Le constructeur automobile américain Ford a annoncé jeudi qu'il envisageait de se séparer de la légendaire marque de voitures de sport britannique Aston Martin dans le cadre de son plan de restructuration engagé pour redresser sa situation.

Le constructeur automobile américain Ford a annoncé jeudi qu'il envisageait de se séparer de la légendaire marque de voitures de sport britannique Aston Martin dans le cadre de son plan de restructuration engagé pour redresser sa situation.

Le deuxième constructeur automobile américain, qui cherche les moyens de sortir de sa crise en Amérique du Nord, est resté assez prudent en annonçant sa décision, parlant d'«exploration des options stratégiques» pour Aston Martin.

Le groupe souhaite se défaire de l'ensemble ou de parties de cette marque synonyme de coupés sport raffinés, qu'il avait intégré dans son giron en 1986.

Cette annonce est une relative surprise. Plusieurs observateurs ont évoqué l'hypothèse de la cession d'une des marques les moins rentables de Ford pour faciliter sa restructuration en cours, citant Jaguar en premier lieu.

«Aston Martin disposant d'un réseau de distribution et de produits sensiblement différents, ce désengagement apparaît comme le plus logique», a expliqué jeudi le PDG Bill Ford pour justifier le choix de cette marque.

Une avis partagé par Brett Smith, analyste au Centre de recherche sur l'automobile (CAR), qui souligne que «cette marque est véritablement celle qui est la moins intégrée dans le groupe».

Faisant écho aux spéculations sur une cession de Jaguar, Ford a souligné n'avoir pris «aucune décision, car notre revue stratégique se poursuit».

«Nous sommes encouragés par les progrès de Jaguar mais aussi par la force et le pouvoir d'attraction des marques Jaguar, Land Rover et Volvo», a préféré souligner le groupe.

Le désengagement doit permettre à Ford «de lever des capitaux qui seront réinvestis dans nos autres marques». Le constructeur n'a pas indiqué le montant qu'il envisage de recueillir, et John Gardiner, porte-parole de Ford à Londres, a seulement indiqué que «plusieurs parties ont déjà manifesté leur intérêt».

Selon Brett Smith, «Ford risque d'obtenir moins que ce qu'il souhaite, car les acheteurs potentiels savent que Ford est en position de faiblesse».

Cette annonce intervient alors que Ford, mécontent des avancées de sa restructuration initiée en janvier, a annoncé en juillet vouloir présenter en septembre des mesures qui lui permettront d'accélérer son redressement.

Le constructeur de Dearborn (Michigan, nord), qui a accusé une perte nette de 1,45 milliard de dollars sur le premier semestre --après un bénéfice de 2,1 milliards sur l'ensemble de 2005--, prévoit pour l'heure la fermeture de plusieurs usines et la suppression de 30 000 emplois d'ici à 2012.

Le groupe a d'ores et déjà annoncé il y a deux semaines qu'il allait réduire sa production nord-américaine de 21% au quatrième trimestre pour répondre à la baisse des ventes de ses rentables 4x4, délaissés des consommateurs car trop gourmands en carburant.

Ford a refusé de commenter les spéculations sur les mesures additionnelles qu'il pourrait dévoiler en septembre.

Le marché et les médias évoquent notamment des suppressions d'emplois supplémentaires --la direction a rencontré mardi le syndicat de branche UAW--, et le retrait de Ford de la Bourse afin d'avoir les mains plus libres pour se restructurer.

Ford caresserait également un projet d'alliance avec le franco-japonais Renault-Nissan si les actuelles négociations entre ce dernier et l'américain General Motors (GM) devaient achopper.

Une cession d'une partie de la rentable division de services financiers Ford Motor Credit est également évoquée. Ford suivrait en cela l'exemple de GM, lui aussi en profonde crise, qui est en train de céder 51% de sa division financière GMAC pour 14 milliards.

Selon une source interne à Ford, un conseil d'administration va se tenir le 11 septembre, et une annonce sur de nouvelles mesures pourrait être faite «dans les jours qui suivent» cette réunion.

Une marque mythique

Aston Martin est une marque mythique qui s'est illustrée sur les circuits mais également au cinéma avec la série des James Bond.

Fondé en 1913 par Lionel Martin et Robert Bamford, la marque britannique a pris son nom actuel en 1915 après une série de victoires à la course de côte de Aston Hill.

Après une interruption de la production en raison de la Première Guerre mondiale, Aston Martin reprenait ses activités dans une usine située dans le quartier londonien de Kensington. Mais les années 1920 se révélèrent difficiles avec plusieurs faillites et changements de dirigeants, Robert Bamford quittant l'entreprise en 1920 et Lionel Martin en 1926.

Ce n'est qu'après la Deuxième Guerre mondiale qu'Aston Martin décolle vraiment sous la direction de David Brown qui prend le contrôle de la marque, la fusionnant avec Lagonda, qu'il possède déjà. Il installe l'usine à Newport Pagnell et donne aux voitures de la marque les célèbres initiales «DB».

Les modèles «DB4» (1958) et «DB5» (1963) rencontrent un grand succès et la «DB5» est immortalisée comme la voiture de James Bond, l'agent secret britannique, dans les premiers films de la série où son rôle est tenu par Sean Connery. Plus de 1000 exemplaires de la DB5 sont vendus dans les deux premières années de production.

La marque s'illustre également en course. Elle prend les deux premières places aux 24 Heures du Mans en 1959, le modèle «DBR1» permettant à Aston Martin de remporter le championnat du monde des marques la même année. Une voiture de ce modèle se vend aujourd'hui près de 10 millions de dollars sur le marché des collectionneurs.

Dans les années 1970, la marque passe sous le contrôle d'investisseurs américains qui poursuivent la production avec les modèles sports «Vantage» et «Volante» et même une berline de luxe reprenant le nom «Lagonda».

Mais le succès et la fiabilité ne sont pas toujours au rendez-vous et Ford prend 75% de la marque en 1986 (puis la totalité en 1993), apportant un soutien financier bienvenu. Les modèles «Virage» et DB7 consacrent le renouveau avec la construction d'une nouvelle usine à Gaydon.

Aujourd'hui, la marque dont l'emblème est une aile rappelant l'insigne porté par les aviateurs de la Royal Air Force, produit environ 4500 voitures par an. Elle a même dégagé un bénéfice en 2005 pour la première fois en 40 ans.