« Je n'ai jamais entendu parler de lui. »

« Je n'ai jamais entendu parler de lui. »

Voilà ce que lancent la majorité des gens rencontrés hier à Watkins Glen, au sujet de l'éventuelle arrivée de Jacques Villeneuve en formule NASCAR.

Avec ses banderoles à saveur NASCAR suspendues presque à chaque commerce, le village de Watkins Glen- véritable Mecque de la course automobile située à une heure de Syracuse- vibrait déjà hier au rythme de ce rendez-vous sportif, un des plus populaires dans tout le pays.

Malgré la fièvre, il était difficile de sonder l'opinion des amateurs sur la venue de Jacques Villeneuve dans le circuit américain, à l'heure où le pilote québécois jonglerait avec l'idée. « Je n'ai jamais entendu parler de celui-là », a souligné Rob Delp, en parlant de l'ancien champion de F1.

M. Delp fait partie des nombreux chauffeurs de gigantesques semi-remorques remplis d'objets promotionnels à l'effigie des coureurs de NASCAR. Comme M. Delp, des dizaines de conducteurs de poids lourds ont débarqué hier sur un grand terrain situé à un jet de pierre du circuit international de Watkins Glen, à quelques kilomètres du village.

Des photos des pilotes et leurs bolides sont placardées sur chaque camion, sans oublier le nom des commanditaires tels Fedex, Dodge, Jack Daniel's, Valvoline, M&M, Budweiser et Cheerios.

Quasi inconnus chez nous, les pilotes de NASCAR sont ici de véritables héros. Si le nom Jacques Villeneuve n'évoque à peu près rien dans les environs, ceux de Jeff Gordon, Dale Earnhardt Jr, Kyle Busch ou Jimmie Johnson résonnent un peu partout sur la planète NASCAR.

On découvre alors bien vite l'existence de deux solitudes. «La Formule 1 et le NASCAR, c'est deux mondes tout à fait différents», a résumé Rob Delp. Derrière lui, un semi-remorque converti en stands propose des chandails, casquettes, drapeaux ou d'autres articles aux couleurs du jeune Jimmie Johnson, un coureur-vedette.

À l'entrée des lieux, une employée du comptoir d'informations a gentiment épluché la liste des coureurs inscrits en fin de semaine lorsqu'on lui a demandé si elle avait entendu parler de Jacques Villeneuve. Mais quelques rares spécimens connaissaient néanmoins le nom du pilote québécois.

C'est le cas de Leroy et Debbie Jones, deux mordus de NASCAR de l'Ohio qui campaient déjà en bordure de la piste hier. Amateur de courses en tous genres, Leroy connaît bien Jacques Villeneuve. Il avait même quelques conseils pour lui advenant son arrivée en NASCAR. «Il devra apprendre le respect, sinon il se fera remettre à sa place», a lancé ce gaillard. En NASCAR, un peloton d'une quarantaine de voitures filent pare-chocs à pare-chocs pendant des centaines de tours.

Employé d'une boutique souvenirs consacrée à la course automobile, Ed Peters se dit toutefois conscient de l'attrait financier que représente un saut en NASCAR. «Surtout si on offre à Villeneuve un bon volant, ce qui signifie beaucoup d'argent», a-t-il indiqué.

Retombées économiques

Les pilotes de NASCAR ne sont toutefois pas les seuls à s'enrichir. Les activités organisées sur la piste de Watkins Glen génèrent annuellement des retombées de plus de 200 millions et 2000 emplois pour la région, selon une étude locale menée en 1999. «Ce chiffre a assurément augmenté, parce que les NASCAR sont de plus en plus populaires», a souligné Michelle LaDue Benjamin, directrice du tourisme à la Chambre de commerce du comté de Schuyler.

D'ordinaire, la population du comté est estimée à environ 19 000 habitants. Lors d'une coupe Nextel de NASCAR, entre 150 000 et 200 000 personnes convergent vers ce village pittoresque, situé en bordure du lac Seneca. Outre les hôtels, les restaurants, les stations-service, les supermarchés et les bars profitent de la manne. «C'est une fin de semaine 10 fois plus payante que d'habitude», a calculé un employé du Bleachers Sports Bar and Grill.

Une rue derrière, Brad Golden, 36 ans, installait une pancarte grandeur nature de son pilote favori sur sa maison. Une bière à la main, ce mordu semblait presque ému de se retrouver face à face avec des individus qui n'ont jamais vécu de NASCAR. «C'est une énorme fête, vous n'allez pas croire ce que vous allez voir», a-t-il lancé, sourire en coin.

Même si les courses ne commencent que demain, il y avait déjà un début de bouchon de circulation hier dans les rues de Watkins Glen.

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Tel père, tel fils?

S'il se lançait en NASCAR, Jacques Villeneuve ne serait pas le premier de sa famille à courser sur le circuit international de Watkins Glen. En effet, son père Gilles Villeneuve, alors au volant de sa Ferrari, avait remporté le Grand Prix des États-Unis sur cette même piste en 1979, alors que le parcours accueillait les voitures de Formule 1. Une plaque commémorative soulignant l'exploit fait d'ailleurs partie du trottoir des célébrités du village. Mais il faut reculer bien avant cette époque pour remonter aux origines de la course automobile à Watkins Glen. Les premières courses ont eu lieu en 1948, et le circuit passait directement à travers les rues du village. Après quelques années, un premier circuit d'environ cinq kilomètres a été aménagé en 1953. Quatre ans plus tard, The Glen - comme les gens le nomment familièrement ici - accueillait son premier championnat NASCAR. De 1961 à 1980, le circuit est l'hôte des Grands Prix de Formule 1. Au fil des années, le parcours a subi de nombreuses modifications, pour prendre sa configuration actuelle en 1992. En plus de la série NASCAR et la série Indy, la piste de Watkins Glen abrite diverses compétitions automobiles. Après la série NASCAR, une course de voitures d'époque sur l'ancien parcours du village, comme en 1948, constitue l'événement le plus populaire de Watkins Glen.