Les péages sont à la mode. On en parle pour les ponts de la 30 et de la 25, voire pour tous les ponts de Montréal. À Toronto, l'autoroute privée 407 fait couler beaucoup d'encre à cause de ses hausses répétées de tarifs.

À la base de cet engouement pour les péages, on retrouve la technologie des transpondeurs, qui permet aux conducteurs de payer leur dû sans s'arrêter complètement, et parfois même en gardant leur vitesse de croisière, comme sur la 407. Et l'un des deux acteurs nord-américains dans ce domaine est une compagnie torontoise, Mark IV.

«Le marché est vraiment divisé en deux», explique Martin Capper, le président de Mark IV, en entrevue dans ses bureaux de la banlieue nord de la Ville reine. «Nous avons eu la chance d'avoir dès 1994 le contrat du système EZ Pass, qui regroupe maintenant 23 systèmes de péages dans 12 États américains.» Les Québécois qui se rendent en voiture à New York connaissent ce système: plusieurs ponts à péage de la métropole des États-Unis sont munis de guichets qui permettent aux détenteurs de transpondeurs EZ Pass d'éviter les files d'attente.

Mark IV était au départ un fabricant de transpondeurs génériques. Durant les années 80, l'entreprise a commencé à s'intéresser au marché des camions, qui commençait alors à entrevoir que les transpondeurs permettraient aux sociétés de camionnage respectueuses des règles d'éviter les stations de pesage. Le contrat d'EZ Pass a complètement chambardé son plan d'affaires.

«Il y a maintenant 16 millions de transpondeurs EZ Pass en circulation; ils sont acceptés dans 3000 endroits, dit M. Capper. Les trois quarts des usagers de ces péages utilisent EZ Pass, ce qui correspond à la tendance mondiale sur les routes à péages. Le seul endroit où la proportion d'usagers abonnés est beaucoup inférieure est la France. C'est probablement parce que c'est un pays de tradition socialiste, où les entreprises hésitent à recourir à l'automatisation de peur d'avoir à mettre à pied des préposés aux péages.»

La montée des transpondeurs a poussé le gouvernement américain à commander une étude sur l'uniformisation des technologies. «Concrètement, il n'y a pas beaucoup de camionneurs, et encore moins d'automobilistes, qui passent d'un système à l'autre. Les zones sont très bien délimitées: le Nord-Est, la Floride, le Texas, la Californie. Mais bon, être capable d'interopérabilité, c'est un avantage. C'est l'une des raisons qui nous ont fait gagner le contrat pour la 407 à Toronto.»

L'une des limites de la rentabilité de l'interopérabilité est justement le faible nombre d'automobilistes des États et provinces éloignés. Seuls les automobilistes de l'Ontario, du Québec et de la Nouvelle-Écosse reçoivent des factures de Toronto, parce que les automobilistes des autres provinces sont trop peu nombreux pour justifier les coûts des démarches auprès des autorités locales.

N'empêche, M. Capper rêve d'«un transpondeur par voiture», installé dès la fabrication. «Il n'y a pas de bonne raison de ne pas avoir cette technologie dans chaque voiture. Il restera à chaque automobiliste de décider s'il s'abonne à son réseau de péage local ou non, mais il n'y a aucun désavantage.»

Curieusement, les partisans du péage électronique ne misent pas beaucoup sur les risques d'accidents dans les péages à monnaie. «Oui, c'est vrai qu'en théorie il y a plus de risques d'accidents à cause de la présence de préposés et des accélérations et décélérations plus importantes, dit M. Capper. Mais il faut se souvenir que les accidents aux péages sont extrêmement rares, parce que les gens savent que c'est un endroit où il faut faire attention. La mort d'un préposé dans un accident, au Massachusetts, dans les années 80, a justement précipité l'abandon des péages par cet État. Depuis le retour des péages, les autorités savent qu'il faut faire très attention afin d'en préserver la légitimité.»