Hausser la limite de vitesse sur les autoroutes peut diminuer le nombre d'accidents. Telle est la conclusion iconoclaste d'une étude d'un urgentologue de l'Université de New York à Buffalo.

Hausser la limite de vitesse sur les autoroutes peut diminuer le nombre d'accidents. Telle est la conclusion iconoclaste d'une étude d'un urgentologue de l'Université de New York à Buffalo.

L'urgentologue Dietrich Jehle a étudié les autoroutes de son État entre 1992 et 1998. En 1995, la limite de vitesse y a grimpé de 55 à 65 milles à l'heure (88 à 104 km/h).

Tout d'abord, le Dr Jehle a relevé que la proportion d'automobilistes voyageant à plus de 16 km/h au-delà de la limite a diminué de quatre fois, de 39% à 8%. Ensuite, il a calculé que le nombre de morts sur les autoroutes à 104 km/h a diminué 52% plus rapidement que sur les routes où la vitesse n'avait pas changé. Et ce, même s'il tenait compte de la fréquentation accrue des routes durant cette période.

Les délinquants

«Les autoroutes sont conçues pour une vitesse de 120 à 130 km/h, explique le Dr Jehle. Il y aura toujours des gens qui vont à la vitesse maximale de conception, parce qu'ils sont délinquants, ou parce qu'ils ne regardent pas souvent leur indicateur de vitesse. Si la vitesse moyenne du trafic est proche de la vitesse de conception, il y aura moins de différence entre la vitesse des différentes voitures. Donc, moins de dépassements, moins de freinages, moins d'accélérations.»

Plus une voiture va vite, plus ses occupants risquent de mourir s'il y a un accident. Mais quand la vitesse limite est proche de la vitesse de conception, il y a beaucoup moins de risque d'accident, selon le Dr Jehle. Donc, la mortalité routière diminue.

«Mes chiffres montrent que la diminution est particulièrement importante pour les plaines. Dans les montagnes, la mortalité a augmenté entre 1992 et 1998, parce que la vitesse de conception est moins élevée. Le risque d'accident n'impliquant qu'un véhicule, dans une sortie de route, est plus élevé si la limite s'approche de la vitesse de conception.»

15 ans d'études

Les conclusions du Dr Jehle s'ajoutent à une quinzaine d'années d'études sur le sujet. Entre 1973 et 1987, le gouvernement fédéral américain a imposé à tous les États une limite de 88 km/h, dans le cadre des programmes d'économie d'énergie. De nombreuses études ont rapporté que l'augmentation de la limite accroissait le nombre d'accidents mortels; d'autres sont arrivées à un résultat similaire au Dr Jehle.

«L'une des principales forces de l'étude du Dr Jehle est d'avoir suivi les tendances de mortalité pendant trois ans avant et trois ans après», explique l'urgentologue Samuel Bartle, du Collège médical de Virginie, qui a publié en 2003 une étude sur l'augmentation de la limite de vitesse à 70 milles à l'heure dans les États du sud-est. «En général, les études similaires comprennent plusieurs années de données avant l'augmentation de la limite, et une seule année après l'augmentation. J'ai observé que l'augmentation de la mortalité dans l'année suivant l'augmentation de la limite n'est que temporaire.»

Comportements

Cette observation est confirmée par une étude de l'Université de l'Arkansas, qui expliquait en mars dernier que l'augmentation de la limite change plus ou moins rapidement le comportement des automobilistes. «Certains en profitent immédiatement pour aller plus vite, et d'autres augmentent lentement leur vitesse pour s'approcher de la limite, explique Steven Johnson, l'ingénieur industriel qui a fait l'étude pour le compte du gouvernement américain. Durant cette période de transition, la gamme de vitesse est plus grande. Cela explique l'augmentation de la mortalité dans l'année suivant l'augmentation de la limite.»

L'ingénieur Johnson a aussi relevé que les automobilistes suivent davantage les limites plus élevées: 31% respectent la limite de 112 km/h (70 m/h), contre 7% pour une limite de 104 km/h. La vitesse moyenne augmente éventuellement d'un à deux kilomètres à l'heure, de 117 à 119 km/h. Par contre, la pollution augmente: chaque augmentation de vitesse de 8 km/h, la consommation d'essence augmente de 0,3 litre au 100 km, selon une étude de 2003 citée par M. Johnson. L'ingénieur de l'Arkansas estime toutefois que s'il y a moins de différence entre les vitesses des voitures, il y aura moins de freinage et d'accélération, et donc une consommation d'essence moindre.

Pour joindre notre journaliste : mathieu.perreault@lapresse.ca