Chaque année, environ 1,35 million de personnes sont tuées dans des accidents sur les routes du monde, et 50 millions d’autres sont gravement blessées, selon l’Organisation mondiale de la santé. Aux États-Unis, le nombre de morts a considérablement augmenté pendant la pandémie, entraînant la plus forte hausse jamais enregistrée sur six mois, selon les estimations du ministère américain des Transports. L’excès de vitesse, la distraction, la conduite en état d’ivresse et le fait de ne pas porter la ceinture de sécurité en sont les principales causes.

L’intelligence artificielle (IA) est déjà utilisée pour améliorer la sécurité au volant : des applications pour téléphones portables qui surveillent le comportement au volant et récompensent les conducteurs prudents par des avantages et des véhicules connectés qui communiquent entre eux et avec l’infrastructure routière.

Mais qu’est-ce qui nous attend ? L’IA peut-elle faire ce que les humains ne peuvent pas faire ? Et la technologie se développera-t-elle avant la prolifération des voitures à conduite autonome ?

« À mon avis, il y a trop de battage autour de l’IA, de la sécurité routière et des véhicules à conduite autonome – c’est très exagéré », a déclaré David Ward, président du Global New Car Assessment Program, une organisation à but non lucratif située à Londres. Selon lui, il faut se concentrer sur « les fruits à portée de main et non sur une promesse utopique lointaine ».

Les défenseurs comme Ward se tournent vers les technologies intermédiaires bénéfiques et peu coûteuses qui sont offertes aujourd’hui. Un excellent exemple est l’assistance intelligente à la vitesse, ou ISA, qui utilise l’intelligence artificielle pour gérer la vitesse d’une voiture au moyen de caméras et de cartes embarquées. Cette technologie sera obligatoire dans tous les nouveaux véhicules de l’Union européenne à partir de juillet, mais elle doit encore s’imposer aux États-Unis.

Des « yeux intelligents »

Acusensus, établie en Australie, fait partie des entreprises qui utilisent l’intelligence artificielle pour améliorer la sécurité routière. Ses caméras – des « yeux intelligents », comme les appelle Acusensus – utilisent l’imagerie à haute résolution en conjonction avec l’apprentissage automatique pour détecter les comportements de conduite dangereux qui sont souvent difficiles à remarquer et à faire respecter.

« Nous avons une technologie qui peut sauver des vies », a affirmé Mark Etzbach, vice-président des ventes de la société pour l’Amérique du Nord.

La technologie en attente de brevet, qui, contrairement à l’œil humain, n’est pas touchée par les conditions météorologiques ou les vitesses élevées, peut visualiser et enregistrer le comportement à l’intérieur du véhicule, a expliqué M. Etzbach. Les caméras peuvent être installées sur les infrastructures routières existantes, comme les ponts, les panneaux de signalisation ou les structures mobiles. Les images sont ensuite optimisées pour l’IA, qui est entraînée à des paramètres spécifiques.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Les technologies à l’essai permettent de voir si un conducteur utilise son téléphone.

Les algorithmes d’Acusensus peuvent déterminer avec un haut degré de probabilité si un conducteur particulier a un comportement à risque, affirme la société.

Nous pouvons évaluer la distraction. Nous pouvons évaluer la retenue des occupants. Nous pouvons évaluer la vitesse du véhicule. Nous sommes capables d’examiner trois comportements en même temps. Bien plus de 90 % des comportements se produisent sous le tableau de bord.

Mark Etzbach, vice-président des ventes d’Acusensus

Une telle technologie permettrait aux forces de l’ordre de voir clairement si un conducteur tient quelque chose en plus du volant – un téléphone, par exemple – et s’il baisse les yeux pour envoyer un texto. (Un flash invisible permet de pénétrer clairement dans le pare-brise.)

La technologie a été développée par le cofondateur d’Acusensus, Alexander Jannink, après qu’un ami et collègue ingénieur en logiciel eut été tué en faisant du vélo en 2013.

