Si on tombe en pâmoison devant la GTB Fiorano 599 et qu'on vendrait son âme au diable pour rouler dans la F430, la 612 Scaglietti, qui arbore aussi l'emblème jaune du cheval cabré, ne suscite pas tout à fait les mêmes émotions. Affligé d'un poids très conséquent, d'un prix prodigieux et de dimensions qui excluent d'emblée toute velléité de maniabilité, ce coupé GT 2+2 n'a pas non plus la même présence sur la route que ses congénères.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, l'utilisation du nom Scaglietti est un hommage à un carrossier célèbre qui savait marteler l'aluminium mieux que quiconque et qui réalisa de petits chefs-d'oeuvre pour la maison de Maranello. Un tel nom peut prêter à confusion, mais c'est bel et bien Pininfarina qui dessine encore et toujours les Ferrari modernes, même si la 612 n'est pas sa plus grande réussite.

Cela n'a pas empêché le maître à penser du Cirque du Soleil, le génial Guy Laliberté, d'en ajouter une à sa collection, probablement comme voiture « familiale ». Avec sa peinture bicolore (noir-bourgogne), ses sièges avec coutures contrastantes et quelques autres accessoires personnalisés, cette 612 est unique, tout comme son prix.

MANIABILITÉ ÉTONNANTE

Cela dit, la moins répandue des Ferrari ne signifie pas nécessairement qu'on est en face d'une quantité négligeable. J'ai insisté pour en faire l'essai l'été dernier à Mont-Tremblant et je suis revenu de cette balade laurentienne avec une opinion différente de ce que j'aurais cru de prime abord.

Même avec le poids de deux passagers en sus des deux tonnes qu'accuse la 612, celle-ci ne souffre pas indûment de son embonpoint et, sans être un parangon d'agilité, elle n'est pas aussi démunie qu'on pourrait le croire en agglomération urbaine. Il faut dire qu'avec 540 chevaux sous le pied et 434 livres-pieds de couple, on a tôt fait de déjouer à peu près toutes les embûches.

Le moteur de 5,7 litres est monté en position centrale avant, ce qui signifie qu'il repose directement sur l'essieu avant et non pas partiellement en porte-à-faux. Il en découle une belle harmonie dans l'équilibre des masses qui garde la voiture solidement rivée au sol.

BAISSEZ LA FENÊTRE PREGO

Présenté comme un quatre places, ce coupé peut accueillir deux passagers à l'arrière sans que ceux-ci crient délivrance. Le moteur, si on prend soin d'ouvrir une fenêtre, nous fait découvrir cette mélodie exquise qui est le propre de tous les V12 de la marque.

En revanche, en roulant, le bruit est tamisé, pour ne pas dire imperceptible, en raison d'un habitacle peut-être trop insonorisé, même si la 612 tient à mettre en valeur des qualités de confort peu courantes dans cette catégorie de voitures. Cela ne vous empêchera pas de sprinter de 0 à 100 km/h sous les 5 secondes tout en ayant le loisir de rouler à plus de 310 km/h.

En voilà assez pour faire la manchette des journaux ! Un inventaire rapide de l'aménagement intérieur permet d'admirer la qualité du cuir beige clair qui tapissait les sièges et la plupart des surfaces visibles de l'habitacle de notre voiture d'essai bleue.

Le tableau de bord est dominé à gauche par l'indicateur de vitesse et le compte-tours ainsi que par un écran carré réunissant la plupart des informations essentielles au conducteur. L'an dernier, cette Ferrari a fait l'objet d'une légère révision portant avant tout sur les réglages mécaniques. On peut notamment se prévaloir désormais de freins en céramique et carbone et d'une transmission semiautomatique de type F1 avec palettes sous le volant et, surtout, la petite montée en régime au moment de rétrograder. Il en résulte des passages de vitesses moins brusques. Un manettino permet également de modifier les divers paramètres de la voiture pour une conduite plus sportive ou si on désire rouler sur un circuit.

Une boîte manuelle à six rapports est aussi offerte, mais rarement demandée. Pour rassurer les sceptiques, précisons que les Ferrari actuelles sont beaucoup plus fiables qu'elles l'étaient au temps des 328, une époque où n'importe quel Office de la protection du consommateur l'aurait décrite comme « peu recommandable ».

Personnellement, j'ai trouvé la direction à assistance variable un brin trop légère à basse vitesse. Quant au comportement routier, il est, disons, rassurant, surtout depuis que la 612 Scaglietti est devenue la première Ferrari à offrir une suspension active avec un dispositif automatique de contrôle de la stabilité.

Ne criez pas au scandale et sachez qu'il est au moins réglé pour intervenir tardivement, à un moment où la sortie de route est imminente. Je conclurai en disant que même si la 612 est le numéro négligé de la famille Ferrari, je serais prêt à m'en contenter n'importe quand.

Cet essai est tiré du livre L'auto 2009, disponible à La librairie.

Ferrari Scaglietti 2009

Couverture du livre L'Auto 2009 des éditions La Presse.