Que ce soit à Detroit ou à Montréal, y'a-t-il quelque chose de plus affriolant dans un salon automobile, que ces étincelants prototypes rebaptisés depuis quelque temps du barbarisme éhonté de «voitures concept».

On les admire, en véritable pâmoison devant ces belles de salon. Car, ce ne sont bien souvent que cela, des études de style élaborées pour en mettre plein la vue au lieu de préfigurer un certain progrès technique. D'ailleurs, quand on gratte la peinture, on se rend compte rapidement que l'on a affaire à des assemblages hâtifs de pièces de fortune qui ont toute la solidité d'une pyramide de cures dent prête à s'effondrer au premier éternuement. Je n'oublierai jamais le prototype de la Toyota Matrix qui nous avait été confié pour une séance de photos et qui s'accompagnait d'une liste de précautions à rendre sceptique le plus convaincu des admirateurs de la marque japonaise.Il était écrit notamment de ne pas toucher à la calandre en ouvrant le capot, de ne pas appuyer trop longtemps sur la pédale de frein au risque de détruire les étriers ou encore ne pas tourner excessivement le volant.

Et ce n'est pas tout! Parmi les autres recommandations qui accompagnaient celle-ci, mentionnons l'interdiction de conduite le véhicule à plus de 30 km/h, la nécessité de ne pas allumer phares pour ne pas faire fondre les lentilles qui les recouvrent et de me pas s'asseoir sur les sièges.

Des voitures expérimentales

Bref, tout ce qui brille n'est pas or. Il y a aussi les prototypes qui en sont au stade du « mulet », c'est-à-dire qu'ils servent à l'évaluation de certaines composantes destinées à la version définitive du produit. Par exemple, j'ai eu le privilège de conduire ce qui devait devenir la Pontiac Solstice dans sa version de « test mule ». Encore là, on a l'impression que ces squelettes d'automobiles sont fabriqués avec de la broche et de la ficelle tellement on porte peu attention à certains détails, sans doute superflus aux yeux des ingénieurs. Le tableau de bord dudit Solstice ressemblait à celui d'une voiture artisanale gauchement exécutée et sans aucune espèce de soin particulier.

Vous avez sans doute vu aussi à l'occasion des articles de journaux ou de magazines censés décrire un essai routier de ces modèles de rêve. Or, pendant toute ma carrière, jamais je n'ai aussi désillusionné que lors de la prise en main de l'un de ces véhicules. On comprend d'ailleurs très vite pourquoi il nous est interdit de dépasser les 60 km/h et qu'il n'y a vraiment aucune information crédible à tiré de la conduite de ces engins de recherche. Cette tâche incombe avant tout à des ordinateurs et à tous ces capteurs logés çà et là afin d'informer les concepteurs du comportement de certains aspects du véhicule.

Tout cela pour vous dire que la prochaine fois que vous verrez un de ces flamboyants prototypes dans un salon de l'auto, sachez qu'il ne faut surtout pas fier aux apparences et que les voitures concepts sont loin de pouvoir offrir les performances décrites par les constructeurs. Ce ne sont finalement que des visions approximatives de l'avenir, dont plus de 90 %, après avoir brillé sous les feux de la rampe, termineront leurs jours en accumulant la poussière dans le fond d'un entrepôt.