La rumeur courait depuis un bon moment déjà. Depuis, en fait, que la R8 s'était présentée, tous charmes dehors, avec un «modeste « V8. Aujourd'hui, Audi met fin aux spéculations et présente, sous la vitrine de la plage arrière de la R8, un monstrueux V10 qui ne manquera pas d'enchanter les amateurs tant il ravive le glorieux passé en compétition de la marque aux anneaux. Mais cette démonstration de puissance était-elle bien indispensable ? Apparemment oui, même si personne ne sera jamais en mesure de l'exploiter.

Aux abords de l'Ascari, le plus long circuit d'Espagne, situé près de la petite commune de Ronda, dans la province de Malaga, la R8 V10 attend de prendre la route.

 

Son nouveau propulseur lui permet, bien sûr, de rouler plus vite, mais la Audi R8 poursuit un objectif plus important encore: confirmer sa place parmi l'élite.

Sous le capot, le moteur V10 de la Gallardo, de Lamborghini, une filiale italienne d'Audi. Que les aficionados de la marque au taureau se rassurent: il s'agit d'une version moins puissante, avec 27 chevaux en moins. Le bloc, les boulons et les bielles sont identiques, mais les collecteurs (admission et échappement) et la gestion électronique sont différents.

Entre le Marabella Club Hotel et le circuit de l'Ascari, les reprises de ce V10 laissent sur place les chicanes de la route et tant d'autres voitures qui s'époumonent inutilement à vouloir suivre le rythme. Le poil se hérisse aux grondements de la mécanique qui vous propulse, à 100 km/h en moins de quatre secondes. Les vitesses claquent au rythme de l'engagement des rapports par les palettes au volant, jusqu'à la sixième, si on a le courage et une ligne droite suffisante.

La direction très directe reste toujours naturelle avec la précision et la fermeté attendues sur un tel engin. Gérée par un contrôle de stabilité, la voiture offre une conduite nettement plus souple en mode sport, permettant des dérives mesurées à l'arrière. Mais pour les très fortes sensations, il faudra tout enlever. À réserver, bien sûr, à un usage sur circuit.

La présence, ce jour-là, du pilote français Alexandre Premat sur le circuit de l'Ascari ne surprend guère. Le champion sortant s'est illustré aux Le Mans Series aux commandes d'une barquette R10. Est-ce pour cela qu'il ne semble pas avoir vu le virage qui se précipite vers nous à vitesse grand V? Un peu matamore, il vous explique d'un ton détaché ce qu'est une R8 et, à coups de volant précis soutenus par une accélération énergique, affronte la difficulté dans une interminable glissade comme si le goudron s'était soudain muté sous nos roues en neige fraîche.

Bon, c'est sûr, le journaliste redescend de là avec la rage au ventre et ne songe qu'à enfiler un casque pour tenter de faire la même chose. La R8 V10 aura la courtoisie de se plier à cet exercice acrobatique sans jamais émettre une plainte. Sous-vireuse en entrée de courbe si on se montre enthousiaste, mais neutre dès que l'on parvient à plaquer le train avant au freinage, la R8 nous conduit aisément à nos limites. Il faut reconnaître que ses 525 chevaux sont allègrement digérés par la transmission aux quatre roues. Ce qui trahit du coup la philosophie du modèle qui s'inscrit plutôt dans une démarche faite de maîtrise et de degré de sécurité, deux éléments enlevés au conducteur.

 

Le châssis finement réglé semble parfaitement digérer la chose, tandis que la boîte séquentielle, qui fait claquer, parfois paresseusement, ses six vitesses au dixième de seconde, vous enlève une épine du pied. Avec les palettes au volant pour un mode totalement manuel, c'est un régal, notamment pendant les ralentissements où l'on entre chaque rapport avec un petit coup d'accélérateur programmé, comme au bon vieux temps du talon-pointe.

Les énormes disques de freins torturent la gomme, qui mord avidement le bitume. La ceinture de sécurité sert ici à vous maintenir contre le dossier des sièges parfaitement enveloppants. Estomacs fragiles s'abstenir, même si la gestion dynamique très sophistiquée de l'Audi veille au grain.

La prestation de la R8, très méritoire, semble quelque peu aseptisée au regard des 525 chevaux annoncés par le constructeur. La manière trop prévenante de sa conduite efface partiellement le charme et les sensations de cette voiture. On regrette, en somme, que la mécanique ne soit pas plus pointue et qu'elle laisse par conséquent peu de marge au pilote pour expérimenter de nouvelles plages de régime.

En pays de connaissance

Hormis quelques retouches, dont de superbes jantes de 19 pouces et un sigle V10 sur chacune des ailes avant, cette R8 est aussi large et plate que la version éponyme mue par un V8. Si quelques-unes des caractéristiques paraissent un peu kitsch, l'amateur trouvera génial de pouvoir contempler, en vitrine sous le plexiglas du capot arrière, le moteur V10.

On tire une petite gâchette pour ouvrir la porte, il faut faire attention à la tête avant de s'allonger à quelques centimètres du sol, les jambes projetées en avant, avec suffisamment d'espace pour y trouver ses repères.

La V10 conserve sensiblement la même présentation intérieure que la V8. On retrouve avec plaisir le volant à trois branches à la partie inférieure comprimée. À bord, tout est bien fixé, ajusté, le ciel de toit en Alcantara superbement tendu et les commandes correctement disposées.

On regrettera seulement que certaines jauges, surlignées ici en rouge, soient masquées par la jante du volant ou par les mains qui s'y posent. Les espaces de rangement sont rares (il y a un minuscule coffre à l'avant), les pare-soleil peu efficaces et la visibilité latérale pratiquement nulle. Pourquoi s'en offusquer? Personne ne vous rattrapera.

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Audi.

On aime

Pouvoir l'utiliser en tout temps

Regarder le soin apporté à sa fabrication

Admirer ce gros V10 derrière la vitrine

On aime moins

Se faire rudoyer par la boîte séquentielle

Payer la facture pour ce qui semble deux cylindres en plus

Se sentir frustré de ne pouvoir exploiter son potentiel

Ce qu'il faut retenir

Fourchette de prix : 170 000 $ (estimation)

Frais de transport : nd

Garantie de base : 48 mois/80 000 km

Consommation moyenne selon le constructeur : 13,7 L/100 km

Concurrentes : Aston Martin Vantage, Porsche 911 Turbo

Pour en savoir plus : www.audi.ca

Moteur : V10 DACT 5,2 litres

Puissance : 525 ch à 8000 tr/mn

Couple : 391 lb-pi à 6500 tr/mn

Poids : 1620 kg

Rapport poids/puissance : 3,08 kg/ch

Accélération 0-100 km/h : 3,9 secondes (constructeur)

Mode : intégral (quatre roues motrices)

Transmission de série : manuelle six rapports

Transmission optionnelle : séquentielle six rapports

Direction/diamètre de braquage : crémaillère/nd

Freins avant/arrière : disque/disque

Pneus avant - arrière : 235/35R19 - 295/30R19

Capacité du réservoir de carburant/carburant recommandé : 90 litres/super