Moi aussi, je croyais que les accidents n'arrivaient qu'aux autres. À tous ces «conducteurs du dimanche» incapables de contrôler un dérapage ou d'utiliser correctement leur pédale de freins ou encore à ces conducteurs qui conduisent «avec la palette à l'envers». Je pensais mieux conduire, mieux que la moyenne. Plus de 25 ans au compteur et sans froisser un bout de tôle, que pouvait-il m'arriver?

Moi aussi, je croyais que les accidents n'arrivaient qu'aux autres. À tous ces «conducteurs du dimanche» incapables de contrôler un dérapage ou d'utiliser correctement leur pédale de freins ou encore à ces conducteurs qui conduisent «avec la palette à l'envers». Je pensais mieux conduire, mieux que la moyenne. Plus de 25 ans au compteur et sans froisser un bout de tôle, que pouvait-il m'arriver?

Et tout à coup, la semaine dernière, au carrefour d'une rue, l'impensable se produit. Il fait noir, un courageux cycliste (ben quoi, il faisait froid) me dépasse par la droite au moment même où j'allais m'engager dans cette direction. Et moi, la tête ailleurs, qui réagis trop tard, écrase la pédale de freins et «ramasse» le cycliste et son vélo. Par chance, l'impact n'avait rien de violent. Pas de corps qui rebondit sur le capot, qui vole puis roule sur la chaussée. Pourtant, au moment de cette «touchette», une certitude me vrille l'esprit tandis que je coupe le contact de mon véhicule: je l'ai blessé! Rassurez-vous, il n'en fut rien. Souple comme un contorsionniste du Cirque du Soleil, le cycliste s'en est tiré avec seulement une éraflure au genou gauche. Et son vélo? Ben, il roulait. Depuis ce jour, cette pensée m'obsède. Et elle me hantera encore ce soir à l'occasion de l'Halloween.

Quelles que soient l'expérience et la pratique, nul n'est à l'abri d'une erreur de conduite, d'un instant de distraction qui vous fait oublier que l'usage d'une automobile est un exercice dangereux. Pis, aucun de nous n'est véritablement préparé à éviter l'accident. Car il faudrait s'être soumis à plusieurs situations d'urgence, dans toutes les circonstances inimaginables, pour acquérir le réflexe qui, en quelques centièmes de secondes, permet d'éviter le drame.

Pourtant, les Québécois sont de bons conducteurs. C'est du moins ce que la majorité d'entre nous croyons, selon un sondage. Le savons-nous vraiment? Sans doute à lire le récit de certains accidents de la route: «Selon les témoins de l'accident, le conducteur a perdu le contrôle de leur véhicule». L'expression est elle-même surprenante. Elle induit qu'une voiture pourrait être un engin autonome capable d'échapper, par sa seule volonté, au contrôle de son pilote. Je crois plutôt qu'elle traduit l'incapacité de la majorité des conducteurs, insuffisamment formés, à faire face à des situations exceptionnelles et à réagir correctement devant l'obstacle.

Encore faut-il avoir été formé. Maintenant que les cours de conduite ne sont plus obligatoires... Peut-être, mais qu'apprend-t-on dans les auto-écoles? À démarrer sans caler, à s'arrêter pour laisser passer les piétons, à respecter quelques règles simples de circulation, à se garer. Pas à faire face à l'imprévu. Hormis quelques - coûteuses - écoles de conduite spécialisées, personne n'apprend à un conducteur débutant les rudiments de l'accident. Or, l'accident s'enseigne. C'est John Powell, de l'école qui porte son nom, qui m'en a fait la démonstration il y a 21 ans. Une leçon (il y a en bien d'autres) que je vous invite à réviser entre amis afin de devenir des conducteurs plus sûrs.

Les instructeurs des écoles de pilotage le savent bien et tentent, chaque année, d'inculquer à leurs élèves la réaction salvatrice. Mais l'intègre-t-on en quelques heures d'apprentissage? Sait-on répéter d'instinct ces gestes qui sauvent lorsque survient l'accident, par nature imprévisible? Mystère! Une chose est sûre: l'ABS de ma voiture préserve le pouvoir directionnel en freinant. Mais je n'ai pas donné de coup de volant le soir de «mon» escarmouche. Je m'en veux encore.

Autre constations terrifiante: pendant plusieurs minutes qui ont suivi cet accident, j'étais traumatisé. Il m'a fallu plusieurs kilomètres pour en chasser l'image de mon esprit. Le lendemain, je reconduisais normalement, comme si rien ne s'était passé. Ce qui m'amène à m'interroger sur l'efficacité des campagnes de sensibilisation de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Les images font réfléchir, c'est sûr. Et cinq minutes après, nous les avons déjà oubliées.

Alors, s'il n'est pas d'apprentissage de la conduite qui nous permette d'acquérir à coup sûr le bon réflexe en situation d'urgence, et si les campagnes de sensibilisation sont inefficaces, doit-on alors donner raison à ceux qui prônent des limitations de vitesse draconiennes et des contrôles renforcés? Alors, que ceux-là mènent leur combat jusqu'au bout. Qu'ils imposent des arrêts à chaque carrefour, des alcootests à la sortie des bars et des restaurants. Qu'ils mêlent des voitures banalisées au flot de la circulation pour détecter toute faute de conduite. Nous y gagnerons en sécurité ce que nous perdons en liberté. C'est toute la question de fond: quel prix sommes-nous prêts à payer, jusqu'où acceptons-nous de réduire notre liberté individuelle pour sauver des vies humaines?

Courriel Pour joindre notre chroniqueur: eric.lefrançois@lapresse.ca

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Sur la route

Au cours de la dernière semaine, nous avons reçu 62 courriels de lecteurs à la recherche de la Renault 5 qui illustrait cette chronique la semaine dernière. Comme vous êtes nostalgiques parfois. À tous ceux à qui nous n'avons pas encore répondu, sachez qu'elle se trouvait à la fin du mois d'août dernier en bordure de la route 348 près de Morin Heights. Bonne chasse!