La question est posée : «Sommes-nous de bons conducteurs?» À voir les statistiques rendues publiques par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) la semaine dernière, il y a lieu d'en douter. Le nombre de décès sur nos routes n'a jamais été aussi élevé. On estime que 721 personnes auront trouvé la mort sur nos routes d'ici la fin de l'année. Ces statistiques deviennent obscènes quand les chiffres représentent tant de vies fauchées. On n'a pas vu un bilan aussi désastreux depuis celui de l'an 2000.

La question est posée : «Sommes-nous de bons conducteurs?» À voir les statistiques rendues publiques par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) la semaine dernière, il y a lieu d'en douter. Le nombre de décès sur nos routes n'a jamais été aussi élevé. On estime que 721 personnes auront trouvé la mort sur nos routes d'ici la fin de l'année. Ces statistiques deviennent obscènes quand les chiffres représentent tant de vies fauchées. On n'a pas vu un bilan aussi désastreux depuis celui de l'an 2000.

Doit-on maintenant craindre le pire des instances qui nous gouvernent, nous automobilistes? La SAAQ a beau jeu de relancer ses campagnes de prévention et inviter les forces de l'ordre à jouer les distributrices de contraventions. Dans cette perspective, il ne fait pratiquement plus de doute que le radar photo sera bientôt un objet familier le long de nos routes. Surtout qu'un sondage réalisé par la firme Léger Marketing pour le compte de la SAAQ démontre que 73 % des Québécois se disent favorables à son utilisation. Une autre donnée tirée de ce même sondage révèle que 84 % des personnes interrogées sont d'accord avec une intensification de la surveillance policière. Tout le monde est content : la SAAQ pourra sans doute boucler son budget plus facilement et la police pourra augmenter ses effectifs. Pas de problème, la population est d'accord!

Dans un domaine aussi grave et aussi sensible que la mortalité routière, la répression est-elle la seule solution? Il est permis d'en douter. Comment expliquer que le Québec déplore autant de décès sur ses routes? Pourquoi cette année et pas l'année dernière? Que s'est-il passé en 2006? Le caractère naturellement frondeur des automobilistes latins que nous sommes, le manque de civisme de plus en plus criant observé sur nos routes, et notre «tolérance» encore trop grande vis-à-vis de l'alcool au volant, sont des maux dont nous ne sommes pas encore guéris. Mais sommes-nous sur la bonne voie? Consciente des mauvaises nouvelles à l'horizon, la SAAQ a diffusé deux communiqués. Le premier souligne l'importante des excès de vitesse dans le bilan des décès - 150 morts et 7500 blessés à cause de la vitesse. Le second souligne l'hécatombe chez les jeunes de 16 à 24 ans, qui comptaient pour 10 % des conducteurs mais qui ont causé, en 2005, 23 % des accidents. Toujours le même disque usé.

Partout où il est utilisé, le cinémomètre a permis de réduire de manière significative le nombre de collisions causant des blessures graves ou mortelles. La présence de cinémomètres sur les routes du Québec permettrait-elle d'embellir notre bilan routier? Est-ce que poser la question, c'est vraiment y répondre?

Il est vrai que le cinémomètre représente un moyen efficace de réduire les accidents. On ne saurait nier qu'il s'agit aussi d'un moyen «égalitaire» de réprimer les excès de vitesse. Avec le cinémomètre, finie la tolérance pratiquée actuellement par les forces de l'ordre. La limite de 100 km/h ne sera plus une vue de l'esprit, quelque chose que personne ne respecte. Encore faut-il, cinémomètre ou pas, que la règle soit claire et acceptée par tous. Est-ce que cela signifie qu'une fois les cinémomètres en place, nous serons punis dès que nous passerons à 101 km/h plutôt qu'à 120 km/h, comme c'est généralement le casmaintenant?

Tout le monde ne manifeste pas un enthousiasme absolu à l'égard des cinémomètres. Certains se disent agacés par ce «nouvel instrument de répression» qui, selon eux, porte atteinte aux droits et libertés. En fait, le cinémomètre ne photographierait que la plaque d'immatriculation et non le conducteur. Conséquemment, la contravention serait acheminée au propriétaire du véhicule, qui n'est pas forcément le conducteur fautif. Le Protecteur du citoyen avait d'ailleurs déjà exprimé des réserves à ce sujet, soulignant que si cette mesure facilitait la vie du gouvernement, elle ne respectait pas les droits des propriétaires de véhicules.

On peut également se demander si le fait de traquer en priorité les excès de vitesse est la véritable solution à «l'insécurité routière», et si cela causera la négligence d'autres formes de violence routière également mortelles.

Certes, la vitesse est un facteur qui aggrave un accident. Mais le danger, sur la route, ne provient-il pas également d'une vitesse inadaptée, dans un sens large, aux conditions de la circulation (signalisation déficiente, état de la chaussée, météo, etc.)?

Depuis plus d'un quart de siècle, le trafic augmente sur nos routes et, globalement, la mortalité baisse, lentement mais sûrement. Jusqu'où cette tendance ira-t-elle? Nul ne peut répondre à la question. La conduite d'une automobile est une activité humaine, donc faillible. Dès lors, en ce domaine, la sécurité totale n'existe pas. Faut-il pour autant continuer de culpabiliser les automobilistes québécois et entretenir cette psychose de la route que cultivent les autorités? Les accidents de la route doivent-ils nous préoccuper plus que la délinquance, le cancer ou le sida?

Certains automobilistes aux tempes grises vous rappelleront l'époque où la vitesse n'était pas aussi contrôlée; quand la loi manquait de dents pour s'en prendre aux automobilistes qui circulaient avec plus d'alcool que de sang dans les veines; quand le port de la ceinture de sécurité n'était pas obligatoire et que les tests de collision n'existaient pas, ni les coussins de sécurité gonflables, les aides à la conduite (ABS, antipatinage, antidérapage, etc.), et quand la qualité d'un véhicule se mesurait à sa vitesse de pointe. Bref, ces automobilistes ont connu le pire : les années où la mort était postée aussi bien dans les virages que dans les lignes droites. Prendre la route constituait alors une aventure qui pouvait tourner au drame. Aujourd'hui, nous devrions être aussi vigilants sinon plus. Hélas, nous ne le sommes pas toujours! Mais avons-nous tous été correctement formés?

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