Qu’en sera-t-il cette année? L’histoire apporte un premier élément de réponse. À la suite des deux premiers chocs pétroliers (1973 et 1977), le président Jimmy Carter avait tenté de promouvoir la petite voiture pour desserrer l’étau de la dépendance énergétique croissante des États-Unis, dans le cadre d’un effort national équivalent, moralement, à celui exigé en temps de guerre. Il n’en fallut pas plus pour que l’on voie débarquer quantité de petites voitures, pour l’essentiel européennes ou japonaises. Le deuxième élément est d’ordre industriel. Qui dit petite voiture dit petites marges bénéficiaires. Les spécialistes estiment à 300 000 véhicules (200 000 pour la Mini, beaucoup plus onéreuse) la production minimale pour amortir les coûts d’un petit modèle. Pas de problèmes pour les constructeurs japonais et européens, qui disposent d’un marché national pour ce type de voitures. Pour les Américains, l’expérience est beaucoup plus aléatoire, à moins de faire construire son modèle... en Corée ou en Chine.

Dernier point, l’environnement, tant tarifaire que géographique. Les Américains parcourent en moyenne 14 500 milles par an (un peu plus de 23 000 kilomètres) et passent beaucoup de temps dans leur voiture. Ils ne se sentent guère rassurés dans des petites voitures et on les comprend lorsqu’ils sont confrontés aux véhicules standards locaux et aux gigantesques camions. Beaucoup apprécient en outre la camionnette. Certes, rien n’est définitivement gravé dans le marbre. Certains camions légers ont vu leurs ventes s’effondrer l’an dernier, de moitié certains mois. Mais le gallon dépassait alors les 3. Aujourd’hui, il est retombé à 2,20. Certes, cela représente encore une hausse de 50% par rapport au début de 2004, mais cela reste très supportable dans l’absolu. La consommation normalisée des camions légers modernes fluctue entre 10 et 13 litres. Au prix actuel du gallon d’essence, il n’y a rien là de bien mobilisateur pour changer ses habitudes.

D’ici 2020, le parc automobile mondial comptera 1,5 milliard d’automobiles, trois fois plus qu’aujourd’hui. La difficulté majeure ne sera alors pas de construire une voiture propre, mais de convaincre l’ensemble des consommateurs de ses mérites. Et même si les Américains venaient à en prendre conscience et à en payer le prix, en sera-t-il de même pour les quelque millions d’Africains, de Chinois ou d’Indiens qui, aujourd’hui, découvrent l’automobile? Aujourd’hui, ces marchés émergents ont besoin de voitures simples, solides et pas chères. La lutte contre la pollution n’est pas leur premier souci. Qu’en sera-t-il demain? En attendant, je crois que je vais me rendre au dépanneur à pied. Ça ne peut pas faire de mal.

Même si la consommation commence peu à peu à préoccuper les Américains, même si c’est davantage pour des raisons économiques qu’écologiques, à l’exception de la Californie, pas question pour nos voisins du Sud d’abandonner les gros véhicules, dimensionnés à l’échelle de leur pays.

Il y a longtemps, au Québec, que nous avons compris l’importance de réduire notre consommation de carburant. Par obligation, mais aussi par choix. Hélas, à en juger par les réactions des Américains, il est clair qu’en dépit des efforts de notre collectivité, l’avenir de notre planète ne se portera pas mieux. Pas encore. Pas avant que des véhicules à faible consommation d’essence (y compris les hybrides) ne se multiplient sur les routes de notre planète.

Cette année, seuls les Japonais offrent des voitures pour répondre à la crise pétrolière: Fit, Versa, Yaris, etc. Pourtant, à en croire les commentateurs américains et à regarder les chiffres, il n’est pas sûr que ce créneau des petites voitures suscite la convoitise de nos voisins. L’an dernier, alors que les prix du baril se sont envolés et que le gallon d’essence (3,78 litres) a brièvement dépassé le cap des 3, les ventes de sous-compactes sont restées pour le moins modestes: moins de 300 000 pour un marché de quelque 17 millions de véhicules. (Au Québec, un marché beaucoup moins important, 43 000 unités ont trouvé preneur l’an dernier.) Sur ce marché, l’Aveo, la Chevrolet aux yeux bridés, décroche la timbale avec environ 65 000 ventes, suivies par la xB de Scion (49 699, auxquels il faudrait adjoindre les 25641 unités de la xA) et la surprenante Mini (38384).