le nombre moyen de problèmes mécaniques de chaque modèle.

 

Cette tendance se vérifiait dans les deux autres pays d'Europe où JD Power a fait ses sondages : Fiat est «sous la moyenne dans les trois marchés qu'on mesure - l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni -, particulièrement en ce qui touche la fiabilité et la qualité des véhicules», avait déclaré à Automotive News Europe Dave Sargent, vice président de la recherche automobile chez J.D. Power.

 

«La réputation de Fiat, depuis plusieurs années, montre qu'elle a des défis importants, a ajouté M. Sargent. On sait qu'ils travaillent fort pour régler ces enjeux, mais c'est ce que font tous les constructeurs. Fiat a de gros défis en terme de qualité. Ils ont encore du pain sur la planche. »

 

Le portrait n'est pas tout noir. Certains modèles se distinguent. Par exemple, la Fiat Panda a été la meilleure compacte dans le sondage de qualité 2007 en Afrique du Sud.

 

Aux limites techniques de Fiat il faut ajouter la courbe d'apprentissage nécessaire aux ingénieurs de Chrysler face aux procédés et technologies de leurs nouveaux collègues - et patrons - de Turin. Et les effectifs du service d'ingénierie de Chrysler sont assez clairsemés, après les années de mises à pied et de rationalisation que vient de traverser la firme, note Automotive News, la publication mère d'Automotive News Europe.

 

L'ingénieur Fritz  Indra, un consultant indépendant qui a jadis été responsable du groupe motopropulseur de GM, a dit au magazine américain que la mécanique de Fiat a eu mauvaise réputation en Europe, mais que la compagnie s'est améliorée ces dernières années.

 

           

Fiat : les JD Power sont en retard

 

 

«Nous avons d'autres sondages faits par des organisations indépendantes que nous considérons plus crédibles» a dit à Automotive News le vice-président aux communications de Fiat, Richard Gadeselli, qui cite l'Allgemeiner Deutscher Automobil-Club (la contrepartie allemande du CAA-Québec). «L'ADAC a des millions de membres et leurs études contredisent certains des résultats de JD Power, note M. Gadeselli. D'après nous, ces sondages sur la satisfaction des consommateurs sont généralement quatre ou cinq ans en retard sur la réalité. En fait, dans nombre de ces sondages, on parle de modèles que Fiat ne fabrique même plus.»

 

JD Power ne mesure pas que la fiabilité et la qualité. Fiat a reçu une note en haut de la moyenne dans un seul domaine, soit les coûts de possession, qui comprennent la consommation d'essence, les coûts d'assurances et le budget de réparation.

L'analyste Jim Hall, de 2953 Analytics, affirme que Fiat apporte à Chrysler une expertise supérieure, dans certains aspects de la mécanique. Il a déclaré au quotidien Detroit News que Chrysler profitera de l'efficacité manufacturière de Fiat, particulièrement la fabrication des moteurs, un domaine où Fiat est « incroyablement bon ».

À ceux qui disent que même Daimler n'a pas réussi à améliorer Chrysler, l'analyste Joe Philippi, de AutoTrends Consulting Inc, au New Jersey, répond que « les Allemands ne voulaient pas partager leur technologie avec un fabricant de voitures à haut volume », a-t-il dit au Detroit News. Cette fois, c'est précisément le but premier de Fiat, dit-il.  

Sources : JD Power & Ass., Desrosiers Automotive Reports, Detroit News, Automotive News Europe, Carscoop