Les vitres, les moulures en acier inoxydable et les chromes sont impeccables; seuls les bourrelets en caoutchouc autour des portes commencent à craquer, tandis que les pneus à flancs blancs sont encore très blancs. Sous l'immense capot, se tapit un 8 cylindres en ligne de 324 pouces cubes (5,3 litres) couplé à une boîte manuelle à trois vitesses.

Les vitres, les moulures en acier inoxydable et les chromes sont impeccables; seuls les bourrelets en caoutchouc autour des portes commencent à craquer, tandis que les pneus à flancs blancs sont encore très blancs. Sous l'immense capot, se tapit un 8 cylindres en ligne de 324 pouces cubes (5,3 litres) couplé à une boîte manuelle à trois vitesses.

Probablement l'exemplaire le plus parfait au monde que cette Chrysler Newport Town & Country 1950, une voiture non restaurée et jamais immatriculée, l'une des 700 construites et l'une des dernières Chrysler à flancs garnis de bois véritable. Vendue 167 750$ en mars dernier, en Floride. «Un prix d'aubaine pour une voiture aussi exclusive et en si bon état original», selon le très sérieux Sports Car Market.

L'art du menuisier

Les modèles Town & Country à flancs en bois font partie de la gamme d'après-guerre de Chrysler. Soigneusement taillées et superbement finies, ces boiseries en excellent état de conservation sont le reflet d'une époque qui permettait aux carrossiers ébénistes d'exercer leur art en toute quiétude. Communément et affectueusement surnommés «woody», ces modèles connaissent un grand succès auprès du public, mais leur production artisanale se traduit par plusieurs mois d'attente.

Cette brève époque prend fin en 1950 avec l'avènement de la production en très grande série et la quasi-disparition des voitures faites à la main. On dit d'ailleurs que Chrysler perdait de l'argent avec ces voitures à cause du coût élevé de la confection à la main des belles structures en bois.

C'est donc en 1950 que Chrysler présente les dernières Town & Country sous la forme d'un coupé deux portes Newport, le seul coupé à toit en acier et boiseries sculptées garnissant les flancs et le pourtour du coffre de la voiture.

Des freins à disque

Outre le fiable 8 cylindres en ligne et sa boîte manuelle à trois vitesses commandée par levier sur colonne de direction, la partie mécanique de cette classique Chrysler se distingue par la présence de quatre freins à disque. Oui, des freins à disque! Près de deux ans avant les célèbres Jaguar Type C qui se sont si brillamment illustrées aux 24 Heures de Mans, justement, grâce à leurs freins à disque. Mais sur les freins Chrysler, une invention attribuée à un certain H.L. Lambert, c'est le disque qui porte les plaquettes et le freinage s'effectue lorsque les deux disques de chaque frein s'écartent et frottent contre les voiles du tambour. Livrable sur les autres modèles Chrysler moyennant un supplément de 400$ (considérable à l'époque), cette option fut hélas boudée par le public et abandonnée.

Sur les 700 exemplaires construits en 1950, 77 voitures auraient survécu à ce jour, et cette rareté, doublée de la beauté esthétique et des innovations techniques, explique l'intérêt que portent les collectionneurs à ces charmants «woody».

Précisons que le premier modèle baptisé Town & Country est présenté par Chrysler en 1941 sous la forme d'une familiale de luxe destinée aux automobilistes nantis. Ces premiers modèles se distinguent par leur hayon arrière à deux battants en forme de coquille et à charnières extérieures et trois rangées de banquettes dont la dernière peut se rabattre vers l'avant pour dégager l'espace de chargement ou reculer pour offrir plus de dégagement aux jambes des occupants. Cet ancêtre des grands utilitaires sport modernes pouvait, selon les versions, accueillir six ou neuf occupants.

Le thème Town & Country qui se poursuit aujourd'hui est réservé aux fourgonnettes haut de gamme de Chrysler, mais il a servi brièvement en 1983 pour un cabriolet confectionné sur base de K-Car. Hélas, les belles boiseries ont cédé la place aux pâles imitations en plastique «véritable». Il paraît qu'on appelle ça le progrès.

Courriel Pour joindre notre chroniqueur alain.raymond@lapresse.ca

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