Au chevet de quel malade?

Le reste, dicté par les services de mise en marché et la volonté d’en offrir davantage que le concurrent, n’est que poudre aux yeux, ou pièges à touristes, comme on dit en ville...

(1) Volvo utilise un détecteur de battement cardiaque hypersensible et un processus de calcul sophistiqué.

Sur la route

Au chevet de quel malade?

Retenez bien cette date: le 15 octobre. C’est le jour où Carlos Ghosn et Rick Wagoneer annonceront qu’ils feront chambre à part… Les 90 jours de négociations exploratoires auront mené les deux groupes automobiles à conclure que le temps n’est pas aux épousailles. Même s’il estime aujourd’hui qu’une alliance avec GM représente une énorme occasion, le patron des constructeurs automobiles Renault et Nissan a mieux à faire: redresser Renault. Sans être dans une position financière aussi dramatique que ne l’était Nissan à la fin des années 90, le constructeur français se trouve tout de même dans de sales draps en Europe: un recul de près de 10% par rapport à la même période l’année dernière.

Simplicité

Tout cela pour dire qu’à regarder l’automobile évoluer ainsi vers les rivages du «toujours plus pour vous», j’en viens à rêver de simplicité. D’automobiles sûres, fiables, confortables, économiques, mais dépouillées de tous ces artifices qui les éloignent de leur mission première, à savoir d’assurer notre mobilité dans le respect de l’environnement.

Non, une voiture n’est pas un salon roulant. Cela risquerait d’endormir la méfiance légitime que nous devons conserver (rappelez-vous, on ne conduit pas pour soi, mais pour les autres) lorsque nous avons les (deux) mains sur le volant. Conséquemment, la conduite automobile nécessite de la part de son conducteur un savoir-faire, une attention qui se traduit par des gestes élémentaires comme allumer ses phares ou actionner ses essuie-glaces.

Le véritable progrès automobile est facile à identifier: il contribue au bien-être et à la sécurité.

À priori, l’idée de Volvo peut paraître bonne et elle fera assurément jaser les voisins. Mais à bien y réfléchir, à quoi ça sert au juste? Qui peut bien éprouver le besoin de cet accessoire? Un système antivol fiable, des serrures bien solides ou des glaces incassables ne valaient-ils pas mieux?

On pourrait écrire la même chose au sujet de l’agenda électronique intégré à bord d’une Lexus GS400H essayée récemment. Allez-vous sincèrement transcrire votre rendez-vous chez le dentiste à bord de votre véhicule?

Pour ma part, je préfère l’inscrire sur le rabat de mon paquet de cigarettes. C’est plus simple et, surtout, il n’y a aucun risque de l’oublier.

Communiquer avec sa voiture

Dernier exemple en date, la future Volvo S80 que vous découvrirez à l’automne. Cette berline bourgeoise est équipée — une première dans l’industrie — du système PCC (Personnal Car Communicator). Qu’est-ce que c’est? Essentiellement un nouveau module de commande pouvant échanger de l’information entre le véhicule et son propriétaire.

Parmi les fonctions de ce module, on trouve un capteur logé dans l’habitacle qui informe le propriétaire se dirigeant vers son véhicule de la présence d’un intrus. Est-ce un cambrioleur? Votre chien?

Le signal qui vous sera transmis ne vous informera de rien, si ce n’est qu’il y a un cœur qui bat à l’intérieur… de l’habitacle (1). Pourquoi pas des portières translucides pendant que nous y sommes?

La liste de ces fonctions dites de confort que les constructeurs présentent comme le dernier cri de la modernité est longue: carte remplaçant la clef, essuie-glace qui se déclenche à la moindre goutte de pluie, climatiseur séparé gauche-droite (à l’avant comme à l’arrière sur certains véhicules), sièges chauffants, massants et ventilés, allumage automatique des phares quand la luminosité baisse, etc.

Entre l’utile et le futile

Sommes-nous à ce point mauvais conducteurs que nous ne sachions plus nous garer sans radar de recul, allumer nos phares quand tombe la nuit ou actionner nos essuie-glaces quand il pleut?

L’évolution technique est louable quand elle amène, à prix raisonnable, ABS, coussins de sécurité gonflables ou climatisation dans nos voitures. Mais il est temps de faire la juste part, dans le progrès automobile, entre l’utile et le futile. Et la ligne n’est pas toujours aussi mince qu’on le croit.

Quand je rentre chez moi, je glisse une clef dans la serrure. À l’intérieur, mes fauteuils ne chauffent pas, ne massent pas. La température est la même aux quatre coins d’une pièce, faute d’une climatisation séparée.

Je n’ai pas de climatiseur non plus. Seulement des ventilateurs. Je ne télécommande pas à distance l’ouverture de mon frigo. Ni celui de ma cuisinière. Et les lampes ne s’allument pas seules quand le jour baisse. Chez-vous, c’est comment? Pareil, n’est-ce pas?

Alors, comme vous (et je vous le souhaite), je n’ai pas le sentiment d’être malheureux pour autant. Alors pourquoi cette course au suréquipement dans l’industrie automobile? Car nous en sommes arrivés à ce paradoxe imbécile: nos voitures sont mieux équipées que nos maisons et nos appartements. Dites, c’est normal, docteur?