Le sujet, longtemps ignoré des autorités gouvernementales et des constructeurs automobiles, figurent plus que jamais à leur agenda. Tant mieux. Le problème posé par la capacité des personnes âgées à continuer à prendre le volant devient prioritaire. Ce qui me réjouit, car demain, je serai vieux et si on m’enlève mon permis, autant me mettre directement dans un trou!

Elle sera rassurée en consultant le dossier de notre collègue Sébastien Templier publié en page 23. Michel Willett, conseiller en sécurité routière à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), est d’avis, lui aussi, que les accidents mortels concernent d’abord les 15–24 ans, de très loin les plus à risque. À bicyclette, à scooter, à moto ou en voiture, la route tue d’abord des jeunes. Le vieillissement de la population risque toutefois de modifier cette statistique à moyen et long terme. Les personnes âgées, elles, font souvent les mêmes trajets et ont peur de changer d’itinéraires. Quand elles sont perdues, c’est là qu’elles commettent des fautes. Les aînés ont moins d’accidents de circulation que les jeunes. Mais lorsqu’ils sont impliqués dans un carambolage, c’est plus grave. En général, ce ne sont pas des chocs frontaux, parce qu’ils ne prennent pas de risques pour dépasser. Les collisions ont plutôt lieu lors des changements de direction, parce qu’ils prennent la décision trop rapidement, qu’ils sont moins mobiles et regardent moins autour d’eux. Les jeunes conducteurs se tuent le plus souvent le week-end, la nuit, sur une courbe et sans accrocher d’autre véhicule.

D’où vient alors la méfiance qui fait des aînés au volant de vrais dangers publics? Celle-ci est en effet bien ancrée dans la plupart des pays industrialisés. Canada compris. Sans doute, faut-il reconnaître que l’aptitude à conduire est bel et bien diminuée par les effets du vieillissement physiologique. Dès 50 ans, l’acuité visuelle diminue, le champ visuel rétrécit, la luminosité, les contrastes et les couleurs se modifient. En même temps, la qualité de l’ouïe (le deuxième sens le plus sollicité par la conduite automobile) faiblit, les réflexes sont ralentis, des maladies surviennent. Un syndrome d’Alzheimer dans une phase précoce non diagnostiquée peut avoir des conséquences désastreuses. En outre, certains médicaments qui accompagnent les petits maux du vieillissement peuvent induire des risques.

Au-delà de ces considérations, les conditions de la conduite automobile ne cessent de changer. Les conditions de circulation ont évolué. Il y a plus de circulation sur les routes, de plus en plus d’autoroutes, des sens giratoires... Ces modifications ne sont pas toujours bien intégrées par les conducteurs âgés.

Au XXIe siècle, une personne âgée de 70 ans ne peut plus être considérée comme vieille. Elle vit pleinement et conduit sa voiture de plus en plus souvent. Il est impossible de nier qu’avec l’âge, le risque d’accident augmente. Le problème est que la définition de personne âgée devient de plus en plus difficile à établir. Ne sommes-nous pas tous inégaux devant l’âge?

Dans la jungle de la circulation routière, on peut faire toutes sortes de mauvaises rencontres: des jeunes gens imbibés au dernier degré, des retraités myopes comme des taupes ou des quadragénaires psychotiques persuadés que Dieu conduit à leur place.

«Il ne manquerait plus qu’on m’empêche de conduire ma voiture du fait de mon âge!» s’indigne Alma, 86 ans, qui ne saurait se passer de sa Chrysler New Yorker, une marque à laquelle elle est fidèle depuis toujours. Cette automobile est la garantie de son autonomie, autant que de sa liberté de femme. Alma a obtenu son permis à une époque où l’homme au volant était roi. Et elle ne pense pas être plus dangereuse que les jeunes gens qu’elle croise entre Valleyfield et Saint-Lazare, où elle se rend une fois par semaine. Surtout le samedi soir, lorsqu’ils sortent éméchés des bars, précise-t-elle.