Habiter une ville qui connaît des difficultés budgétaires n'est pas de tout repos. On doit s'attendre à des hausses de taxes et à moins de services. Pour couronner le tout, le risque d'écoper d'une contravention y est plus important.

«Les villes qui font face à des baisses de revenus donnent généralement davantage de contraventions», explique Gary Wagner, un économiste de l'Université de l'Arkansas, à Little Rock, qui vient de publier une étude sur ce sujet dans une publication de la Réserve fédérale américaine.

 

«Chaque baisse de revenus de 10%, le nombre de contraventions remises à des automobilistes augmente de 6,4%. Nous n'avons pas épluché les procès-verbaux pour voir si on avait donné des consignes précises aux policiers, mais nos résultats montrent sans l'ombre d'un doute que les contraventions sont utilisées par les municipalités pour augmenter leurs revenus plutôt que dans une démarche limitée à la sécurité routière.»

Les radars photo

La popularité récente des radars photo et des caméras croquant les automobilistes qui brûlent des feux rouges a amplifié le phénomène. Un cas célèbre est celui du village de Schaumburg, en Illinois, où une caméra installée à l'entrée d'un centre commercial a rapporté 1 million US en trois mois, avant d'être enlevée à la suite des protestations de la population - la caméra pinçait principalement les gens qui ne faisaient pas un arrêt complet avant de tourner à droite au feu rouge.

«Nous n'avons pas examiné spécifiquement les caméras, mais il est évident qu'elles sont encore plus faciles à utiliser de manière perverse, dit M. Wagner. Il est délicat de demander à un chef de police de distribuer davantage de contraventions; il faut généralement exiger plus de patrouilles de sécurité routière, ce qui ne donne pas nécessairement plus de contraventions. Mais avec une caméra, les apparences sont sauves. Et on peut les installer à des endroits pas particulièrement dangereux, mais où il y a beaucoup d'infractions, par exemple une route très large, conçue pour une vitesse assez élevée, mais où la limite est plus basse.»

La Cour tranche

Une anecdote illustre bien le propos de M. Wagner. En 2006, la Cour suprême de la Caroline-du-Nord a décrété que les revenus des caméras devaient être versés à l'État plutôt qu'aux municipalités.

«Le nombre de caméras était en augmentation constante jusqu'alors, raconte-t-il. Après, elles sont devenues beaucoup moins populaires. Je pense que ce n'est pas à cause d'une augmentation généralisée de la sécurité routière, mais plutôt parce que les caméras ont soudainement cessé d'être rentables pour les villes.»

L'étude de M. Wagner a justement été faite à partir d'une base de données recensant toutes les contraventions en Caroline-du-Nord entre 1990 et 2003.

À noter, le nombre de contraventions ne baissait pas quand les revenus des municipalités augmentaient et que leur budget était excédentaire.

Et au Québec...

Quelles sont les recommandations de M. Wagner pour le Québec, qui commence ce printemps à utiliser les caméras?

«L'important est de bien séparer les responsabilités, dit M. Wagner. L'administration qui choisit où vont les caméras ne devrait pas être celle qui bénéficie des revenus des contraventions. Et qu'on prouve clairement qu'il y a un problème de sécurité routière aux endroits où on installe les caméras et qu'elles permettent de réduire le nombre d'accidents.»

Au Québec, les revenus des contraventions distribuées par les caméras aux automobilistes vont au gouvernement provincial, alors que leur emplacement a été décidé en collaboration avec les municipalités. Il s'agit d'une séparation à peu près conforme aux prescriptions de M. Wagner. Par contre, les revenus des contraventions données par les policiers municipaux vont directement aux municipalités. Sur le plan du stationnement, à Montréal, les revenus des contraventions vont à la ville centre, sauf pour ce qui est des frais, qui vont aux arrondissements.