Dans notre prochaine chronique: La Singer 1947. Non, ce n’est pas une machine à coudre.

Aujourd’hui, le réseau poursuit son expansion, certes à un rythme moindre que dans les années 50 et 60. Il compte plus de 55 000 ponts et 100 tunnels, monte jusqu’à 3400 m d’altitude au Colorado et descend à 16 m sous le niveau de la mer à El Centro, en Californie. Il a coûté 2,4 milliards d’heures de travail et 79 milliards de dollars, et les clôtures qui le ceinturent font deux fois le tour de la Terre.

Et quand on y pense, 50 ans, ce n’est pas beaucoup. C’est à se demander ce que faisaient les automobilistes américains avant 1956 et pendant les années de construction du réseau. Il faut dire qu’ils ne roulaient que 627 millions de kilomètres, en 1956, alors qu’ils en bouclent 3 milliards par an aujourd’hui.

Comme nous, sans doute, ils roulaient sur des routes à deux voies qui traversaient villes et villages, des routes parfois asphaltées, mais souvent couvertes de terre battue qui, dans certaines régions, se transformaient en bourbiers à la saison des pluies et en patinoires impraticables pendant les pires mois de l’hiver. Peut-être aussi qu’ils étaient moins pressés, qu’ils prenaient le temps de… prendre le temps, que les «belles routes de campagne» que nous convoitons aujourd’hui, c’était tout ce qu’ils avaient. C’était avant l’autoroute.

En réalité, l’idée de quadriller le pays d’un réseau d’autoroutes est née bien avant la présidence d’Eisenhower. Mais il faut attendre 1956 avant que ne soient terminées les palabres entre le gouvernement fédéral et les États, que ne soient fixées les normes uniformisées de construction et que ne soient adoptés les budgets nécessaires.

Le 2 août 1956, le Missouri devient le premier État à octroyer un contrat de construction d’une autoroute inter-États: la I-44, l’ancienne mythique route 66. Viennent ensuite le Kansas, la Pennsylvanie et, graduellement, tous les autres États. Le visage de l’Amérique en est transformé à tout jamais, pour le meilleur et pour le pire.

De Washington à San Francisco en cinq jours

Grâce à ces autoroutes larges et sécuritaires, un Californien peut se rendre à New York en quelques jours, et les camions qui sillonnent jour et nuit cet immense réseau donnent au commerce un essor remarquable, tandis que la ville se rapproche de la campagne et que naissent les banlieues. En somme, une transformation profonde qui change la façon de vivre, de travailler et de se divertir des Américains, qui ouvre aux multitudes des contrées auparavant inaccessibles et qui inspire poètes et aventuriers en quête de nouveaux horizons.

De Washington à San Francisco en 56 jours

Dwight Eisenhower n’a que 28 ans, en juillet 1919. Jeune officier de l’armée, il prend part à une expédition de 81 véhicules partie de Washington à destination de San Francisco. Ce périple de 4800 km «s’est fait le long du Lincoln Highway, une route transcontinentale qui n’existait en réalité que dans l’imagination et sur papier», écrit Eisenhower plus tard, dans ses mémoires. Le convoi réussit à se déplacer à la vitesse moyenne de 93 km… par jour!

Ponts s’effondrant sous les poids lourds de l’armée, camions s’embourbant désespérément dans les cours d’eau, les ravins et les mares de boue… un total de 230 «calamités» et un cauchemar qui se termine 56 jours plus tard, marquant pendant longtemps la mémoire du général.

À cet épisode vient s’ajouter l’expérience vécue pendant la campagne d’Europe. «Un tiers de siècle plus tard, écrit Eisenhower, après avoir vu les autobahns de l’Allemagne moderne et sachant l’atout stratégique que représentait ce réseau d’autoroutes pour l’Allemagne, je décidais, à titre de président, de faire construire ce type de route sur tout le territoire du pays.»

L’autoroute du général? Il faudrait plutôt dire «les autoroutes», puisqu’il s’agit d’un réseau de plus de 75 000 kilomètres qui sillonne les États-Unis et qui célèbre le 29 juin son 50e anniversaire de naissance.

C’est en 1956 qu’a été promulguée la loi fédérale inaugurant le plus grand projet de construction de l’histoire des États-Unis: le U.S. Interstate Highway System. Son nom officiel: Dwight D. Eisenhower National System of Interstate and Defense Highways.

Eisenhower a été le 34e président des États-Unis. Il a aussi été l’un des principaux architectes de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie.