Petits, mignons, les Ford Escape, Jeep Patriot et Suzuki Grand Vitara offrent un cocktail pétillant: mi-tout-terrains, mi-citadins, ils inspirent un réel sentiment de sécurité. Ils sont hauts sur roues et permettent de voir par-dessus un certain nombre de voitures. Leur petite taille et leur relative sobriété font merveille. Avec eux, adieu les créneaux: on se gare d'un coup, en montant sur le trottoir sans risquer de briser les suspensions. Enfin, ces mini-pachydermes proposent des quatre-cylindres qui leur permettent de consommer comme des moineaux.

Nouveau, cet Escape? À le regarder, on ne le dirait pas. Hormis sa calandre et ses jantes peintes en noir, cet utilitaire pourrait aisément être confondu avec les modèles des années antérieures. Observez-le mieux: l'utilitaire compact le plus vendu au pays est animé par un quatre-cylindres de 2,5 litres auquel est associée une boîte automatique à six rapports. L'Escape a de nouveaux arguments pour bloquer le chemin à la concurrence.

Idem pour le Grand Vitara, qui, hier encore, refusait d'accueillir un moteur de moins de six cylindres. Mal lui en a pris, car ses ventes ont souffert de l'absence d'une mécanique plus sobre. D'où la correction du tir cette année.

Enfin, aussi étonnante soit-elle (il est le plus petit et le moins cher du groupe), la présence du Patriot de Jeep s'explique. Particulièrement économe avec sa boîte manuelle (du temps du programme fédéral, cela lui a valu de figurer sur la liste des véhicules verts admissibles à une subvention), ce Jeep allait notamment permettre de mesurer les efforts consentis par les constructeurs pour réduire la consommation en carburant de leurs véhicules.

Les forces en présence

Malgré les refontes, grandes et petites, l'Escape est demeuré sensiblement le même qu'à ses débuts. Pas un centimètre de plus en longueur, en largeur ni en hauteur. Juste quelques kilos en plus. L'Escape est et restera un utilitaire aux dimensions humaines et c'est tant mieux. Pas de troisième banquette, au demeurant inutile dans les véhicules de cette catégorie, ni de moteurs plus puissants ou de technologies à gogo. Les retouches apportées par ses concepteurs visent jusqu'ici essentiellement à rajeunir sa silhouette, à réduire le bruit dans son habitacle et à diminuer sa consommation, comme en fait foi le nouveau tandem moteur/boîte pour 2009. La direction de Ford se dit convaincue que cela suffira à maintenir l'Escape au sommet des palmarès encore quelques années (jusqu'en 2011 vraisemblablement), d'ici à l'arrivée d'une nouvelle génération.

D'une conception plus récente, le Grand Vitara a très peu évolué depuis sa sortie et avance face à ses deux concurrents d'un jour trois arguments de poids: un look, un rapport prix-équipements attrayant et un comportement homogène à la ville et sur les sentiers. À cela s'ajoutent une sécurité accrue (active et passive) et un habitacle plus plaisant. À noter aussi que le Grand Vitara est le seul utilitaire du groupe à reposer sur une structure monocoque doublée d'un châssis à échelle traditionnel.

Même s'il intègre un grand nombre de composantes esthétiques propres aux Jeep (calandre rectangulaire, pare-brise rétréci et phares circulaires), le Patriot n'est pas le baroudeur qu'il prétend être. Son châssis monocoque est issu d'une berline, en l'occurrence du Caliber... Mais le Patriot ne craint pas de s'aventurer dans les chemins creux, à condition qu'on l'ait muni du groupe Freedom Drive II. Identifié Trail Rated, cet ensemble tout-terrain comporte notamment un limiteur de vitesse en descente; des différentiels autobloquants; des freins à disques et l'antiblocage aux quatre roues; un rapport à forte démultiplication de la boîte automatique à variation continue (la seule offerte); une garde au sol plus élevée de 25 millimètres et des plaques de protection. Voilà qui est amplement suffisant pour satisfaire aux besoins de 97% des amateurs d'utilitaires. À condition bien entendu d'y mettre le prix, puisque ces transformations sont offertes moyennant supplément...

Vie à bord

Des trois utilitaires inscrits à ce match, le Patriot est de loin celui qui en donne le plus à voir cette année. Rénové à grands frais, l'habitacle a désormais un tableau de bord beaucoup plus stylisé et des garnitures d'une qualité nettement supérieure. Le souci du détail est désormais plus apparent, et les accostages sont plus précis. Ce n'est pas de la haute couture, mais c'est tout de même plus valorisant que la présentation surannée du Ford. À sa décharge, on se réjouira d'apprendre - une première dans l'industrie - que la surface des sièges (à l'exception du cuir, naturellement) est faite de matériaux recyclés à 100%. Une belle initiative.

L'habitacle du Grand Vitara demeure le plus apprécié du groupe. La présentation intérieure se veut la plus moderne, la plus cossue et surtout la mieux réalisée. La qualité de la fabrication fait plaisir à voir et le choix des matériaux témoigne du souci accordé aux détails. Les rangements y sont plus nombreux, le bloc d'instruments est lisible et les principales commandes sont faciles d'accès.

