Quand ça va mal, on peut toujours compter sur l'entraide avec ses voisins, pas vrai? Et on ne frappe pas sur quelqu'un qui est déjà KO, par terre, pas vrai? En tout cas, bien des gens à Detroit trouvent que la ville voisine de Warren vient de leur donner un coup salaud dans le dos.

Alors que General Motors est en crise et va se placer sous la protection de la loi sur la faillite, le maire de la ville de Warren, Jim Fouts, a décidé que le moment était bien choisi pour offrir à GM de quitter Detroit et de venir installer son siège social à Warren.

Cette perspective vient noircir encore plus l'avenir de Detroit, où GM est installée depuis plus de 100 ans. GM est une entreprise hautement symbolique à «Motown» (Motor Town, puisqu'elle est le dernier des «Trois de Detroit» qui soit encore à Detroit même et non pas en banlieue éloignée.

Depuis belle lurette, Ford est à Dearborn et Chrysler, à Auburn Hills.

«Si GM désertait Detroit, ce serait un désastre pour la ville», même si Warren est la banlieue immédiatement au Nord de Detroit, écrivait récemment un chroniqueur du quotidien Detroit Free Press.

Au contraire, GM, elle, s'est même installée au Renaissance Center, un complexe de sept tours construit durant les années 70 pour marquer la renaissance de Detroit après des années difficiles. La tour centrale, la plus haute, a la forme d'un cylindre et est marquée du logo de GM, qui occupe 70% des bureaux du. Le complexe de 511 000 m2, acheté par GM en 1996, abrite 4300 employés de GM ainsi que la haute direction.

C'est ce symbole qui pourrait partir pour Warren, où GM possède déjà son Tech Center, un vaste complexe où est situé le coeur de son expertise en génie et en design automobiles. GM a aussi une usine de transmissions à Warren.

Le maire de Detroit, l'ancien joueur de basketball Dave Bing (il jouait pour les Pistons de Detroit), a enjoint GM de demeurer à Detroit, dès que le maire de Warren a rendu publique son offre à GM, au début mai.

Mais ses objections n'ont pas empêché le maire Fouts, mercredi (27 mai), de se rendre lui même au Renaissance Center pour remettre une lettre de six pages au président de GM, Fritz Henderson.

La «proposition sans précédent» du maire de Warren offre à GM toute une panoplie d'incitatifs fiscaux et financiers à long terme, ainsi que des services municipaux gratuits, y compris une exemption de taxe foncière durant 30 ans. Le maire Fouts affirme que le Tech Center de Warren a amplement d'espace pour accueillir les 4300 employés du siège social.

Contrairement à Detroit, Warren n'a pas d'impôt sur le revenu municipal et le maire Fouts offre une abolition de toute taxe sur l'équipement et la machinerie.

Warren paierait même une partie du déménagement.

La proposition ne «vise pas à déplacer des emplois vers Warren, mais à réduire les coûts de GM et l'aider à retrouver rentabilité et efficacité» avec un seul objectif en tête, la «survie» de GM, écrit le maire dans sa lettre citée dans le Detroit Free Press.

Selon le maire Fouts, GM pourrait épargner des dizaines de millions de dollars grâce aux divers incitatifs offerts par Warren.

Sans dire oui, GM n'a pas fermé la porte à l'offre et serait bien mal vue de le faire, au moment où elle ne peut payer les prêteurs à qui elle doit des milliards et où elle coupe dans ses coûts dans le cadre d'une restructuration sous la protection de la Loi sur les faillites.

GM a perdu 6 milliards de dollars US juste durant les trois premiers mois de 2009. Elle survit grâce à des prêts de 15 milliards de dollars US du gouvernement fédéral américain et devrait recevoir 30 autres milliards du Trésor américain, du gouvernement canadien et du gouvernement provincial de l'Ontario.

Lors d'une conférence de presse récente du président de GM. Fritz Henderson à Detroit, la toute première question posée par les journalistes a été : «Est-ce que GM va quitter Detroit?»

M. Henderson s'est gardé de répondre directement, affirmant que GM examine toute idée susceptible d'aider ses affaires.

«Nous n'avons aucun projet de ce genre, mais si on en avait, ce serait motivé une logique d'affaires, c'est-à-dire les coûts, l'efficacité et la rapidité» a dit M. Henderson.

Ce serait un dur coup pour Detroit.

«Le centre-ville serait dévasté, parce que la valeur du bâtiment, une fois vacant, fondrait», écrit le quotidien Detroit News, qui note qu'il y a peu de demande pour des espaces de bureaux au centre-ville.

Reste à savoir ce qui arriverait à l'identité de Detroit si GM quitte Detroit. S'il n'y a plus de constructeurs automobiles à Motown, faudra-t-il changer le nom des Pistons, l'équipe de basketball, et enlever la roue ailée qui orne les chandails des Red Wings, l'équipe de hockey?

Sources : Detroit News, Detroit Free Press, New York Times