Pour ma part, et bien que j’ai franchement été impressionné par l’aspect technique de cette véritable robotisation de l’embrayage qu’offre la version E de la FJR1300A, je reste sceptique. Une transmission automatique aurait été une vraie révolution – elle arrivera sous peu, j’en suis convaincu – mais ce qu’offre la nouvelle Yamaha complique presque autant la conduite qu’elle ne la simplifie. Affirmer que son pilotage n’est pas réellement plus aisé que celui d’une FJR à boîte de vitesses conventionnelle ne serait certainement pas loin de la réalité. Non, tant que je ne souffrirai pas de crampes sévères à la main gauche, l’excellente FJR1300A et son embrayage manuel feront très bien l’affaire, merci.

Bertrand Gahel est l’auteur du Guide de la Moto.

Les frais de déplacement et d’hébergement de ce reportage ont été payés par Yamaha.

La FJR1300AE utilise une paire de servo-moteurs gérés par ordinateur pour actionner le relâchement de l’embrayage et le passage des rapports. En d’autres mots, elle dispose de la même boîte que la FJR1300A, mais avec un embrayage automatisé et un passage des vitesses électrique plutôt que mécanique. Vous choisissez donc toujours le moment des changements de rapports, mais vous n’avez plus le contrôle –ou la tâche– de l’opération de l’embrayage.

Je dois avouer avoir été impressionné par le fonctionnement de l’embrayage contrôlé par ordinateur de la FJR1300AE. À l’exception d’une sorte de zone grise lors des manoeuvres très lentes où l’ordinateur semble un peu confus, comme un virage en U, par exemple, le programme d’embrayage imite relativement bien la main humaine. Dans la circulation dense ou lors d’un départ, deux occasions lors desquelles l’embrayage est particulièrement sollicité, la FJR1300AE s’est montrée convaincante, donnant l’impression que quelqu’un se chargeait gentiment, à votre place, de tirer ou de relâcher le levier, reposant du même coup votre main gauche. Quant au changement électrique des vitesses, si la sensation à la pédale ressemble à s’y méprendre à celle d’une boîte normale, je me suis étonnamment bien habitué au passage des rapports avec la petite manette de la poignée gauche.

Pour un motocycliste souffrant d’un handicap de la main gauche, la nouvelle FJR1300AE n’est ni plus ni moins qu’un miracle, mais pour les autres, sa signification n’est pas aussi claire. Même Yamaha ne semble pas certain du genre de motocycliste qui s’intéressera un tel système de transmission, option pour laquelle il faut débourser 2000. Le constructeur espère toutefois qu’une clientèle un peu plus âgée, la même qui affectionne tant la simplicité des gros scooters, remarquera cette version de la grosse FJR. Ironiquement, les plus jeunes, amateurs de gadgets et de technologie en tout genre, font aussi partie des clients espérés par la marque aux trois diapasons. Enfin, les motocyclistes régulièrement coincés dans de longs embouteillages sont aussi visés.

Ce n’est pas que la nouvelle Yamaha FJR1300AE en soit une, mais que diriez-vous d’une moto automatique? L’achèteriez-vous, ou la renieriez-vous? Pourquoi, en ce début de troisième millénaire, en ces temps extraordinairement prolifiques en terme de technologie appliquée aux motos, n’a-t-on toujours pas accès ne serait-ce qu’à une seule motocyclette munie d’une boîte automatique? N’est-elle pourtant pas l’un des attraits majeurs des scooters qui en sont pratiquement tous équipés?

Si l’introduction de cette version E de la FJR1300A fraîchement révisée en 2006 ne répond pas à ces questions, puisqu’elle n’est pas équipée d’une transmission automatique, elle relance, en revanche, le débat de plus belle en amenant sur le marché la première boîte de vitesses à changement de rapport électrique. La qualifier de semi-automatique ne serait pas loin de la vérité puisque l’embrayage est contrôlé automatiquement. Toutefois, les vitesses doivent tout de même être changées manuellement; de façon conventionnelle (au pied) ou par un levier situé sous la poignée gauche.

Quant au levier d’embrayage, il n’est simplement plus là, ce qui est carrément déroutant lors des premiers instants en selle – surtout pour un pilote expérimenté pour lequel ce levier fait partie du décor depuis toujours.