Un slogan lancé il y a quelques années par Panasonic («Légèrement en avance sur son temps») convient à merveille à une marque américaine méconnue du grand public mais ô combien porteuse de progrès.

Un slogan lancé il y a quelques années par Panasonic («Légèrement en avance sur son temps») convient à merveille à une marque américaine méconnue du grand public mais ô combien porteuse de progrès.

Contrairement à la multinationale japonaise, toutefois, Cord n'a vécu que «l'espace d'une rose», soit de 1935 à 1937. N'empêche que son influence a été immense et qu'elle figure glorieusement parmi les 100 voitures les plus marquantes du XXe siècle.

Errett Lobban Cord (1894-1974) était un vendeur génial et un homme d'affaires extrêmement habile, deux qualités qui l'ont propulsé dans les folles années 20 dans le milieu foisonnant des constructeurs automobiles américains. À cette époque, on comptait plus d'une centaine de constructeurs, certains géniaux et d'autres médiocres, tous saisis par cette envie dévorante de faire leur place dans une industrie au potentiel quasi illimité.

Entre Auburn et Duesenberg

Malgré une première faillite à l'âge de 25 ans, Cord réussit à se hisser au rang de président d'un important groupe industriel. En 1924, il prend en charge la compagnie Auburn, que ses créanciers avaient saisie. Au prix de quelques modifications esthétiques, il réussit à vendre en un clin d'oeil 700 Auburn neuves invendues. Deux ans plus tard, même scénario chez Duesenberg, la marque américaine la plus raffinée de tous les temps, qui souffre du manque de talent en gestion de ses deux créateurs, Fred et Augie Duesenberg.

Souhaitant diversifier sa gamme, entre les traditionnelles et abordables Auburn et les flamboyantes et inaccessibles Duesenberg, Cord décide de positionner une troisième marque entre les deux premières. Et quoi de plus naturel que de la baptiser Cord?

Avant Citroën

La Cord L29 voit le jour en 1929. Sa particularité : c'est une traction avant. Six ans avant la célèbre Traction de Citroën! Le concept s'inspire des brevets de Harry Miller, champion mondial de la traction. Cord achète donc les brevets de Miller et crée ainsi la première traction américaine de série. Sous l'immense capot loge un huit cylindres en ligne signé Auburn et monté «à l'envers» afin de transmettre le mouvement vers les roues avant plutôt qu'à l'arrière. Pour réussir ce tour de force, il fallait évidemment que le long moteur soit en position très reculée afin de pouvoir loger la boîte de vitesses et les arbres de roues. Autre difficulté, les cardans qui résistaient mal au couple à transmettre aux roues avant directrices. Et comble de malchance, le krach boursier de 1929 limite sérieusement le succès attendu et place Cord dans une situation précaire.

Mais Cord n'est pas un lâcheur. En pleine crise économique, il décide d'insuffler une bonne dose d'oxygène à «sa» traction et retient les services de Gordon Buehring, designer de talent qui lui dessine une voiture si saisissante qu'elle devient le rêve automobile de tout un pays.

La Cord 810, animée par un V8 Lycoming, fait sensation dès sa sortie en 1936. Un capot aux formes inédites marqué à l'avant par une calandre enveloppante dont les stries horizontales se prolongent jusqu'aux portes avant, le tout flanqué de deux énormes ailes dans lesquelles se cachent des phares escamotables.

Une merveille! À tel point que cette voiture d'une élégance intemporelle entre au Musée d'art moderne de New York en 1952.

Outre le V8, la belle 810 est montée sur un châssis plus court qu'autorise son moteur plus compact et bénéficie d'une suspension indépendante à l'avant et de joints homocinétiques bien plus robustes que les vieux cardans. Quant au reste de la transmission, elle reçoit une boîte manuelle à présélecteur avec commande sur le levier attenant au volant. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour sélectionner le rapport à venir puis d'actionner la pédale d'embrayage. Notons aussi que cette boîte comporte quatre vitesses, contrairement à la plupart de ses contemporaines qui se contentent de trois.

Ainsi équipée et surtout grâce à la traction avant et à la meilleure répartition du poids que sa devancière, la Cord 810 épate la galerie tant par son look ultramoderne que par son comportement routier inédit.

Trois ans plus tard, la séduisante américaine est suivie de la Cord 812, dont le V8 est dopé cette fois par un compresseur volumétrique qui porte sa puissance à 190 chevaux. On devine la présence de l'accessoire par les superbes tuyaux d'échappement chromés qui jaillissent du côté capot.

À l'élégance, aux performances remarquables et à l'innovation technologique s'ajoute la rareté, puisque les Cord 810/812 ne sont construites qu'à environ 3000 unités, victimes d'une mise au point insuffisante et d'un climat économique peu favorable. Vous comprendrez donc que les collectionneurs sérieux en raffolent.

Quant à E. L. Cord, il part pour l'Angleterre après le démantèlement de son empire en 1937, mais revient presque aussitôt en Californie où il se lance dans l'immobilier. Il y refait fortune et avant sa mort, en 1974, le magazine Fortune le classe parmi les 50 Américains les plus riches.

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DANS LE RÉTROVISEUR DE LA CORD 812 CABRIOLET 1937

Empattement / longueur / largeur / hauteur (cm) : 317 / 384 / 140 / 127

Poids : 1725 kg

Moteur : V 8 (90°), 4,7 L (289 po 3 ), suralimentation par compresseur, 190 ch.

Transmission : manuelle, à présélecteur, 4 e surmultipliée

Suspension av./arr. : indépendante / essieu rigide

Freins : tambours

0 à 100 km/h : 12 secondes

Vitesse max. : 177 km/h

Production : près de 3000 unités (810 et 812)

Prix (1959) : env. 2200 $

Valeur estimée (2006) : env. 200 000 $ US

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LA MÊME ANNÉE (1937)

» Le Japon envahit la Chine et occupe la majorité des régions côtières ( les Chinois n'ont pas encore tout à fait pardonné ).

» Le dirigeable allemand Hindenburg explose à l'atterrissage à Lakehurst, au New Jersey. Cette tragédie met fin à l'ère des dirigeables géants.

» Au Québec, décès du frère André à l'âge de 91 ans. Un million de personnes se rendent à l'oratoire Saint-Joseph

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