L'auto est dangereuse pour les gros. Quand ils ont un accident sur la route, ils sont deux fois et demie plus susceptibles de mourir.

L'auto est dangereuse pour les gros. Quand ils ont un accident sur la route, ils sont deux fois et demie plus susceptibles de mourir.

« Depuis une dizaine d'années, beaucoup d'attention est portée au risque accru que courent les enfants dans les accidents routiers », explique l'épidémiologiste Charles Mock, de l'Université de Washington, l'auteur principal de l'étude parue dans la revue Accident Analysis and Prevention. « Il y a aussi eu des études sur les femmes. Mais très peu d'attention a été portée aux obèses. Or, le poids des mannequins utilisés pour les tests d'accidents ne dépasse pas 80 kilos. Il n'a pas changé depuis 35 ans, alors que l'obésité a beaucoup augmenté. On ne prend qu'une taille moyenne pour tous les hommes. »

Les conclusions du Dr Mock tenaient la route tant pour l'obésité que pour l'indice de masse corporelle (IMC, équivalent au poids en kilos divisé par la taille en mètres au carré). À partir d'une base de données de 26 000 accidents routiers, l'épidémiologiste a découvert que les personnes pesant entre 100 et 120 kilos sont deux fois et demie plus susceptibles de mourir que celles de moins de 60 kilos. Les IMC de 35 à 39 menaient à la mort trois fois plus souvent que les IMC de 20. L'obésité commence à un IMC de 30.

Au niveau des blessures graves, seul le poids augmentait le risque de manière significative, de 80  % en comparant les personnes pesant entre 100 et 120 kilos, et celles de moins de 60 kilos. Au total, chaque 10 kilos supplémentaires augmentaient en moyenne le risque de mort de 13  %, et le risque de blessure grave de 8  %.

« J'ai commencé à penser que les obèses étaient peut-être plus susceptibles d'être gravement blessés dans les accidents routiers en faisant une étude sur les 4X4 », explique le Dr Mock en entrevue depuis Seattle. « Les chiffres sautaient aux yeux. Comme on parlait alors beaucoup de la nécessité de faire des normes de ceintures de sécurité qui soient mieux adaptées aux femmes et aux enfants, je me suis dit  : pourquoi les obèses ne seraient-ils pas dans le même cas  ? »

Le risque accru de mortalité, pour les obèses ayant un accident, s'explique en partie par leur mauvais état de santé. « Quand un obèse a une fracture, il va mettre plus longtemps à s'en remettre à cause de son poids, dit le Dr Mock. Il a souvent du diabète ou des problèmes cardiaques qui compliquent la convalescence. Mais ces comorbidités n'expliquent pas entièrement le taux de mortalité plus élevé dans les accidents. Il est fort possible que la morphologie des obèses leur nuise. »

Selon l'épidémiologiste, les fabricants automobiles se sont montrées très intéressées à son étude. « J'imagine qu'il y aura des changements dans les tests, un peu comme avec les bébés. Je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin avec l'épidémiologie, il faudra faire des mannequins appropriés. »

Ce n'est pas la première étude à avancer que les obèses souffrent davantage des accidents. Voilà une dizaine d'années, deux études ont montré qu'ils se brisent plus souvent les bras et les jambes en tombant. Et deux autres groupes, dont un canadien, ont trouvé un risque accru de blessures dans les accidents automobiles.

L'un de ces deux groupes, néo-zélandais, a affirmé en 2003 que la courbe du taux de mortalité dans les accidents routiers, en fonction du poids, forme un U  : le taux est très élevé pour les individus qui ont un IMC faible, puis diminue jusqu'à atteindre un minimum pour les individus ayant un IMC moyen (26 à 29), et augmente à nouveau au-delà. L'étude, parue dans l'International Journal of Epidemiology, avançait que les gros automobilistes ont peut-être plus de risque de tomber endormi au volant; en effet, la narcolepsie est plus fréquente chez les obèses.

D'autres chercheurs ont émis l'hypothèse que les ceintures de sécurité sont moins efficaces pour les obèses, parce que le gras introduit un jeu entre la ceinture et le corps, un peu à la manière des manteaux d'hiver