S'il restait encore un doute sur le fait que General Motors est devenue temporairement une «pupille de l'État» et une quasi-société d'État, voici de quoi mettre les choses au clair une fois pour toutes.

Le nouveau patron de GM - celui qui remplace Rick Wagoner, congédié par Barack Obama - sera interviewé à l'émission d'information télévisée Meet the Press dimanche matin au réseau NBC. Fritz Henderson sera l'invité d'une émission-phare de l'information politique américaine, qui a vu passer tous les présidents américains - y compris M. Obama - et à peu tous les politiciens importants depuis la première diffusion, en 1947.

Meet the Press, la plus vieille émission de télé au monde, n'invite pas que des politiciens, mais l'invitation de M. Henderson est un symbole qui montre que GM a maintenant des comptes à rendre à Washington, et plus seulement à Wall Street. M. Henderson sera interviewé par satellite, à un moment où General Motors et Chrysler et leur sauvetage sont scrutés par les milieux politiques fédéraux. Le premier chef d'État à avoir été interviewé par satellite en direct à Meet the Press fut le premier ministre britannique Harold Wilson, en septembre 1965.

M. Henderson, qui était chef de l'exploitation de GM avant le congédiement de M. Wagoner, se livre à un blitz d'entrevues depuis lundi dernier, quand il a été promu avec la bénédiction du gouvernement fédéral. Le Detroit News note qu'il n'est pas un novice à Washington. Il a assisté à plusieurs rencontres du nouveau groupe de travail sur l'automobile constitué par le président Obama; avant cela, il a souvent fait des présentations à d'influents membres du congrès et à leurs adjoints.

GM survit actuellement grâce à une perfusion de capital lui permettant de financer ses affaires courantes, et son redressement est supervisé par un haut fonctionnaire fédéral, l'économiste Ed Montgomery.

Depuis, le gouvernement de M. Obama a indiqué qu'il aurait son mot à dire dans la nomination des nouveaux membres du conseil d'administration

Aux États-Unis - contrairement au Canada et à ailleurs dans le monde - , l'intervention de l'État dans l'économie est relativement rare et plusieurs commentateurs conservateurs ont commencé à surnommer GM «Government Motors» et à surnommer le président Obama «Président directeur général Obama».

Dans une chronique publiée cette semaine, un commentateur politique de Detroit s'est dit inquiet des décisions prises par l'État: «L'enjeu ici, est une question de principe au sujet du contrôle croissant du gouvernement dans le commerce. Comment les exigences politiques du moment peuvent-elles usurper la gouvernance d'entreprise et la responsabilité fiduciaire du conseil d'administration envers les actionnaires? Le mot 'stupéfiant' est trop faible pour décrire le précédent que ceci établit», affirme le chroniqueur Daniel Howes dans le quotidien Detroit News.

L'expression moqueuse de 'Government Motors' est maintenant sur toutes les lèvres conservatrices aux États-Unis, mais le chroniqueur Evan Newmark, du Wall Street Journal, est sinon le premier, un des premiers à l'avoir utilisée dans une chronique prémonitoire publiée le 28 octobre 2008. À la fin de mars, le conseiller principal du président Obama dans le dossier de l'auto, Steve Rattner, a rencontré privément M. Henderson, juste après avoir obtenu la démission de M. Wagoner.

Quelques jours plus tard, l'administration Obama a rejeté les plans de relance soumis par GM et Chrysler, les jugeant inadéquats. Avant d'ajouter des milliards de prêts aux autres milliards déjà prêtés à GM, M. Obama a donné 60 jours à GM pour présenter un nouveau plan de redressement, plus draconien que celui qui a été refusé.