(New York) Les premières voitures sans humains au volant, circulant en ville, en toute sécurité, devaient arriver sur les routes américaines en 2019, mais à quelques jours de la fin d’année cette promesse de constructeurs automobiles et de la Silicon Valley est loin d’être devenue réalité.

Des accidents récents, comme ceux impliquant des voitures Tesla équipées d’Autopilot, un logiciel d’aide à la conduite, ont montré que « la technologie n’est pas prête », explique à l’AFP Dan Albert, critique et auteur du livre « Are we there yet ? » (Y sommes-nous déjà ? ) sur l’histoire de l’automobile américaine.

Ces accidents --il y a eu décès-- ont remis en cause l’argument de vente selon lequel la voiture autonome allait aider à réduire le nombre de morts sur les routes, soit 2500 par au Canada et 40 000 par an aux États-Unis.

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Il y a eu plusieurs accidents impliquant des voitures semi-autonomes. En mars 2018, un homme s'est tué lorsque son Modèle X de Tesla a percuté un muret de béton et pris feu à Mountain View, en Californie.

Dès lors, les manœuvres que peuvent effectuer les voitures bardées de technologies sans intervention humaine demeurent limitées : se garer, freiner, démarrer ou circuler dans un stationnement.

Y a-t-il des voitures autonomes sur les routes ?

Non. La plupart des véhicules autonomes sont encore en expérimentation dans différentes villes.

« Quand vous travaillez sur le déploiement à grande échelle de systèmes de sécurité cruciaux, “d’aller vite au risque” n’est pas une option », avance Dan Ammann, le PDG de Cruise Automation, une start-up achetée par General Motors. Pourtant, GM avait promis une flotte de véhicules autonomes en 2019.

PHOTO CRUISE AUTOMATION

Une Chevrolet Bolt modifiée par Cruise Automation.

Des navettes autonomes circulent sur des parcours déterminés, notamment dans des campus universitaires, explique Tara Andringa, directrice de PAVE, une coalition regroupant les différents acteurs du secteur, des universitaires et des assureurs dans le but d’éduquer le grand public sur la technologie autonome.

Waymo/Google propose un service de robotaxis, Waymo One Brand, depuis environ un an à Chandler, une banlieue de Phoenix, en Arizona. Un humain, appelé « safety driver », est néanmoins sur le siège conducteur pour prendre le contrôle en cas d’urgence.

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Waymo exploite 600 Chrysler Pacifica hybrides expérimentales et mène un projet-pilote de navettes autonomes transportant des passagers dans la région de Phoenix, en Arizona.

Waymo veut toutefois aller plus loin et offre, depuis l’été, ce service à des abonnés, à Phoenix et ses banlieues : des voyages sans humain derrière le volant, gratuits dans l’après-midi et parfois en soirée.

Où en est la technologie ?

« L’autonomie peut être utilisée dans certaines zones comme des campus universitaires où la vitesse de circulation autorisée est faible et où il y a peu d’interactions avec les autres véhicules, les piétons et les cyclistes », avance Sam Abuelsamid, ingénieur et expert chez Navigant Research.

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La salutation «Hello» apparaît sur une navette autonome Neolix, lors d'un événement promotionnel à l'usine de la compagnie à Changzhou, en Chine en mai 2019. Cette navette peut circuler sans conducteur à l'intérieur de circuits fermés autour de centres commerciaux et dans des campus universitaires ou industriels.

Le gros problème est la « perception », c’est-à-dire la capacité du logiciel à traiter les données envoyées par les capteurs de mouvements (autre véhicule, piéton, animaux, cycliste…) sur l’environnement de la voiture.

Il doit ensuite être à même de prévoir les actions à venir de ces autres acteurs et d’adapter en conséquence son propre comportement.

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Elaine Herzberg est la première piétonne tuée par un véhicule autonome, le 18 mars 2018. Elle traversait une rue à Tempe, Arizona, aux États-Unis, en poussant une bicyclette. Elle a été fauchée vers 22 h par une voiture expérimentale Uber.

« Une partie de la “perception” n’est pas encore résolue. On en est à 80-85 %, ce qui signifie que dans 15 % des situations problématiques la voiture peut heurter les objets ou les personnes, les tuer ou les endommager », dit la professeure Avideh Zakhor, enseignante à l’université Berkeley.

Quels sont les autres écueils ?

La législation, en cours dans une quarantaine d’États américains, porte essentiellement sur les tests. Les acteurs espèrent que l’accumulation des milliers de kilomètres parcourus va permettre de rassurer sur la sécurité de la technologie.

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Une voiture autonome expérimentale Hyundai, à l'essai à Irvine, en Californie en octobre 2019.

Les autorités doivent en outre adapter la signalisation sur les routes à ces voitures intelligentes.

Contactée par l’AFP, l’agence fédérale de la sécurité routière (NHTSA) n’a pas pu dire où elle en était sur ces questions.

Quand va-t-on voir des voitures autonomes sur les routes ?

Pas avant quelques années.

Henrik Fisker, le PDG du constructeur Fisker Inc, estime qu’il « faut encore attendre au moins sept ans si on veut être réaliste ».

« Nous devrions observer le déploiement des flottes de voitures autonomes, probablement à un niveau régional, lors des cinq prochaines années », soutient pour sa part Aurora, start-up spécialisée dans la conduite autonome et soutenue par Amazon et Fiat Chrysler.

POLICE MUNICIPALE DE LAGUNE BEACH, VIA AP

Plusieurs Tesla roulant sur Autopilot ont embouti des voitures de police et des camions de pompiers stationnés sur le bord de la route, illustrant la difficulté des voitures autonomes à percevoir les véhicules immobiles. Ci-haut une scène d'accident à Laguna Beach, en Californie.

S’il concède que trouver une voiture autonome chez un concessionnaire prendra du temps, Sam Abuelsamid estime qu’à court terme on devrait en voir circuler dans des zones délimitées.

« Nous pourrons voir un nombre limité de véhicules autonomes dans certaines zones géographiques d’ici mi-2020 et un déploiement progressif à partir de 2021 », prédit cet ingénieur.

Elon Musk, le patron de Tesla, a toutefois réitéré fin octobre que d’ici la fin de l’année, « la voiture (Tesla) pourra se conduire de la maison au travail, probablement sans intervention, mais sous la surveillance d’un humain ».

Dan Albert juge cette promesse irréalisable et prévient que les clients qui y croient en payant à l’avance les 3500 dollars exigés par Tesla pour cette option « octroient un prêt sans intérêt à l’entreprise ».