Pour mieux assurer ses assises, le Dr Brown entame maintenant une étude prospective. Il est en train de recruter quelques centaines d’automobilistes condamnés une seule fois pour conduite en état d’ébriété. Il les suivra pendant quelques années, et vérifiera si leur taux initial de cortisol prédit leur risque de récidive. En parallèle, il termine une étude sur le profil cognitif des récidivistes de l’alcool au volant. Des résultats préliminaires laissent entrevoir qu’ils auraient des difficultés cognitives. Sur la base de ses travaux, le Dr Brown a mis au point une «thérapie motivationnelle» qu’il est en train de tester.

Un tableau émerge donc: les récidivistes ont des difficultés cognitives qui inhibent l’apprentissage. De plus, ils ont de la difficulté à gérer le stress, ce qui les pousse à oublier les expériences désagréables. Pour eux, chaque condamnation pour conduite en état d’ébriété est une expérience inédite.

«Le cortisol est une substance très peu spécifique, dit le Dr Brown. Elle est associée à l’agressivité, la schizophrénie, le manque d’empathie, des problèmes cognitifs, des difficultés d’apprentissage, la capacité de gérer le stress. Or, beaucoup de ces caractéristiques se retrouvent chez les automobilistes condamnés plusieurs fois pour conduite en état d’ébriété.»

Dans l’échantillon, le taux de cortisol prédisait mieux le nombre de condamnations que l’agressivité, l’alcoolisme ou les tendances antisociales, d’autres mesures couramment utilisées par les spécialistes de l’alcool au volant.

Pour autant, le Dr Brown ne pense pas que le cortisol devrait être inclus dans le processus judiciaire. «Il y a beaucoup de variations du taux de cortisol au fil de la journée, explique-t-il. Mais je pense que l’étude du cortisol nous aidera à diminuer le taux de récidive. Si on comprend mieux les processus mentaux des récidivistes, on pourra mieux cibler nos interventions.»

Ces dernières années, Thomas Brown a analysé la salive d’automobilistes qui ont été condamnés plusieurs fois pour conduite en état d’ébriété. Les résultats du psychiatre de l’hôpital Douglas laissent entrevoir que l’image du chauffard alcoolique psychopathe n’est pas conforme à la réalité: en fait, les récidivistes de l’alcool au volant pourraient simplement avoir des difficultés d’apprentissage.

«Être arrêté pour conduite en état d’ébriété est particulièrement stressant, explique le Dr Brown. Les émotions que l’on ressent à ce moment nous poussent généralement à éviter que cela se reproduise. Les récidivistes ne semblent pas être capables d’un tel apprentissage. Les expériences désagréables ne s’inscrivent pas dans leur mémoire.»

Le Dr Brown a mesuré le taux de cortisol, une hormone produite par des zones du cerveau liées au stress et aux automatismes, dans la salive de ses 104 cobayes, tous des hommes condamnés au moins une fois pour alcool au volant dans les cinq dernières années. Le taux de cortisol était moins élevé chez les récidivistes.