En 2040, le tiers de la population québécoise aura plus de 65 ans. Le vieillissement de la population a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années, notamment à cause de ses impacts sur les coûts de santé, la fiscalité et le marché immobilier. Mais un domaine crucial n'est pas souvent mentionné : la conduite automobile.

En 2040, le tiers de la population québécoise aura plus de 65 ans. Le vieillissement de la population a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années, notamment à cause de ses impacts sur les coûts de santé, la fiscalité et le marché immobilier. Mais un domaine crucial n'est pas souvent mentionné : la conduite automobile.

«Avec le vieillissement de la population, la demande en grandes surfaces va augmenter en flèche, estime Rob Methorst, ingénieur civil au Centre néerlandais de recherche sur les transports, en entrevue dans ses bureaux surplombant le Rhin, à Rotterdam. Les personnes âgées vont limiter leurs courses à pied et, comme elles utilisent rarement le vélo, une foule de services de proximité vont devenir superflus. Il faudra des endroits où les magasins sont très proches à pied, ce qui est un point fort des grandes surfaces de banlieue. Les parcours urbains vont être complètement chambardés.»

Le matin de notre entrevue, M. Methorst venait d'avoir la confirmation du financement de Cost 358, une étude européenne de 9 millions d'euros (13 millions de dollars canadiens) qui vise à évaluer les besoins des piétons de l'avenir. L'étude évaluera notamment l'impact de la marche plus lente et plus craintive des personnes âgées sur les aménagements routiers, et la pression à la baisse que l'augmentation des dépenses de santé fera sur les investissements en infrastructures.

La conclusion surprenante du Dr Methorst est en partie due au fait que les Pays-Bas vivent une américanisation accélérée de leur densité urbaine. Des lois sévères protégeant les zones agricoles ont été récemment assouplies, en partie parce que l'agriculture n'occupe plus que 5 % de la population, et en partie à cause de tensions raciales dans les villes. Résultat, les villes néerlandaises devraient gagner 20 % en superficie d'ici 2030, alors que la population ne devrait augmenter que de 10 %.

La voiture prisée par les aînés

Mais l'analyse vaut aussi pour le Canada. «Même en Amérique du Nord, le pourcentage de femmes âgées qui ont un permis de conduire augmente sans cesse, dit M. Methorst. Elles ne sont plus obligées de prendre les transports en commun ou de marcher. Comme elles seront aussi en meilleure santé que les personnes âgées d'aujourd'hui, une bonne proportion d'entre elles se serviront de leur voiture pour se rendre chez leurs enfants ou leurs amis, pour faire leurs courses. Elles ne seront plus obligées de faire leurs courses seulement dans les magasins de leur quartier, elles pourront aller là où les prix et l'offre de marchandise seront meilleurs.»

Selon M. Methorst, la quantité totale de marche sera probablement stable, parce que les gens qui se servent de leur voiture doivent tout de même marcher du stationnement aux magasins, et entre les magasins. «Déjà, aujourd'hui, la distance moyenne des trajets à pied est à peine de 500 mètres, alors qu'elle frisait le kilomètre voilà 20 ans. Ça représente une demi-douzaine de minutes de marche. Et une personne fait en moyenne un trajet à pied à tous les deux jours. On ne peut pas beaucoup diminuer cela.»

Les personnes âgées seront moins portées à marcher, et à fréquenter les magasins de leur quartier, parce qu'elles sont généralement plus craintives comme piétons. «La perception des risques peut forcer les gens à éviter de marcher, dit M. Methorst. Actuellement, le partage de la route est organisé de manière à ce que les voitures roulent plus lentement, pour protéger les piétons, et que les piétons n'aient pas peur de prendre leur place sur la route. Cela désavantage les personnes âgées, qui sont plus fragiles et moins agiles, et donc plus craintives.

«Aux Pays-Bas, il y a notamment un phénomène particulier: les personnes âgées qui ont peur de traverser la rue à cause des vélos qui filent dans tous les sens. D'un autre côté, elles sont souvent moins agressives au volant . Il est donc possible que les deux tendances s'annulent, si les personnes âgées imposent leur style de conduite plus sécuritai re aux autres automobilistes.»

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LES IMPACTS DE L'IMMIGRATION

L'immigration a aussi un impact sur la sécurité routière. Durant une entrevue avec un ingénieur du service de la circulation de la ville d'Amsterdam, Jack Wolters, La Presse a pu constater que les tensions raciales qui frappent les Pays-Bas contaminent même les débats sur les aménagements routiers. «La population d'origine méditerranéenne a moins tendance à utiliser le vélo, a expliqué M. Wolters. Elle favorise la marche et les transports en communs, et la voiture dès que la famille en a les moyens. Dans les quartiers où elle est importante, nos aménagements routiers ne sont plus adéquats. Il y a aussi un problème avec les enfants, qui sont souvent accompagnés à l'école par des grands frères ou des grandes soeurs, plutôt que par les parents. Ça rend les passages piétonniers menant aux écoles beaucoup moins sûrs. Nous faisons beaucoup d'efforts d'éducation, mais les mentalités sont lentes à changer.»

Pour joindre notre journaliste : mathieu.perreault@lapresse.ca