Même si le support des sièges est discutable, le Ford est, de loin, le plus agréable pour voyager. Une fois tout le monde à bord, on apprécie toujours sa bonne habitabilité, mais on ne peut passer sous silence l'absence d'innovation, notamment au chapitre de la modularité. Ainsi, pourquoi se priver d'une banquette arrière coulissante pour moduler l'espace pour les jambes ou le volume du coffre? Pourquoi faut-il toujours démonter les appuie-tête arrière pour rabattre à plat les dossiers de la banquette? Pourquoi le dossier du baquet avant côté passager refuse-t-il de se plier en portefeuille pour accroître la surface de chargement? Pourquoi est-il impossible d'incliner les dossiers de la banquette arrière? Beaucoup de récriminations. Mais force est de reconnaître que ses deux concurrents ne font guère mieux. Les passagers qui voyageront sur la banquette arrière de la Jeep seront sans doute les plus à plaindre. D'abord, ils devront composer avec des portières étroites. Ensuite avec des puits de roues qui ne demandent pas mieux qu'une jupe ou un pantalon pour se débarbouiller. Le Grand Vitara est une coche au-dessus, bien que le dégagement pour les hanches soit ici inférieur à celui du Jeep.

Plus compact que le Ford et le Suzuki, le Jeep perd des points au chapitre du volume du coffre; de plus, les arêtes du hayon menacent à tout moment de scalper les «grands». Facile à charger sans doute, mais Dieu que l'ouverture est étroite. Le volume de chargement du Grand Vitara se révèle le plus généreux du groupe, mais seulement si la banquette est rabattue. Cela dit, on regrette tout de même que le - lourd - hayon s'ouvre à l'horizontale (et côté trottoir), ce qui est peu pratique dans les espaces restreints. L'avantage revient au Ford qui, lui, offre la plus grande contenance (banquette en place) et un hayon qui permet de soulever indépendamment la lunette pour ranger rapidement de petits objets dans le coffre.

Au volant

Les qualités hors route des petits Jeep et des utilitaires Suzuki n'ont jamais été mises en doute. Cependant, sur chaussée asphaltée, une randonnée d'une centaine de kilomètres pouvait constituer une véritable torture pour certains conducteurs. La cabine était bruyante, on aurait dit que la suspension était en bois... Et j'en passe.

Le Grand Vitara et le Patriot nous font cependant oublier presque tout cela. D'une part, il est possible d'entretenir une conversation sans avoir à hausser le ton; d'autre part, sa suspension, plus souple, propose un compromis plus équitable entre tenue de route et confort. Les suspensions trépident encore un peu (celle du Grand Vitara surtout) mais ne désunissent pas comme autrefois sur les revêtements dégradés, ce qui ajoute à la précision de conduite. Toutefois, au quotidien, le manque de confort du Grand Vitara épuise. Nous lui préférons le Patriot et l'Escape, qui filtrent beaucoup mieux (meilleur débattement) les chaussées déformées que le Suzuki. Cependant, le Jeep n'est pas parfait pour autant. Son châssis réagit mollement aux changements de trajectoire et, par conséquent, n'offre pas une stabilité aussi rassurante que les deux autres, surtout par grand vent. Globalement, le comportement neutre et prévisible du Ford lui permet de s'en tirer avec les honneurs sur le plan dynamique.

En ce qui a trait à l'efficacité énergétique et au rendement du groupe motopropulseur, l'Escape passe bien près de conserver l'avantage, mais le Patriot parvient à faire mieux. Appelé à mouvoir un châssis plus léger, le quatre-cylindres du Jeep s'exprime avec plus de vélocité et, avec une boîte manuelle, éclipse littéralement ses deux concurrents au chapitre de la consommation d'essence avec une moyenne inférieure à 10 L/100 km. Mais puisqu'il faut comparer des pommes avec des pommes, une fois équipé de la boîte CVT (variation continue), le Jeep fait (beaucoup) moins d'étincelles, comme en font foi les mesures recueillies lors de nos tests. Qui plus est, le rendement de cette boîte CVT est plutôt décevant. Bien secondé par une boîte classique à six rapports, le 2,5 litres de l'Escape parvient, sans éclat cependant, à prendre l'avantage. Quant au moteur du Grand Vitara, étouffé par le poids du véhicule, il s'est avéré à la fois très gourmand (en ville surtout) et bruyant (sur route). L'ajout d'un rapport additionnel à la boîte automatique ne ferait pas de mal.

Budget

En optant pour la version la plus dépouillée, le Patriot remporterait assurément ce match. Toutefois, le plus dénudé des Patriot débarque sans climatiseur, ni jantes en alliage, ni glaces électriques. Vous êtes toujours preneur? Tous ces accessoires et plus encore se retrouvent de série sur les Escape et Grand Vitara.

L'avantage du Patriot fond alors comme neige au soleil et, à équipement égal, il est presque aussi coûteux que ses deux concurrents. Au pointage final, il glisse du coup à la troisième place, tout juste derrière le Grand Vitara, qui ne doit en rien sa position à l'excellence de son quatre-cylindres, mais plutôt à ses dimensions intérieures plus imposantes. Enfin, même si ses concepteurs n'ont pas su tirer les leçons de l'évolution de ce segment où la polyvalence est le maître mot, l'Escape arrache la victoire en raison de sa plus grande homogénéité d'ensemble. On l'aurait souhaité plus économique encore, ce à quoi Ford aura tôt fait de répliquer qu'il est aussi offert en version hybride...

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay, collaborateur au cahier L'Auto, ainsi que Claude Rémillard, pour leur contribution à la réalisation de ce match.