Le rêve américain de Carlos Ghosn, qui pourrait jeter son dévolu sur Ford après l'échec des négociations avec General Motors, laisse sceptiques les experts du secteur, au moment où Renault, confronté à une baisse de ses ventes en Europe, est engagé dans un ambitieux plan de relance.

Le rêve américain de Carlos Ghosn, qui pourrait jeter son dévolu sur Ford après l'échec des négociations avec General Motors, laisse sceptiques les experts du secteur, au moment où Renault, confronté à une baisse de ses ventes en Europe, est engagé dans un ambitieux plan de relance.

D'autant que la donne a changé avec l'arrivée récente aux commandes du deuxième constructeur automobile américain d'Alan Mulally, en remplacement de Bill Ford, qui semblait voir d'un bon oeil un rapprochement avec le tandem franco-japonais Renault-Nissan, présidé par Carlos Ghosn.

«Le nouveau dirigeant de Ford regardera probablement d'abord en interne pour voir comment il peut accélérer les mesures de restructuration, avant de se tourner vers un autre constructeur», a expliqué à l'AFP Emmanuel Bulle, analyste chez Fitch.

En proie à une grave crise financière, Ford doit mettre en oeuvre un vaste plan de restructuration annoncé à la mi-septembre qui prévoit la suppression d'un tiers de ses effectifs en Amérique du nord, soit 44 000 emplois, d'ici 2008.

Si, pour les analystes de Fideuram Wargny, la tentative avortée d'un rapprochement avec GM est «un échec pour Renault qui doit faire face à une chute brutale de ses ventes» en France, la rupture a été bien accueillie à la Bourse de Paris, où Renault montait vers 14H50 (8H50 à Montréal) de 1,68% à 90,75 euros (129,73 $ canadiens).

Même scénario au Japon, où les marchés ne cachaient pas leur soulagement, alors que Nissan a réitéré jeudi que la porte restait ouverte à un éventuel troisième partenaire nord-américain.

Pour le quotidien Nikkei, bible des milieux d'affaires japonais, Nissan ferait mieux de chercher à redresser ses ventes mondiales, en baisse de 6% sur la période avril-juin, plutôt que de courir le monde en quête d'un allié.

De son côté, Renault est confronté à une baisse de 9,6% de ses ventes depuis le début de l'année sur son marché principal, l'Europe de l'ouest. Sa part de marché y est passée en un an de 9,9% à 8,9%.

Pour relancer la machine grippée, Carlos Ghosn avait annoncé en février son plan «Contrat 2009»: sortie d'une série de nouveaux modèles à partir de 2007, augmentation des ventes de 800.000 véhicules en 2009 par rapport à 2005, notamment hors Europe, et doublement de la marge opérationnelle, à 6%.

En attendant, le titre Renault «est confronté aux risques liés à une stratégie mondiale irréaliste», juge Max Warburton, analyste chez UBS.

«La volonté affichée de Carlos Ghosn de nouer un partenariat avec un constructeur automobile américain nous paraît incompréhensible», mais il «ne semble pas vouloir en démordre», déplore-t-il.

Au lieu de Ford, Max Warburton verrait Carlos Ghosn se tourner plutôt vers une autre constructeur américain, Chrysler, dans la mesure où sa maison mère germano-américaine, DaimlerChrysler, «ne serait pas opposée à une cession de sa filiale».

Renault a déjà tenté à plusieurs reprises l'aventure américaine, essuyant à chaque fois des échecs. Si Nissan détient 6,1% du marché américain, les voitures au losange en sont absentes depuis près de 20 ans, malgré des percées ponctuelles à la fin des années 1950 puis au début des années 1980.

C'est la quête de synergies, en matière de plate-formes, achats de matières premières et composants, ainsi que de frais de recherche et développement, qui pourrait pousser Renault à franchir à nouveau l'Atlantique.

«Je ne pense pas que Renault veuille envahir le marché américain avec ses modèles», estime Emmanuel Bulle. «La principale motivation pour la recherche d'un partenaire, c'est d'accroître sa présence mondiale et de diminuer sa structure de coûts».