Une des vedettes de la récente vente aux enchères Gooding & Company de Pebble Beach, en Californie, la «doyenne de l'automobile», est donc née en 1884, soit environ un an avant que les Allemands Gottlieb Daimler et Karl Benz ne construisent, indépendamment l'un de l'autre, leurs premières voitures expérimentales animées par un moteur à essence. Et 12 ans avant la première création d'Henry Ford.

Une des vedettes de la récente vente aux enchères Gooding & Company de Pebble Beach, en Californie, la «doyenne de l'automobile», est donc née en 1884, soit environ un an avant que les Allemands Gottlieb Daimler et Karl Benz ne construisent, indépendamment l'un de l'autre, leurs premières voitures expérimentales animées par un moteur à essence. Et 12 ans avant la première création d'Henry Ford.

Un an auparavant, en 1883, le comte Albert De Dion de Malfiance, un riche play-boy français, son mécanicien Georges-Thadée Bouton et son beau-frère Charles Trépardoux construisent un tricycle à vapeur qui atteint presque 60 km/h. Quant à la Marquise, ainsi surnommée en l'honneur de la marquise De Dion, mère du comte, il s'agit d'un quadricycle animé par un moteur bicylindre à vapeur alimenté au papier, au bois et au charbon et qui a besoin d'une petite demi-heure pour atteindre la chaleur nécessaire à la production de la vapeur. La transmission aux roues avant se fait par courroie à patinage réglé. Quant aux roues directrices, plus petites et plus rapprochées, elles sont à l'arrière et commandées par un manche semblable à un gouvernail.

Cette mécanique, pour le moins rudimentaire, autorise quand même des «performances» surprenantes, soit 60 km/h en vitesse de pointe. Une vitesse trop élevée, selon les experts qui ont testé la voiture, compte tenu de sa tenue de route plutôt douteuse. David Gooding, fondateur de la maison d'encans, confirme: «On a l'impression de rouler à 140 km/h...»

Précisons que la Marquise est démunie de suspension et roule sur des roues en acier bandées de caoutchouc dur... Âmes sensibles et dos fragiles, s'abstenir. Rappelons que le pneumatique est né quelques années plus tard, en Angleterre (Dunlop, 1888).

Le démon de la vitesse

Lors d'une course-démonstration en 1887, la Marquise parcourt 30 km à une moyenne de 40 km/h. L'année suivante, elle remporte «la première course automobile de l'histoire», devant un tricycle à vapeur De Dion-Bouton. Déjà, le démon de la vitesse!

Autant innovateur que visionnaire, De Dion parvient à convaincre Georges Bouton du potentiel du moteur à essence. Mais Charles Trépardoux, créateur du célèbre essieu arrière De Dion, encore utilisé de nos jours, reste fidèle à la machine à vapeur et se sépare du duo. Nous savons aujourd'hui que l'Histoire donnera raison au play-boy aristocrate.

Mais revenons à la Marquise que vous voyez sur la photo ci-jointe couverte d'un délicat parasol. Vous pouvez aussi l'admirer en action sur le site goodingco.com/clips/de_dion/. Cette amusante vidéo illustre éloquemment la circulation déjà abondante des voitures à chevaux au XIXe siècle. Elle vous permettra aussi d'écouter les explications fournies par Tim Moore, de Cambridge, en Angleterre, ex-propriétaire de la Marquise qui n'a eu que deux autres propriétaires avant lui, dont le comte Albert. Sans doute trop triste de se séparer de sa «belle vaporeuse» de 123 ans, Moore n'a pas assisté à l'encan. Gageons qu'il s'est néanmoins consolé à l'idée de recevoir le chèque de quelques millions, surtout quand on sait qu'il a acheté la Marquise en 1987 pour environ 90 000$. Un rendement de plus de 3800% en 20 ans. Fumant, n'est-ce pas?

La valse des millions

À ce propos, la Marquise a été évaluée par Gooding & Company entre 1,5 et 2 millions US, sans doute en se basant sur la De Dion 1890 qui s'est vendue chez Christie's, à Paris, en février dernier pour 929 773$. À la différence que la plus jeune des De Dion n'était pas fonctionnelle.

En ce week-end d'encan californien où l'on a réalisé des ventes de 60 millions US, plusieurs merveilles automobiles sont venues s'ajouter à la vieille française. Parmi les voitures les plus prisées, citons la Bentley 1931 à compresseur de la collection E. Ann Klein (4,51 millions US), une Ferrari 250 GT LWB California Spyder 1959 (4,45 millions US), une Ferrari 365 GTS/4 Daytona Spyder 1973 (2 millions US) et un coupé Ferrari 410 Superamerica 1957 (1,32 million US). Le marteau de l'encanteur est aussi tombé sur une remarquable collection de 15 Rolls-Royce appartenant à Richard J. Solove. Cette vente a généré la somme de 14,3 millions US, qui a été offerte au Arthur G. James Cancer Hospital de la Ohio State University, pour lui permettre de poursuivre ses recherches.

La prochaine fois que vous tournerez la clé de contact de votre voiture bardée d'électronique, pensez à la Marquise De Dion-Bouton et Trépardoux à vapeur, question de mieux apprécier les progrès réalisés par l'automobile en 123 ans.