« Il a été heurté et tué par un conducteur en état d’ébriété dont on pense qu’il était également distrait », a précisé M. Etzbach.

Heads-Up

Le principal produit de la société, Heads-Up, a été déployé pour la première fois en 2019 en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Le système Heads-Up capture des images qui sont ensuite passées au crible par les autorités pour déterminer la probabilité d’une infraction. Au cours des deux premières années, indique l’entreprise, l’État a connu une réduction de 22 % des morts et une réduction de l’utilisation du téléphone de plus de 80 %. La technologie est actuellement déployée en Nouvelle-Galles du Sud et dans le Queensland, avec des projets pilotes supplémentaires ailleurs en Australie et à l’étranger.

La prochaine itération de cette technologie, Heads-Up Real Time, est proposée pour un déploiement aux États-Unis. Les données et les images seraient envoyées en temps réel aux agents dans les voitures de patrouille, qui pourraient ensuite les visualiser sur des ordinateurs portables.

La technologie d’Acusensus peut également être utilisée pour détecter les « points chauds », ce qui permet de déterminer les endroits où les autorités doivent améliorer l’application de la loi, apporter des modifications aux infrastructures ou adopter une nouvelle législation. Au cours des derniers mois, la société a effectué des démonstrations et des évaluations pour un certain nombre d’organismes locaux chargés de l’application de la loi et des départements des Transports de l’État.

Au cours d’une évaluation de 18 heures, en août, d’un corridor à haut risque dans le Missouri, qui enregistrait en moyenne 3,5 accidents par jour, plus de 11 000 véhicules ont circulé. Au moins 60 % des conducteurs étaient en excès de vitesse, 6,5 % en moyenne utilisaient un téléphone portable, soit plus du double de la moyenne nationale, et un peu moins de 5,5 % avaient deux comportements à risque simultanés au volant.

« L’année dernière, ils ont connu l’une de leurs années records en matière de mortalité routière, a déclaré M. Etzbach. Ils veulent changer de politique pour pouvoir s’attaquer à certains de ces problèmes de sécurité routière. »

La technologie suscite un intérêt croissant dans les États.

« Nous avons passé des contrats avec deux États pour des projets de données et sommes en discussion avec beaucoup d’autres », a indiqué M. Etzbach. L’un de ces États, l’Indiana, « pilote la technologie pour l’évaluation de l’applicabilité de la loi ».

Une technologie similaire à celle d’Acusensus est également envisagée en Europe. Alexandre Santacreu, secrétaire général de l’Autorité européenne des transports métropolitains à Paris, a affirmé que la collecte de données à grande échelle avait un énorme potentiel d’utilisation pour prévenir les collisions sur les réseaux routiers.

Bémol

Tout le monde n’est pas convaincu du bien-fondé de l’apprentissage par ordinateur. Selon David Ward, président du Global New Car Assessment Program, les humains sont toujours plus performants que l’intelligence artificielle.

« Un conducteur observateur qui établit un contact visuel avec un piéton peut déterminer si cette personne a l’intention de traverser la rue ou non. L’IA n’est pas capable de faire cela, pas encore », a-t-il déclaré.

Nous savons que l’IA a une énorme capacité d’amélioration, mais nous pourrions commettre une grave erreur si nous pensons qu’elle peut éliminer complètement la dimension humaine dans tout cela.

David Ward, président du Global New Car Assessment Program

Comme pour de nombreuses innovations en matière d’IA, la technologie soulève également des problèmes de confidentialité.

« C’est cette question classique de savoir quel degré d’intrusion nous voulons dans nos vies pour assurer notre sécurité », a souligné M. Ward.

« Nous partageons notre espace routier, et il y a des limites à notre liberté dans l’environnement fermé des voitures, mais cela implique un plus grand degré d’intrusion, a-t-il dit à propos de la technologie de surveillance. C’est ce que l’IA nous apporte. »

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