Les constructeurs dont l’assise financière n’est pas très solide (et ils sont nombreux) ont des soucis à se faire. Car la spirale est infernale : sans nouveautés, pas de salut, les ventes s’effriteront irrémédiablement. Et quand on lance un nouveau modèle, mieux vaut prévoir d’en produire un maximum d’emblée avant qu’il soit démodé. Ce qui implique des investissements massifs pour des périodes de plus en plus courtes.

La course à la réduction du temps de conception des futurs modèles a donc repris de plus belle. Ainsi, tous les grands dirigeants de l’industrie demandent à leurs bureaux d’études de réduire la genèse de leurs futurs produits. Sachant que leur durée de vie sera réduite, elle aussi. Jusqu’à un passé récent, ce côté éphémère ne concernait que les modèles marginaux, comme les coupés. Il touche aujourd’hui tous les niveaux de gamme. La voiture Kleenex est devenue une réalité, mais il n’est pas évident que toutes les marques aient les moyens de suivre la tendance.

À part les modèles d’exception, rares par définition, tous les autres se démodent à une vitesse folle. À qui la faute? À leurs constructeurs, qui n’ont de cesse de démoder ce qu’ils viennent de créer pour susciter de nouvelles envies.

Cette politique du renouvellement des gammes à outrance a coûté extrêmement cher aux constructeurs japonais il y a une trentaine d’années. Elle n’est pas la seule raison de leur effondrement financier, mais elle y a contribué. Fin des années 70 début 80, quand Toyota, Datsun (futur Nissan), Honda et Mazda ont commencé à envahir le monde, ils avaient peu d’arguments à faire valoir. La multiplicité des nouveautés a été pour eux un axe de développement : à peine lancé, un modèle était chassé par un autre, évidemment plus attrayant. Une fois c’était un autoradio en série, une autre les quatre roues directrices, innovation rangée assez vite au rayon des souvenirs. Mais, en tout cas, il y avait toujours une bonne raison de craquer. Les japonais s’étaient inspirés des pratiques américaines de l’après-guerre à ceci près que General Motors, Ford et Chrysler se contentaient d’un lifting. La carrosserie changeait un peu mais les dessous demeuraient les mêmes. Ce qui était bien moins onéreux. D’autant qu’ils avaient, à cette époque, qu’une seule plate-forme en inventaire : une architecture à moteur avant et roues arrière motrices. Les japonais, eux, se sont lancés dans tous les créneaux à la fois, des minis aux coupés sportifs en passant par les compactes et les familiales. Avec tous les moteurs et boîtes de vitesses correspondants. Un gouffre à milliards.

Si l’histoire est un éternel recommencement, les responsables des grands groupes automobiles doivent se faire un sang d’encre. Plus la durée d’un modèle diminue, plus son amortissement et donc sa rentabilité, est aléatoire. Il se dit, dans les coulisses, que ne BMW n’a pas touché un euro avec la Mini et que le constructeur munichois devra attendre la deuxième génération pour espérer en tirer profit. Vrai ou faux? Allez savoir.