Les conducteurs de véhicules lourds devront bientôt s'imposer plus d'heures de repos avant de prendre le volant.

Les conducteurs de véhicules lourds devront bientôt s'imposer plus d'heures de repos avant de prendre le volant.

Québec entend en effet instaurer dès le printemps de nouvelles règles destinées à combattre la fatigue au volant chez les conducteurs professionnels que sont les camionneurs et les chauffeurs d'autobus. Des règles qu'adopteront également toutes les provinces canadiennes.

La fatigue est montrée du doigt dans 19 % des accidents et dans 30 à 40 % des accidents mortels impliquant un véhicule lourd. Il y a quelques semaines à peine, un coroner l'identifiait comme la cause de la mort d'un camionneur de 27 ans à Rimouski en novembre 2005. Il n'avait dormi que quatre heures dans les 30 heures précédant l'accident.

Le gros morceau du règlement préparé par la Société de l'assurance automobile du Québec est l'imposition d'une limite de 16 heures - et non 18 comme le souhaitait au départ l'industrie - après lesquelles les camionneurs ne pourront plus conduire. De plus, 10 heures de repos seront obligatoires quotidiennement au lieu de huit. Un camionneur ne pourra plus travailler plus de 13 heures en 24 heures.

Comme un verre de bière

La règlementation actuelle est vieille de 30 ans. Depuis, les connaissances sur les effets de la fatigue ont beaucoup évolué, explique Alain Turcotte, chef du service de la sécurité du transport routier et de l'ingénierie des véhicules à la SAAQ. «On constate qu'après 16 heures d'éveil, une personne commence à perdre de ses capacités intellectuelles. On commence à avoir l'équivalent d'un verre de bière.»

Ottawa et les provinces sont arrivés à un consensus sur les nouvelles règles il y a un an, mais avaient décidé de ne les imposer qu'en 2007. La SAAQ a prépublié cette semaine son projet de règlement en vue de l'implanter au début de mars. Une période de grâce de six mois sera ensuite donnée à l'industrie avant que les contrôleurs routiers ne sévissent.

Les ministres des Transports du Canada attendent également des recommandations en 2007 sur la possibilité d'imposer des ordinateurs de bord dans les camions. Tant pour conserver de façon encore plus fiable les registres d'heures de travail qu'afin de recourir à d'éventuels gadgets : sonneries, vibrations, courant électrique pour tirer les chauffeurs de la somnolence.

Ces technologies seront d'ailleurs testées par la SAAQ dans le contexte d'une expérience sur la fatigue visant aussi l'Alberta et la Californie. Pendant quatre mois, dès avril, 120 chauffeurs vont être suivis de près. «On va enregistrer leur pouls, leurs clignements d'yeux, s'ils dodelinent de la tête, explique M. Turcotte. Tout va être répertorié.»

L'industrie du camionnage se montre de son côté résignée aux nouvelles règles. «La pilule est avalée», lance le PDG de l'Association du camionnage, Marc Cadieux. «Là où le bât blesse, c'est que les entreprises nous disent : "On est encore pris à former notre monde." (...) L'industrie est constamment interpellée par de la nouvelle réglementation.»